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POLITIQUE ET ÉDUCATION CHEZ ROUSSEAU

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Tout individu étant un membre vivant du corps social, une société saine suppose des hommes sains. Comment façonner les êtres vraiment libres dont ne saurait se passer une véritable république? C'est pour répondre à cette question que Rousseau construisit son système d'éducation. Cet autre dessein fut également mûri pendant de longues années. Dès le temps où Rousseau était précepteur chez M. de Mably, il avait composé un petit ouvrage pédagogique : Projet pour l'éducation de M. de Sainte-Marie. Déjà, il dénonçait l'insuffisance d'une formation exclusivement intellectuelle : « Le but que l'on doit se proposer dans l'éducation d'un jeune homme, c'est de lui former le cœur, le jugement et l'esprit; et cela dans l'ordre que je les nomme. »

Plus tard, il s'informa de façon méthodique et complète, relut Montaigne, pratiqua le traité de Locke sur l'éducation des enfants et tous les livres des contemporains qui, tels Crousaz et Morelly, réagissaient contre les routines traditionnelles au nom du bonheur de l'enfant et des nécessités de la vie. En écrivant 1'Emile, il veut avant tout montrer la nécessité de détruire les germes de corruption qu'ont pu déposer dans l'âme de l'enfant de malfaisants pédagogues parmi les poussières d'une culture livresque. L'Emile est donc en relation étroite avec le reste de son oeuvre : Rousseau y définit son idéal pédagogique.

 

« POLITIQUE ET ÉDUCATION Tout individu étant un membre vivant du corps social, une société saine suppose des hommes sains.

Comment façonner les êtres vraiment libres dont ne saurait se passer une véritable république? C'est pour répondre à cette question que Rousseau construisit son système d'éducation.

Cet autre dessein fut également mûri pendant de longues années.

Dès le temps où Rousseau était précepteur chez M.

de Mably, il avait composé un petit ouvrage pédagogique : Projet pour l'éducation de M.

de Sainte-Marie.

Déjà, il dénonçait l'insuffisance d'une formation exclusivement intellectuelle : « Le but que l'on doit se proposer dans l'éducation d'un jeune homme, c'est de lui former le cœur, le jugement et l'esprit; et cela dans l'ordre que je les nomme.

» Plus tard, il s'informa de façon méthodique et complète, relut Montaigne, pratiqua le traité de Locke sur l'éducation des enfants et tous les livres des contemporains qui, tels Crousaz et Morelly, réagissaient contre les routines traditionnelles au nom du bonheur de l'enfant et des nécessités de la vie.

En écrivant 1'Emile, il veut avant tout montrer la nécessité de détruire les germes de corruption qu'ont pu déposer dans l'âme de l'enfant de malfaisants pédagogues parmi les poussières d'une culture livresque.

L'Emile est donc en relation étroite avec le reste de son oeuvre : Rousseau y définit son idéal pédagogique. L'idéal pédagogique : l'Émile (1762). Livre I : Émile jusqu'à cinq ans.

Le bébé doit être confié, non à une nourrice, mais à ses protecteurs naturels : il appartient à la mère de le nourrir, au père de l'instruire.

Cependant, pour la commodité de l'exposé, supposons Émile orphelin, et confié à un précepteur qui soit exclusivement chargé de son éducation.

Élevons l'enfant à la campagne ; accoutumons-le aux bains froids ; proscrivons l'usage du maillot, qui lui ôterait la liberté des mouvements ; ne le rendons esclave d'aucune habitude ; affranchissons-le de ses terreurs ; ne nous hâtons pas de lui révéler les difficultés du langage ; bornons-nous à lui faire articuler nettement et employer correctement le petit nombre de mots qu'on aura mis à sa disposition pour lui permettre de formuler ses besoins élémentaires. Livre II: Emile de cinq à douze ans.

La formation du corps et des sens.

D'une façon générale, que l'enfant soit livré à lui-même sans contrainte intempestive : la nature veillera sur lui et se chargera de l'instruire.

Qu'on évite de raisonner avec lui, mais qu'on le traite selon son âge.

Que lui apprendre? Pas grand-chose encore : il n'est pas capable d'assimiler des connaissances.

« La grande règle n'est pas de gagner du temps, mais d'en perdre » ; et « la première éducation doit être purement négative ».

Formons-le pourtant par l'expérience : s'il a cassé des vitres par colère, on l'enfermera dans une chambre sans fenêtres.

Mais charger sa mémoire de leçons théoriques? Lui enseigner les langues, la géographie, l'histoire, la littérature? Lui révéler par les fables de La Fontaine la corruption d'une société qu'il ne connaît pas encore? Programme inutile et dangereux I Cependant, on ne négligera pas de former son caractère, ni de développer son corps, ni d'affiner ses sens.

A douze ans, Émile est sain, vigoureux, ardent, insouciant, heureux de vivre. Livre III : Emile de douze à quinze ans.

La formation intellectuelle et technique.

Émile va maintenant meubler son esprit, mais seulement par l'expérience : guidé par son précepteur, il apprendra à observer, à raisonner sur les faits, et il « inventera la science » ; il assimilera ainsi les notions de géographie, de cosmographie, de physique, qui pourront lui être utiles.

En outre, il recevra une formation technique et il apprendra un métier manuel : ainsi, Émile sera menuisier.

Enfin, en groupant et en comparant les données de l'expérience, Émile s'accoutumera à juger et, par suite, à raisonner.

A quinze ans, « Émile a peu de connaissances, mais celles qu'il a sont véritablement siennes...

; il est laborieux, tempérant, patient, ferme, plein de courage...

; il a de la vertu tout ce qui se rapporte à lui-même ». Livre IV : Émile de quinze à vingt ans.

La formation morale et religieuse.

On encouragera en Émile les tendances à la sympathie et à la pitié.

Pour lui apprendre à connaître les hommes, on lui permettra de lire les historiens anciens qui, comme Plutarque, retracent la vie des vrais grands hommes, et aussi les fables, réduites au récit proprement dit.

A dix-huit ans seulement, Émile sera initié au problème religieux : du reste, on ne l'agrégera à aucune secte, mais on le mettra en état de choisir entre toutes.

L'exemple même de Rousseau est édifiant: né calviniste et converti malgré lui à la religion catholique, il ne possédait pas de foi véritable ; mais un humble vicaire savoyard lui révéla, devant un paysage alpestre, comment il avait puisé dans la réflexion intérieure et dans le spectacle de l'harmonie du monde l'intuition d'une présence divine, la notion d'une liberté humaine et le sens d'une vérité morale.

Voici maintenant Émile introduit dans le monde : il plaît par sa simplicité et par son naturel. Livre V: Sophie.

En élevant Sophie, on s'est attaché à en faire une jeune fille naturelle, comme on a voulu faire d'Émile un jeune homme naturel.

Mais les méthodes d'éducation ont été adaptées à son sexe.

Sophie est charmante, non sans coquetterie d'ailleurs ; heureusement pourvue de dons qui ont été cultivés avec discrétion ; quelque peu gourmande ; très sensible et capricieuse à l'occasion, mais nullement boudeuse ; religieuse sans être dévote ; passionnée pour la vertu ; aimable et simple en société, prompte cependant à se défendre contre les galants indiscrets ; et fort peu nourrie de lectures, en dehors du « Télémaque ».

Voilà bien la compagne rêvée pour Émile : « il est temps enfin qu'ils se voient, travaillons à les rapprocher.

» Les deux jeunes gens se rencontrent et se plaisent. Après un voyage de deux ans, indispensable pour parfaire sa connaissance des hommes et pour s'initier aux questions politiques, Émile épouse Sophie.

Ils ont un enfant.

La mission du précepteur est terminée. LA DOCTRINE DE L'ÉMILE L'idéal pédagogique de Rousseau consiste à préserver la liberté naturelle de l'enfant, puis à promouvoir sa liberté morale.

D'un bout à l'autre du traité, la notion de liberté demeure au premier plan.

Le bébé doit être laissé libre dans ses mouvements, le jeune garçon dans ses jeux, l'adolescent dans le choix de sa religion.

L'enfant est un être faible, qui a besoin d'un tuteur et d'un guide; mais sa faiblesse ne nous donne pas l'e droit de l'asservir.

Nous devons lui apprendre « la dépendance des choses », c'est-à-dire l'inéluctable pouvoir des lois naturelles qui régissent la condition humaine; mais nous ne devons pas lui imposer de surcroît « la dépendance des hommes », qui est toujours une tyrannie injuste et dégradante.

Aidons-le à formuler ses tendances, à mettre au jour ses aspirations, à découvrir le monde; mais interdisons-nous de modeler sa pensée; évitons de lui donner des idées toutes faites : respectons sa personnalité naissante et mettons-le en mesure de faire face, plus tard, à ses responsabilités : « Il n'y a qu'une science à enseigner aux enfants, c'est celle des devoirs de l'homme.

». »

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