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Rousseau: Morale et politique

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C'est la faiblesse de l'homme qui le rend sociable : ce sont nos misères communes qui portent nos coeurs à l'humanité, nous ne lui devrions rien si nous n'étions pas hommes. Tout attachement est un signe d'insuffisance : si chacun de nous n'avait nul besoin des autres, il ne songerait guère à s'unir à eux. Ainsi de notre infirmité même naît notre frêle bonheur. Un être vraiment heureux est un être solitaire : Dieu seul jouit d'un bonheur absolu ; mais qui de nous en a l'idée ? Si quelque être imparfait pouvait se suffire à lui-même, de quoi jouirait-il selon nous ? Il serait seul, il serait misérable. Je ne conçois pas que celui qui n'a besoin de rien puisse aimer quelque chose ; je ne conçois pas que celui qui n'aime rien puisse être heureux. Il suit de là que nous nous attachons à nos semblables moins par le sentiment de leurs plaisirs que par celui de leurs peines ; car nous y voyons bien mieux l'identité de notre nature et les garants de leur attachement pour nous. Si nos besoins communs nous unissent par intérêt, nos misères communes nous unissent par affection.

« C'est la faiblesse de l'homme qui le rend sociable : ce sont nos misères communes qui portent nos coeurs à l'humanité, nous ne lui devrions rien si nous n'étions pas hommes.

Tout attachement est un signe d'insuffisance : si chacun de nous n'avait nul besoin des autres, il ne songerait guère à s'unir à eux.

Ainsi de notre infirmité même naît notre frêle bonheur.

Un être vraiment heureux est un être solitaire : Dieu seul jouit d'un bonheur absolu ; mais qui de nous en a l'idée ? Si quelque être imparfait pouvait se suffire à lui-même, de quoi jouirait-il selon nous ? Il serait seul, il serait misérable.

Je ne conçois pas que celui qui n'a besoin de rien puisse aimer quelque chose ; je ne conçois pas que celui qui n'aime rien puisse être heureux. Il suit de là que nous nous attachons à nos semblables moins par le sentiment de leurs plaisirs que par celui de leurs peines ; car nous y voyons bien mieux l'identité de notre nature et les garants de leur attachement pour nous.

Si nos besoins communs nous unissent par intérêt, nos misères communes nous unissent par affection. Rousseau I - LES TERMES DU SUJET On peut relever dans le texte quelques termes clés : Sociable : caractéristique qui pousse l'homme à vivre en société. Misères : Rousseau désigne par ce terme la faiblesse naturelle de l'homme, faiblesse qui le rend incapable de subvenir seul à ses besoins. Bonheur : bien-être que le texte associe au fait de vivre ensemble. II - L'ANALYSE DU PROBLEME Rousseau cherche ici à expliquer l'origine du bonheur.

A travers une série de raisons liées les unes aux autres, il montre que paradoxalement, notre bonheur provient des misères qui nous affectent.

Ce sont elles qui nous portent vers autrui et qui renforcent nos liens avec lui.

Le bonheur est donc pour Rousseau un état qui suppose un lien social. Ce texte invite donc à s'interroger sur la nature et les conditions du bonheur : suppose-t-il, comme une condition nécessaire, la société ? L'état social, qui impose un certain nombre de contraintes, est-il véritablement en mesure de permettre le bonheur de chacun ? Celui-ci n'est-il pas davantage le fait de l'individu, qui, par sa conduite de vie personnelle, peut espérer accéder au bonheur ? III - UNE DEMARCHE POSSIBLE A) LES ETAPES DE L'ARGUMENTATION 1 - Un constat initial Le texte débute par un constat (l.1 à 4).

La faiblesse, inhérente à notre condition d'homme, nous porte vers autrui, nous conduit à nous associer à d'autres hommes.

Cette faiblesse constitutive de notre humanité est aussi ce qui conduit celle-ci à se développer. On peut déjà souligner l'adjectif "communes" (que l'on retrouvera à la ligne 14) : il indique que c'est un vécu commun qui crée le lien social.

C'est donc en notre insuffisance que trouvent leur origine notre dépendance et notre sociabilité. 2 - Une première conséquence Le deuxième moment du texte (lignes 4 à 10) tire une première conséquence de ce constat initial : l'union à laquelle nous contraint notre misère naturelle est à la source de notre "frêle bonheur". Rousseau oppose ici un bonheur parfait et absolu, réservé à Dieu, à un bonheur humain, fragile et modéré.

Il y a là comme un agencement providentiel de la nature : notre imperfection suscite des besoins qui vont nous mettre en situation d'"aimer quelque chose" (ligne 9). Or l'amour est, selon Rousseau, la condition du bonheur.

La conception du bonheur qui sous-tend ce texte est donc à la fois collective et affective. Il y a un bonheur proprement humain qui ne peut s'épanouir dans la solitude et qui se fonde sur le sentiment de l'amour. 3 - Une deuxième conséquence Le troisième et dernier moment du texte dégage une seconde conséquence de ce qui précède : ce sont nos peines plutôt que nos plaisirs qui nous lient à autrui.

Le texte se réfère implicitement à la "pitié", faculté qu'a l'homme d'éprouver de la compassion vis-à-vis de la souffrance.

C'est bien en effet, parce que nos misères sont communes que nous pouvons nous mettre à la place d'autrui lorsqu'il souffre.. »

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