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Raymond Aron, Dimensions de la conscience historique.

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« La science historique n'est pas plus une reproduction pure et simple de ce qui a été que la physique n'est une reproduction de la nature. Dans les deux cas, l'esprit intervient et élabore un monde intelligible à partir du donné brut. Mais si l'histoire est une reconstruction comme la physique, elle est une reconstruction de type tout différent. La physique vise la loi, l'histoire le singulier [...]. Aucune science ne retient jamais tout du réel, chacune a un mode propre de sélection, visant à détacher ce qui mérite d'être expliqué ou ce qui sert à expliquer ce qui mérite de l'être [...]. Le physicien ne s'intéresse pas à cette pierre qui en tombant a tué ce passant, mais à la manière dont tombent les corps, les spécifications n'étant pas d'ordre spatio-temporel (à cet endroit, à cette heure), mais d'ordre abstrait et pour ainsi dire théorique, résultat d'une réduction du complexe au simple. On ne peut concevoir pareille réduction dans le domaine de l'histoire. Comment donc s'opère la sélection faute de laquelle la recherche se poursuivrait indéfiniment, sans épuiser le moindre fragment du réel, le moindre moment du temps ? La critique kantienne a répondu en usant du terme de valeur. Les évènements que retient la connaissance historique sont ceux qui se rapportent à des valeurs, valeurs affirmées par les acteurs ou les spectateurs de l'histoire [...]. Nous retenons du passé ce qui nous intéresse. La sélection historique est dirigée par les questions que le présent pose au passé. Le renouvellement des images que les hommes se font des civilisations est lié à ce changement des questions inspiratrices. » Raymond Aron, Dimensions de la conscience historique.La science a pour objectif la connaissance du réel. Or le réel est multiple et fait donc l'objet de différentes approches scientifiques. Les sciences empiriques portent leurs recherches sur des êtres matériels, elles comprennent les sciences de la nature mais aussi les sciences de l'homme et de la société. Les deux types de science abordés dans ce texte, à savoir la physique et l'histoire, font partie respectivement de ces deux domaines. Le scientifique ne se limite pas, selon Aron, à répéter le réel, il s'y implique et sa lecture n'est pas purement objective dans la mesure où il utilise sa grille de lecture pour l'expliquer ou l'interpréter. Il s'agit pour Aron de définir la science puis de préciser la nature de ces deux sciences distinctes, leurs points communs et leur différence.

« « La science historique n'est pas plus une reproduction pure et simple de ce qui a été que la physique n'est une reproduction de la nature.

Dans les deux cas, l'esprit intervient et élabore un monde intelligible à partir du donné brut.

Mais si l'histoire est une reconstruction comme la physique, elle est une reconstruction de type tout différent.

La physique vise la loi, l'histoire le singulier […]. A ucune science ne retient jamais tout du réel, chacune a un mode propre de sélection, visant à détacher ce qui mérite d'être expliqué ou ce qui sert à expliquer ce qui mérite de l'être […].

Le physicien ne s'intéresse pas à cette pierre qui en tombant a tué ce passant, mais à la manière dont tombent les corps, les spécifications n'étant pas d'ordre spatio-temporel (à cet endroit, à cette heure), mais d'ordre abstrait et pour ainsi dire théorique, résultat d'une réduction du complexe au simple.

On ne peut concevoir pareille réduction dans le domaine de l'histoire. Comment donc s'opère la sélection faute de laquelle la recherche se poursuivrait indéfiniment, sans épuiser le moindre fragment du réel, le moindre moment du temps ? La critique kantienne a répondu en usant du terme de valeur.

Les évènements que retient la connaissance historique sont ceux qui se rapportent à des valeurs, valeurs affirmées par les acteurs ou les spectateurs de l'histoire […].

Nous retenons du passé ce qui nous intéresse.

La sélection historique est dirigée par les questions que le présent pose au passé.

Le renouvellement des images que les hommes se font des civilisations est lié à ce changement des questions inspiratrices.

» Raymond Aron, Dimensions de la conscience historique. Introduction La science a pour objectif la connaissance du réel.

Or le réel est multiple et fait donc l'objet de différentes approches scientifiques.

Les sciences empiriques portent leurs recherches sur des êtres matériels, elles comprennent les sciences de la nature mais aussi les sciences de l'homme et de la société.

Les deux types de science abordés dans ce texte, à savoir la physique et l'histoire, font partie respectivement de ces deux domaines.

Le scientifique ne se limite pas, selon A ron, à répéter le réel, il s'y implique et sa lecture n'est pas purement objective dans la mesure où il utilise sa grille de lecture pour l'expliquer ou l'interpréter.

Il s'agit pour A ron de définir la science puis de préciser la nature de ces deux sciences distinctes, leurs points communs et leur différence. Il procède en trois étapes.

Dans la première il donne une première acception de la science.

La deuxième a pour objet la physique et révèle son principe et sa méthode.

Enfin la troisième porte sur l'histoire et sa spécificité. Première partie : La science est-elle une reproduction ou une reconstruction du réel ? Tout d'abord A ron affirme que l'histoire est une science.

En ce sens il accorde aux sciences humaines le même statut qu'aux mathématiques et à la physique pour n'en citer que deux.

Il nie que la science soit une répétition intellectualisée du réel, le scientifique ne fait pas que transcrire le réel dans la pensée.

L'histoire ne se borne pas à être une description du passé tout comme la physique n'est pas une imitation de la nature. L'esprit intervient sur le réel, autrement dit il agit sur lui.

Il constitue un monde intelligible ayant pour point de départ le réel.

C'est pourquoi il est question de reconstruction.

Il y a une action créatrice du scientifique.

Ce dernier ne s'arrête pas aux données brutes mais les dépasse. Pour autant si l'histoire et la physique sont toutes les deux des reconstructions, elles ne le sont pas de la même manière.

En effet, la première porte sur le singulier parce qu'elle a pour objet le passé de l'homme ; alors que la seconde porte sur la loi, la physique élaborant à partir de faits singuliers des règles.

Les deux prochaines parties devront éclairer cette distinction. Deuxième partie : La physique et la loi. En premier lieu A ron revient sur une particularité de la science à savoir que pour étudier le réel une sélection est nécessaire.

Le donné réel brut ne peut être l'objet du scientifique, celui-ci doit construire son objet.

La sélection est une certaine approche du réel qui différera selon le type de science étudié.

Le réel pour être compris doit être lu à l'aide de grilles de lecture établies par le chercheur.

Il faut d'une part déterminer l'objet de recherche et d'autre part les outils de son analyse. Le physicien, comme il a été dit précédemment, ne s'occupe pas du singulier.

Il ne s'intéresse pas au phénomène ici et maintenant, qui est particulier, accidentel et ne nous apporte seul aucune clé pour comprendre le réel.

Ce que vise la physique c'est l'élaboration de lois permettant de comprendre la nature des phénomènes, et leur cause.

Les lois de la nature doivent être comprises comme étant des successions constantes auxquelles nous ne pouvons avoir accès si l'on se borne au singulier.

Nous pouvons prendre pour exemple la loi suivante : toute eau portée à 100°C à la pression atmosphérique entre en ébullition.

La loi est l'expression du général, il n'est pas question d'une eau en particulier mais de « toute eau ».

Le physicien dépasse la sphère particulière pour s'élever par l'abstraction à l'universel, au général, à une loi de la nature. Le réel multiple et complexe se trouve expliqué par sa réduction au simple.

Le simple ou l'unité étant du côté théorique.

Une loi de la nature permet de comprendre une pluralité de phénomènes.

La nature se trouve ordonnée, structurée par les lois physiques qui sont autant de clés pour la comprendre.

Mais cette réduction du complexe au simple est impossible en histoire.

Pourquoi ? Troisième partie : L'histoire et les valeurs. Encore une fois au lieu de commencer tout de suite à parler de l'histoire A ron revient sur une caractéristique de la science en général, à savoir ici la sélection.

Tout scientifique se doit de sélectionner sans quoi il se perdrait dans l'infini du temps et de l'espace.

Débordé par le réel infini et indéterminé, il lui serait impossible d'accéder à sa connaissance.

Par sélection il faut comprendre découpage du réel tel qu'il permet à la science d'avoir un objet construit d'analyse.

Or se pose la question de savoir quelle sélection est opérée dans la science historique ? Si les lois étaient le maître mot de la physique, ce sont les valeurs qui sont la notion phare de l'histoire.

En effet, selon la conception kantienne l'historien lit le passé grâce à une grille de lecture particulière qui met au premier plan les valeurs.

D'où viennent ces valeurs ? Sont-elles issues de l'esprit de l'historien qui les appliquerait au passé ? Ce qui poserait un problème de subjectivité.

Ou bien ces valeurs proviennent-elles des acteurs du passé euxmêmes ? C e sont les « acteurs » et les « spectateurs » de l'histoire qui sont à l'origine de ces valeurs en ce sens.

Elles sont données d'une part par les témoignages du passé qui font parler les acteurs du passé, et d'autre part elles découlent de l'esprit des spectateurs de l'histoire, à savoir les individus vivant au présent et regardant le passé.

C e qui dirige la sélection de l'historien est l'ensemble des valeurs.

Or une idée intéressante, et qui clôt l'argumentation, est le renouvellement de ces valeurs, qui font que le regard de l'historien sur le passé n'est pas figé puisqu'il dépend des valeurs mises en avant dans une société à un moment donné. Conclusion Si la physique et l'histoire sont bien toutes les deux des sciences entendues comme reconstructions du réel, elles ne le sont pas dans le même sens. En effet la physique lit le réel, le comprend via l'établissement de lois de la nature tandis que l'histoire regarde le passé du point de vue des valeurs, ce point de vue n'étant pas figé mais dynamique.. »

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