qu'entend-on par raison dans l'homme ?
Extrait du document
«
Introduction : L'expression présentée ici paraît tout à fait singulière.
Qui ne saurait de quoi nous parlons lorsque
nous parlons de la raison ? Le terme semble si courant qu'il puisse paraître superflu de vouloir l'expliquer, d'autant
que la liaison avec le nom « homme » semble évidente.
Quel autre animal que l'homme pourrait être doué de raison ?
A première vue, il n'y a que chez l'homme que l'on puisse retrouver les indices de la présence de cette faculté.
C'est
donc l'emploi du terme « dans » qui va nous poser problème.
Nous disons généralement que quelque chose se trouve
dans une autre chose (l'eau dans le verre par exemple) à la manière d'un contenu dans un contenant.
Mais, ce
terme peut également indiquer la participation (être dans le secret).
D'ailleurs ce dernier sens semble le plus
approprié pour comprendre la question ici présente.
Si nous sommes dans le secret de quelque chose, nous
participons à une confidence.
De la même façon, il se pourrait bien que tout homme participe à une raison commune,
signe de l'humanité.
Mais d'un autre coté, cette « présence » de la raison ne se manifeste jamais qu'à travers un
acte, une fonction exercée, à savoir la tentative de donner du sens à ce qui nous entoure.
Dès lors, comment se
manifeste l'interdépendance de l'homme et de la raison ? Nous verrons alors que la raison fait de l'homme un « lieu »
de questions dont il ne peut jamais connaître les réponses.
I/ La raison est partagée universellement
Comment caractériserons-nous l'homme ? Si nous pouvons bien affirmer que le langage ou la pensée sont
des facultés qui distinguent l'homme des autres animaux, ces facultés n'ont-elles pas encore entre elles quelque
chose de commun.
Nous parlerons alors de l'essence d'un homme.
Par là, nous entendons qu'il y aurait en l'homme
quelque chose d'essentiel, de permanent.
Or, n'est-ce pas la raison que nous pourrions invoquer comme étant
l'essence de l'homme ? En effet, nous entendons ici que tous les hommes partageraient ensemble quelque chose de
commun, qui ne ferait défaut à aucun d'eux et qui permettrait de donner une définition du terme « humanité ».
Appartiendrait à l'humanité, au genre humain, tout animal possédant la raison.
La raison serait alors la présence de
l'universalité en chacun.
Elle est considérée comme une unité première à laquelle tous les hommes participent : une
unité immanente à la totalité des êtres qui en sont doués.
Reprenant les réflexions de Marc Aurèle selon qui il y a
« une raison commune à tous les êtres doués d'intelligence », Descartes affirme au début du Discours de la
méthode : « Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée : car
chacun pense en être si bien pourvu, que ceux même qui sont les plus
difficiles à contenter en toute autre chose n'ont point coutume d'en désirer
plus qu'ils n'en ont.
En quoi il n'est pas vraisemblable que tous se trompent ;
Mais plutôt cela témoigne que la puissance de bien juger et distinguer le vrai
d'avec le faux, qui est proprement ce qu'on nomme le bon sens ou la raison,
est naturellement égale en tous les hommes.
» La raison peut donc être
pensée comme cette capacité universelle qui permet d'être définie par sa
présence en chaque homme.
Elle est dans l'homme au sens où elle fait
essentiellement partie de lui.
« Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée; car chacun pense e
pourvu que ceux même qui sont les plus difficiles à contenter en toute autre cho
coutume d'en désirer plus qu'ils en ont.
En quoi il n'est pas vraisemblable
trompent: mais plutôt cela témoigne que la puissance de bien juger et distinguer
le faux, qui est proprement ce qu'on nomme le bon sens ou la raison, est nature
en tous les hommes; et ainsi que la diversité de nos opinions ne vient pas de c
sont plus raisonnables que les autres, mais seulement de ce que nous conduison
par diverses voies, et ne considérons pas les mêmes choses.
Car ce n'est pas
l'esprit bon, mais le principal est de l'appliquer bien.
Les plus grandes âmes sont
plus grands vices aussi bien que des plus grandes vertus; et ceux qui ne marc
lentement peuvent avancer beaucoup davantage, s'ils suivent toujours le droi
ne font ceux qui courent et qui s'en éloignent.
»
DESCARTES.
C'est par cet énoncé fracassant que Descartes ouvre le « Discours de la méthode, pour bien conduire sa raison et chercher la vérité
dans les sciences ».
Ce texte est le premier livre de philosophie en langue vulgaire, cad en français.
Ecrire en français un ouvrage de philosophie et de science, que
« même les femmes pourraient comprendre », manifeste une volonté de démocratisation du savoir ; c'est vouloir que le plus grand nombre de
lecteurs possible soit touché par la véritable révolution qu'il prépare.
Nous oublions souvent que le « Discours » n'est qu'une petite préface à trois gros essais scientifiques qui intéressaient les contemporains
beaucoup plus que le « Discours ».
Cet ouvrage paraît en 1637, à peine quatre ans après le procès de Galilée.
Galilée fut traduit devant un tribunal de l'Inquisition pour avoir
confirmé l'hypothèse de Copernic selon laquelle « ce n'est pas le Soleil qui tourne autour de la Terre, mais la Terre qui tourne autour du Soleil, et
sur elle-même ».
Or, cette révolution scientifique, qui signe une révolution dans la façon de voir le monde et d'y définir la place de l'homme.
Descartes en est partie
prenante.
Il pratique la physique comme Galilée et aboutit à des thèses aussi « dangereuses ».
Les résultats scientifiques et philosophiques
auxquels il est parvenu, Descartes veut les livrer au public, en français..
»
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