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Que vaut cette excuse: "Je ne l'ai pas fait exprès ?

Extrait du document

« [Introduction] « Je ne l'ai pas fait exprès.

» Sous cette forme, c'est bien souvent l'excuse de l'enfant conscient d'avoir fait une bêtise.

Mais il revient au même de dire, ou de penser : « Je n'ai pas voulu ça ».

J'ai mal agi, certes, mais je n'avais pas voulu cet acte, ou du moins ses conséquences.

Celui qui parle ainsi se reconnaît bien l'auteur de son acte (si je ne l'ai pas fait exprès, je l'ai néanmoins fait), mais refuse de s'en reconnaître coupable.

Il se disculpe - ou croit se disculper - de sa faute. C'est un fait, nous jugeons plus sévèrement la faute lorsqu'elle a été commise intentionnellement : par exemple, la justice distingue le meurtre prémédité de l'homicide par imprudence ou des « coups et blessures ayant entraîné la mort sans intention de la donner ».

Pourtant, il est des actes involontaires dont nous considérons que les auteurs doivent répondre.

Si j'ai perdu le contrôle du véhicule que je conduisais et causé un accident, « je ne l'ai pas fait exprès ».

Je n'en serais pas moins jugé et puni si j'ai causé des dommages à autrui.

Qui contesterait la légitimité de la sanction ? La valeur de cette excuse est donc pour le moins discutable, et c'est cette discussion qu'il faut mener. Mais commençons par nous demander ce qu'est une excuse, et à quelles conditions un acte est excusable. [I.

Une demande de pardon équivoque] Le mot « excuse » paraît avoir deux sens, l'un fort, l'autre faible : si l'excuse peut être la reconnaissance d'un tort que l'on a infligé à autrui, et l'expression d'un regret, l'excuse peut aussi être la simulation d'un regret qui masque alors une tentative pour se déresponsabiliser de ses actes.

S'excuser devient alors vide de sens, car on cherche ici à se disculper.

On se trouve alors de bonnes excuses pour bénéficier de circonstances atténuantes. [1.

Une reconnaissance de torts] Au sens faible, l'excuse est une reconnaissance de torts ; « présenter ses excuses », c'est dire qu'on n'aurait pas dû faire ce qu'on a fait.

S'excuser est la moindre des politesses pour celui qui a causé du tort, ou même un dérangement à autrui.

Remarquons qu'en ce sens (et c'est pourquoi je l'appelle faible), il n'est plus question de s'excuser si la faute dépasse un certain seuil de gravité.

On ne présente pas ses excuses pour un acte ayant entraîné invalidité ou mort.

On ne peut que demander pardon, ce qui est tout autre chose. [2.

Une disculpation] En un autre sens, plus fort, une excuse est ce qui atténue la responsabilité, et donc la culpabilité de l'auteur d'un acte.

Ce sont les « circonstances atténuantes » des tribunaux.

En ce sens, la pauvreté peut excuser le vol, la passion peut excuser le crime, l'endoctrinement peut excuser le fanatisme.

Je dis « peut », car on ne considère pas que tout cela excuse toujours.

Le mot est ici utilisé dans ce dernier sens, fort.

En effet, quand on « s'excuse », simplement, on n'ajoute pas « je ne l'ai pas fait exprès ».

D'abord parce que cela va de soi (ou alors on s'excuse ironiquement, ce qui n'est pas s'excuser mais en rajouter sur la faute), ensuite parce que ce serait déjà trop en dire, et donc incorrect. [Transition] Il s'agit donc de savoir si je suis moins coupable de mon action parce qu'elle a été involontaire.

Si la faute est moins grande parce que je ne l'ai pas voulue, même si je l'ai commise.

Le problème qui se pose alors est de savoir si mon degré de culpabilité est proportionnel au degré de gravité de la faute que j'ai commise.

Ne faut-il pas ici agir et décider au cas par cas ? Il semble bien que des considérations d'ordre psychologique entrent en jeu ici. [II.

La valeur morale d'une action se mesure à l'intention] Chacun sait que c'est l'intention, et non le résultat, qui détermine la valeur morale d'une action.

Lorsque Valmont, dans Les Liaisons dangereuses, fait la charité à des malheureux pour gagner la confiance de la Présidente de Tourvel qu'il veut séduire, il n'en reste pas moins un scélérat.

Mais le juste qui se sacrifie pour l'autre demeure un juste, même si son sacrifice est vain. [ 1.

Je ne suis pas responsable du résultat de mes actions si mon intention était pure] Après tout, je ne peux jamais savoir si ce que j'entreprends réussira.

Il y a des impondérables, il y a de l'imprévisible, et les circonstances, que je ne maîtrise jamais totalement, peuvent faire échouer les projets les plus nobles.

Mais la pureté de mon intention ne dépend que de moi.

Ma volonté reste en mon pouvoir. En revanche, on ne saurait me reprocher ou me demander réparation d'un tort que je n'ai pas moi-même commis, mais dont j'aurai été la cause lointaine malgré moi.

Si le malheureux que j'ai secouru profite de mon aide pour faire du mal, je n'y suis pour rien.

Si celui que j'ai instruit fait un mauvais usage de ses facultés et de son savoir, je n'y suis pour rien.

Si j'ai été à un moment donné le professeur d'un élève qui s'avéra être plus tard un dictateur, je ne peux en rien être accusé de l'avoir endoctriné ou d'avoir comploté quoi que ce soit à l'encontre du gouvernement. Fais ce que tu dois, advienne que pourra ! L'acte involontaire, même s'il a des conséquences désastreuses, ne peut donc être jugé aussi sévèrement que s'il était volontaire, voire prémédité.

La loi, d'ailleurs, ne s'y trompe pas, et fait bien la différence.

« Je ne l'ai pas fait. »

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