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Que vaut l'excuse : « C'est plus fort que moi » ?

Extrait du document

« Termes du sujet: Excuser: Libérer du poids de la responsabilité; pardonner: "Ce n'est pas moi, c'est l'autre que moi, par exemple une tendance, un besoin, un instinct..." MOI (n.

m.) 1.

— Désigne le sujet en tant qu'il se pense lui-même.

2.

— Idée que se fait de lui-même un individu quelconque.

3.

— (Psychan.) Instance de la seconde topique freudienne (opposé au ça et au surmoi), le moi (das Ich) dépend des revendications du ça et des impératifs du surmoi ; il apparaît comme un facteur de liaison des processus psychiques et représente le pôle défensif de la personnalité. Approche: 1.

Il faut d'abord analyser le sens global de cette expression.

« C'est plus fort que moi » : c'est ce qu'on dit non pas lorsqu'on se heurte à des forces extérieures supérieures à la nôtre, mais à une force interne.

D'où le statut problématique de l'adjectif démonstratif « ce » (c'est plus fort que moi »).

Comme si nous voulions dire : ce qui me fait agir est en moi mais n'est pas moi, ou plus exactement : est en moi sans que je m'y reconnaisse, sans même que je le veuille, alors même que je veux faire ou penser le contraire.

En ce sens, la question pose évidemment le problème de l'inconscient (que Freud appelle significativement le « ça »).

Ce que signifie l'expression « c'est plus fort que moi », c'est qu'il existe des pensées ou des actes que le sujet conscient et volontaire que je suis n'assume pas : je pense, mais ça pense en moi, malgré moi, contre moi. 2.

Élucider le sens de l'expression est nécessaire mais non suffisant.

Car la question posée concerne la valeur de cette expression.

Savoir ce que l'expression « c'est plus fort que moi » vaut peut signifier deux choses. • D'abord, quelle est sa valeur de vérité ? Existe-t-il réellement des pulsions, des désirs, des mobiles inconscients qui me font agir malgré moi ? • Ensuite, et surtout, sa valeur morale.

Demander quelle est la valeur de cette expression invite explicitement à se situer du point de vue moral : est-ce une excuse valable à certains de mes actes ? Puis-je me défausser de ma responsabilité, dire : « ce n'est pas moi, puisque c'est plus fort que moi » ? Introduction L'enfant qui vient de commettre une bêtise a pour habitude de faire valoir que ce n'est pas de sa faute: sans doute le vase est-il brisé, mais il ne l'a pas fait exprès, même s'il ne peut davantage préciser la nature des circonstances qui l'ont trompé.

Si un tel comportement est supportable lorsque le jeune âge du coupable implique qu'il n'a pas encore une conception bien claire de ce que serait sa responsabilité, il semble plus difficile à admettre en présence d'un adulte, qui prétend se décharger de celle-ci sur le poids des circonstances extérieures.

Lorsqu'un mari coléreux tente de faire valoir que, s'il frappe son épouse, ce n'est pas tout à fait de sa faute parce que, périodiquement, « c'est plus fort que lui », une telle excuse paraît assez peu recevable - ce qui indique que l'on attend d'un sujet adulte la capacité de maîtriser sa conduite, ou d'assumer sa responsabilité s'il lui arrive d'agir mal.

Que peut donc valoir cette excuse : « C'est plus fort que moi » ? [I.

Maîtrise et circonstances] Cette formule n'est utilisée que pour « excuser » une faute : la personne accusée tente de faire admettre que sa conduite (répréhensible) ne peut lui être reprochée, dans la mesure où quelque « force » extérieure l'a amenée à agir ainsi, indépendamment de sa volonté.

C'est donc l'aveu d'une faiblesse de la volonté, en même temps que l'invitation à découvrir ce qui a pu la bafouer. De manière générale, celui qui cherche à s'excuser de la sorte reconnaît donc que sa conduite n'a pas été décidée par sa seule volonté.

Il sous-entend que cette dernière s'est heurtée en quelque sorte à plus fort qu'elle : au lieu d'agir, il a, dans une certaine mesure, été agi.

D'un point de vue strictement moral, une telle excuse n'est acceptable que si l'on admet que la conduite peut ne pas être déterminée par le seul sujet et par sa volonté : interviendrait donc un déterminisme extérieur, qui oblige à admettre que le sujet, étant déterminé, perd sa liberté. Pour apprécier une telle excuse, on doit donc se demander si la conduite peut être ainsi conçue, si l'on peut admettre que l'homme, dans sa vie quotidienne, soit soumis -à des déterminismes qui orientent ses gestes, ses actes, peut-être ses pensées.

Derrière la formule un peu passe-partout et en apparence pas trop grave, se profile en réalité une définition de l'humain et de sa situation relativement aux choses extérieures.

Admettre un tel déterminisme (et même si l'on conçoit qu'il n'intervient que de temps à autre, précisément quand l'action est mal orientée), c'est évidemment nier la responsabilité, et donc la moralité elle-même.

On voit mal en effet comment on pourrait soutenir que, si j'agis bien, j'en revendique la responsabilité, alors que, si j'agis mal, c'est que je suis soumis momentanément à « plus fort que moi » : la responsabilité doit être dans les deux cas constante, ou inexistante.

En d'autres termes, c'est la volonté - ou son absence - qui doit dans tous les cas déterminer ma conduite.

Il n'est dès lors pas surprenant que Kant, qui place précisément la volonté au fondement de l'existence morale, refuse ce genre d'excuse : de son point de vue, aucune circonstance ne peut être « plus forte que moi », parce que mon existence, en tant que sujet moral, implique une liberté toujours entière, et nécessite que je sois défini comme « sujet rationnel », c'est-à-dire comme m'imposant à moi-même les lois auxquelles doit obéir ma conduite. [Il.

Inconscient et responsabilité]. »

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