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Que pensez-vous de cette opinion de Jean Giraudoux : « Le spectacle est la seule forme d'éducation morale ou artistique d'une nation. Il est le seul moyen par lequel le public, le plus humble et le plus lettré, peut être mis en contact avec les plus haut

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Cette réflexion est tirée d'un Discours sur le théâtre prononcé le 19 novembre 1931 au banquet de l'Association parisienne des anciens élèves du lycée de Châteauroux. La voici rétablie dans son intégrité et dans son contexte. La question du théâtre et des spectacles, qui a joué un rôle capital et parfois décisif dans l'histoire des peuples, n'a rien perdu de son importance à une époque où le citoyen voit se multiplier, du fait de la journée de huit ou de sept heures, son temps de loisir et de distraction. Le spectacle est la seule forme d'éducation morale ou artistique d'une nation. Il est le cours du soir valable pour adultes et vieillards, le seul moyen par lequel le public le plus humble et le moins lettré peut être mis en contact personnel avec les plus hauts conflits, et se créer une religion laïque, une liturgie et ses saints, des sentiments et des passions. Il y a des peuples qui rêvent, niais pour ceux qui ne rêvent pas, il reste le théâtre. La lucidité du peuple français n'implique pas du tout son renoncement aux grandes présences spirituelles. Le culte des morts, ce culte des héros qui le domine prouve justement qu'il aime voir de grandes figures, des figures proches et inapprochables jouer dans la noblesse et l'indéfini sa vie humble et précise. Son culte de l'égalité aussi est flatté par ce mode d'égalité devant l'émotion qu'est la salle de théâtre au lever du rideau, égalité qui n'est surpassée que par celle du champ d'épis avant la moisson. S'il n'est admis qu'une fois par an, au coeur de notre fête officielle, dans la matinée gratuite du 14 juillet, comme il convient à notre démocratie, à vivre quelques heures à l'Odéon ou à la Comédie-Française, avec les reines et les rois, avec les passions reines et les mouvements rois, croyez bien qu'il n'en est pas responsable. Partout où s'ouvre pour lui un recours contre la bassesse des spectacles, il s'y précipite. Dans les quelques lieux sacrés que n'a pas gâtés la lèpre du scurrile et du facile, des masses de spectateurs, sortis de toutes les classes de la population s'entassent, et écoutent respectueusement -- peu importe qu'ils en comprennent le détail puisque le tragique agit sur eux en cure d'or et de soleil, — la plus hermétique des oeuvres d'Eschyle ou de Sophocle. (Dans Littérature, p. 233-234, Grasset 1941.) INTRODUCTION. — Généralement, on va au spectacle pour se distraire. Certains ont aussi pour but de s'instruire : ils désirent connaître un film ou un drame dont on parle, assister à la représentation d'une pièce classique qu'ils ont étudiée pour la préparation d'un examen... Sauf exception assez rare, on ne va pas au théâtre ou au cinéma en vue de sa formation artistique et moins encore en vue de sa formation morale. Le résultat, il est vrai, n'est pas nécessairement celui qu'on cherche. Venu pour se distraire, le spectateur peul; aussi s'instruire, recevoir de hautes leçons pratiques et repartir avec un goût plus affiné, des sentiments plus généreux. Mais il faudrait être bien optimiste pour assurer qu'il en est toujours ainsi. C'est pourquoi on est passablement surpris de lire cette affirmation de GIRAUDOUX : « Le spectacle... » Nous dirons d'abord les causes de cette surprise et ensuite chercherons à voir ce qui semble justifier l'opinion soumise à notre jugement.

« Que pensez-vous de cette opinion de Jean Giraudoux : « Le spectacle est la seule forme d'éducation morale ou artistique d'une nation.

Il est le seul moyen par lequel le public, le plus humble et le plus lettré, peut être mis en contact avec les plus hauts conflits.

» Cette réflexion est tirée d'un Discours sur le théâtre prononcé le 19 novembre 1931 au banquet de l'Association parisienne des anciens élèves du lycée de Châteauroux.

La voici rétablie dans son intégrité et dans son contexte. La question du théâtre et des spectacles, qui a joué un rôle capital et parfois décisif dans l'histoire des peuples, n'a rien perdu de son importance à une époque où le citoyen voit se multiplier, du fait de la journée de huit ou de sept heures, son temps de loisir et de distraction.

Le spectacle est la seule forme d'éducation morale ou artistique d'une nation.

Il est le cours du soir valable pour adultes et vieillards, le seul moyen par lequel le public le plus humble et le moins lettré peut être mis en contact personnel avec les plus hauts conflits, et se créer une religion laïque, une liturgie et ses saints, des sentiments et des passions.

Il y a des peuples qui rêvent, niais pour ceux qui ne rêvent pas, il reste le théâtre.

La lucidité du peuple français n'implique pas du tout son renoncement aux grandes présences spirituelles.

Le culte des morts, ce culte des héros qui le domine prouve justement qu'il aime voir de grandes figures, des figures proches et inapprochables jouer dans la noblesse et l'indéfini sa vie humble et précise. Son culte de l'égalité aussi est flatté par ce mode d'égalité devant l'émotion qu'est la salle de théâtre au lever du rideau, égalité qui n'est surpassée que par celle du champ d'épis avant la moisson.

S'il n'est admis qu'une fois par an, au coeur de notre fête officielle, dans la matinée gratuite du 14 juillet, comme il convient à notre démocratie, à vivre quelques heures à l'Odéon ou à la Comédie-Française, avec les reines et les rois, avec les passions reines et les mouvements rois, croyez bien qu'il n'en est pas responsable.

Partout où s'ouvre pour lui un recours contre la bassesse des spectacles, il s'y précipite.

Dans les quelques lieux sacrés que n'a pas gâtés la lèpre du scurrile et du facile, des masses de spectateurs, sortis de toutes les classes de la population s'entassent, et écoutent respectueusement -- peu importe qu'ils en comprennent le détail puisque le tragique agit sur eux en cure d'or et de soleil, — la plus hermétique des oeuvres d'Eschyle ou de Sophocle.

(Dans Littérature, p.

233-234, Grasset 1941.) INTRODUCTION.

— Généralement, on va au spectacle pour se distraire.

Certains ont aussi pour but de s'instruire : ils désirent connaître un film ou un drame dont on parle, assister à la représentation d'une pièce classique qu'ils ont étudiée pour la préparation d'un examen...

Sauf exception assez rare, on ne va pas au théâtre ou au cinéma en vue de sa formation artistique et moins encore en vue de sa formation morale. Le résultat, il est vrai, n'est pas nécessairement celui qu'on cherche.

Venu pour se distraire, le spectateur peul; aussi s'instruire, recevoir de hautes leçons pratiques et repartir avec un goût plus affiné, des sentiments plus généreux.

Mais il faudrait être bien optimiste pour assurer qu'il en est toujours ainsi. C'est pourquoi on est passablement surpris de lire cette affirmation de GIRAUDOUX : « Le spectacle...

» Nous dirons d'abord les causes de cette surprise et ensuite chercherons à voir ce qui semble justifier l'opinion soumise à notre jugement. I.

— CE QU'IL Y A D'EXCESSIVEMENT EXAGERE... 1.

Le spectacle constitue souvent une contre-éducation.

— Qu'il puisse y avoir un théâtre éducatif, on ne saurait le contester et nous dirons en terminant d'où vient sa puissance éducative.

Ce qui nous choque dans l'affirmation de GIRAUDOUX c'est qu'elle soit formulée sans réserve et semble en quelque sorte canoniser le théâtre en lui-même. Coupée de son contexte, la phrase soumise à notre jugement n'exprime pas, il est vrai, l'opinion de celui qui l'a écrite.

Il suffit de poursuivre un peu plus loin la lecture de son Discours sur le théâtre pour rencontrer des paroles sévères sur les scènes parisiennes : « Il s'agit de plaire, par les moyens les plus communs et les plus vils.

» Giraudoux songe à un spectacle visant beaucoup moins à fournir au spectateur moyen le divertissement qu'il vient y chercher qu'à réaliser un type idéal. Malheureusement ce n'est d'ordinaire qu'un idéal de beauté que vise le dramaturge.

Il croirait déchoir en faisant oeuvre d'édification.

Pratiquant le principe de l'art pour l'art, il lui arrive de produire des pièces amorales ou même immorales. Il est vain d'arguer que l'art purifie tout.

Cette purification, dans la mesure où elle est réelle suppose une culture artistique qui manque au « public » dont parle Giraudoux.

Chez l'homme cultivé lui-même, la fréquentation des spectacles entretient souvent un climat moral délétère.

En effet, c'est la passion de l'amour qui fournit les thèmes les plus ordinaires du dramaturge.

Dans ses célèbres Maximes sur la Comédie, BOSSUET se fait cette objection: « Mais tout cela, dira-t-on, parait sur nos théâtres comme une faiblesse.

» Il lui est facile d'y répondre : « Je le veux : mais il y paraît comme une belle, comme une noble faiblesse, comme la faiblesse des héros et des héroïnes; enfin comme une faiblesse si artificieusement changée en vertu, qu'on l'admire, qu'on lui applaudit sur tous les théâtres et qu'elle doit faire une partie si essentielle des plaisirs publics, qu'on ne peut souffrir de spectacle ou non seulement elle ne soit, mais encore où elle ne règne et n'anime toute action.

» De même, à un âge qui ne s'intéresse pas encore aux intrigues amoureuses, les spectateurs du théâtre de marionnettes prennent beaucoup plus de plaisir à voir rosser le gendarme qu'à assister an triomphe des défenseurs de l'ordre. D'ordinaire, ce n'est donc pas aux nobles aspirations de l'homme que fait appel le théâtre.

On ne peut donc voir en lui qu'un médiocre éducateur. 2.

Le spectacle n'est pas le seul moyen d'éducation.

— Plus excessive encore l'affirmation répétée qui fait du. »

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