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Que pensez-vous de cette affirmation de Nietzsche : « On n'aime jamais en définitive que ses penchants, et non ce vers quoi l'on penche. » ?

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« Que pensez-vous de cette affirmation de Nietzsche : « On n'aime jamais en définitive que ses penchants, et non ce vers quoi l'on penche.

»? INTRODUCTION.

— Si l'amour fournit le thème essentiel de la plupart des productions du théâtre, du cinéma et de la littérature romanesque, il occupe beaucoup moins les psychologues et les philosophes.

C'est que la vie affective est d'une complexité extrême jusqu'à paraître contradictoire.

Ainsi le sens commun admet qu'aimer c'est vouloir pour soi l'objet de son amour.

NIETZSCHE, au contraire, a émis une opinion toute différente : d'après lui, « on n'aime :jamais en définitive que ses penchants, et non ce vers quoi l'on penche ». Que faut-il penser de cette assertion ? I.

Thèse.

— A première vue, la conception de NIETZSCHE surprend.

Mais quand on y réfléchit, on découvre maint fait capable de la fonder, en sorte qu'on peut être amené à dire avec lui, à rencontre du sens commun : on n'aime pas l'objet vers lequel on penche; on n'aime que ses penchants: Tout d'abord, si nous prenons les objets inanimés qui nous procurent normalement des jouissances, principalement les comestibles et les boissons, les aimer c'est prendre plaisir à leur usage : aimer le bordeaux, c'est éprouver du plaisir à le boire.

Le penchant nous porte dans ce cas, on ne saurait en douter, vers le plaisir éprouvé; en somme, il cherche sa satisfaction ou, en d'autres termes, il se cherche lui-même.

N'est-ce pas accorder équivalemment : c'est le penchant que nous aimons ? Ne faut-il pas en dire autant des penchants qui ont des personnes pour objet ? Sans doute celui qui aime sa mère ou sa fiancée est convaincu de chercher avec elles autre chose que le plaisir personnel qu'il éprouve dans ces relations : ne lui arrive-t-il pas bien souvent de renoncer à son propre plaisir pour leur faire.

plaisir ? Mais, en y regardant de près, on se demande s'il ne faut pas mettre en doute le bien-fondé de cette conviction.

A faire le sacrifice d'un plaisir, on éprouve parfois une satisfaction intime qui compense et au-delà les avantages sacrifiés; n'est-ce pas un mystérieux attrait de ces joies supérieures qui nous fait renoncer à des jouissances immédiates ? Ensuite, ce renoncement serait-il possible sans l'espoir d'une compensation surabondante ? Nous ne cherchons qu'une chose, satisfaire nos penchants.

Souvent les chemins que nous suivons sont détournés, mais toujours ils aboutissent au même but : la satisfaction d'une tendance. Ce qui le montre bien, c'est que le sacrifice de soi à l'objet de son amour ne saurait être durable si les penchants sont frustrés.

On a beau aimer, quand on n'obtient pas de celui qu'on aime ce à quoi on aspire, l'amour se transforme vite en haine cruelle et vengeresse.

Un fils affectueux en viendra à détester une mère tendrement aimée jusque-là parce qu'elle lui refuse l'argent qu'il demande ou son consentement à une union désirée.

A plus forte raison, pour que celle dont il ne parvient pas à se faire aimer n'appartienne pas à un autre, un amoureux ira jusqu'au crime, une amoureuse délaissée aura recours au vitriol.

Dans ces cas, parler d'amour de l'objet serait une dérision. Aux arguments apportés jusqu'ici en faveur de la thèse de NIETZSCHE, on pourrait faire cette objection : on montre bien que nous cherchons toujours notre plaisir; on n'a pas prouvé pour autant que l'amour se réduit à l'amour de ses penchants.

Aimer son plaisir, c'est s'aimer soi-même, et la satisfaction des penchants n'est recherchée que comme bonne pour soi.

A rencontre de cette thèse qui se présente avec l'évidence d'un truisme, il sera facile cependant d'apporter certains faits qui nous donnent le spectacle d'un déploiement immense d'effort pour satisfaire des tendances dont la satisfaction ne procure presque aucun plaisir.

Il semblerait que plus la passion est forte, plus l'habitude invétérée, plus le besoin incoercible, et plus intense doit être le plaisir éprouvé quand la lin est atteinte. L'observation nous montre qu'il en est tout autrement : la violence des penchants empêche de jouir de ce vers quoi ils tendent.

Ce n'est donc pas vers le plaisir qu'ils tendent : ils semblent n'avoir d'autre raison d'être qu'eux-mêmes, car ils font le martyre de ceux qui les ont laissés s'exaspérer. Ne devons-nous pas conclure, avec NIETZSCHE, qu'on n'aime jamais que ses penchants, et non ce vers quoi l'on penche ? II.

Antithèse.

— Les arguments apportés à l'appui de l'affirmation de l'apôtre du Surhomme n'ont pas abouti à une véritable conviction, et il nous semble plus juste de croire, avec le sens commun, qu'on n'aime pas ses penchants; c'est toujours un objet qu'on aime. Qu'est-ce que le Surhomme ? Le Surhomme est une forme d'humanité supérieure qui laisse parler en lui la totalité des instincts, et précisément ceux-là mêmes que la Culture christianisée a étouffés parce qu'ils étaient des formes de la volonté de puissance, « ce qu'il y a de pire » en l'homme : égoïsme, instinct de domination, sexualité.

Mais il convient ici de souligner un point important.

L'homme est de toute façon un être de culture.

Il n'est donc en aucun cas possible de retourner au moment où les Barbares étaient encore indemnes des effets de la volonté de puissance de leurs esclaves, moment fondateur de la culture.

Les instincts doivent être libérés pour être spiritualisés : « L'homme supérieur serait celui qui aurait la plus grande multiplicité d'instincts, aussi intenses qu'on peut les tolérer.

En effet, où la plante humaine se montre vigoureuse, on trouve les instincts puissamment en lutte les uns contre les autres...

mais dominés.

» Ce surhomme parvient à la connaissance véridique de l'humanité, qui est la connaissance « tragique » qui a été décrite. »

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