Puis-je dire: "c'est beau" et "ça ne me plaît pas" ?
Extrait du document
«
Ce sujet d'inspiration kantienne nous invite à réfléchir sur la différence entre deux types de jugement : celui se
rapportant au beau et celui se rapportant à ce qui est agréable.
Au premier abord, il semble que je ne puisse dire
d'une oeuvre qu'elle est belle que si elle me plaît.
Autrement dit, est belle l'oeuvre qui flatte mes sens, qui me
touche sensuellement ou qui suscite en moi l'émotion.
Mais prendre comme critère d'approbation d'une oeuvre d'art
le simple plaisir sensuel que j'éprouve n'est-il pas la marque d'une certaine inculture ou d'un mauvais goût ? Avoir du
goût, n'est-ce pas reconnaître, par exemple, la beauté de la peinture de Picasso bien qu'on éprouve plus d'agrément
face à celle de Renoir ?
Le beau ne se confond pas avec l'agréable et le plaisir causé par le beau n'est pas un simple plaisir sensuel.
Avoir du
goût, c'est donc bien pouvoir dire en même temps « C'est beau » et « Ça ne me plaît pas », ou tout au moins
s'interdire d'affirmer qu'une oeuvre n'est pas belle parce qu'elle ne me plaît pas.
Comme le souligne Kant : « Le goût
reste encore barbare, qui exige pour sa satisfaction le mélange de l'excitation ou de l'émotion, ou même en fait la
mesure de son approbation.
»
En effet, le jugement qui déclare une chose agréable est subjectif, relatif à la personnalité de chacun.
J'admets fort
bien que le goût des sens puisse varier d'une personne à l'autre.
Pour l'un, la couleur violette est douce et aimable,
pour l'autre elle est morte et éteinte.
L'un aime le son des instruments à vent, l'autre préfère celui des instruments à
cordes.
En ce qui concerne l'agréable, je tolère que le goût d'autrui puisse différer du mien.
Il en va tout autrement du beau.
Il ne viendrait à l'idée de personne de dire : « Cet objet est beau pour moi ».
Si je
qualifie une chose de belle, c'est précisément pour signifier que quiconque, la jugeant esthétiquement, devrait la
trouver belle.
En pareil cas, le principe : « à chacun selon son goût » ne vaut pas.
Je vais même jusqu'à dénier le
goût à celui qui juge autrement que moi.
Mon jugement : « C'est beau » prétend donc à l'universalité.
D'où la
question : sur quoi se fonde une telle prétention ? Autrement dit, puis-je convaincre autrui de la beauté d'une
oeuvre par concepts ? La beauté s'explique-t-elle ?
La reconnaissance de la beauté implique-t-elle un sentiment de plaisir, ou les deux peuvent-ils être indépendants,
ou décalés dans le temps ? Le sujet questionne les relations entre jugement esthétique, goût et plaisir.
Le "en même
temps" permet de jouer sur la temporalité de l'expérience esthétique (le plaisir peut ne survenir que par après,
l'expérience, pour Heidegger notamment, étant fondée sur l'étonnement).
À partir d'une définition du beau fondée
sur une idée de plaisir esthétique, il semble impossible de dire les deux jugements en même temps.
Mais le goût
légitime-t-il la beauté d'une oeuvre d'art ? Ne peuvent-ils être indépendants ? Ne puis-je considérer comme beau
que ce qui me plaît ? N'y a-t-il pas une beauté qui pourrait être fondée sur le monstrueux, sur ce qui peut choquer,
et même sur le mauvais goût (voir l'art moderne par exemple) ? Il est question de l'importance de la culture, de
l'éducation du goût, d'une adéquation à une norme.
On peut se demander aussi si ce sentiment esthétique est
uniquement de plaisir.
Référence utile : La Critique du jugement de Kant.
Avoir du goût, c'est distinguer le beau de l'agréable.
Au premier abord, il semble que je ne puisse dire d'une oeuvre qu'elle est belle que si elle me plaît.
Autrement dit,
est belle l'oeuvre qui flatte mes sens ou qui suscite en moi l'émotion.
Mais prendre comme critère d'approbation
d'une oeuvre d'art un tel plaisir n'est-il pas la marque d'une certaine inculture ou d'un mauvais goût ? Avoir du goût,
n'est-ce pas reconnaître, par exemple, la beauté de la peinture de Schiele ou Picasso bien qu'on éprouve plus
d'agrément à celle de Renoir ? Le beau ne se confond pas avec l'agréable et le plaisir causé par le beau n'est pas un
simple plaisir des sens.
Avoir du goût, c'est donc bien pouvoir dire en même temps: "c'est beau" et "ça ne me plaît
pas", ou tout au moins ne pas dire: "cette oeuvre n'est pas belle, elle ne me plaît pas".
Ne serait-il pas ridicule qu'un homme, qui se piquerait de quelque goût,
crût avoir tout décidé en disant qu'un objet (comme, par exemple, cet
édifice, cet habit, ce concert, ce poème soumis à notre jugement) est
beau pour lui ? Car il ne doit pas appeler beau ce qui ne plaît qu'à lui.
Beaucoup de choses peuvent avoir pour moi de l'attrait et de
l'agrément, personne ne s'en inquiète ; mais lorsque je donne une
chose pour belle, j'attribue aux autres la même satisfaction ; je ne juge
pas seulement pour moi, mais pour tout le monde, et je parle de la
beauté comme si c'était une qualité des choses.
Aussi dis-je que la
chose est belle, et, si je m'attends à trouver les autres d'accord avec
moi dans ce jugement de satisfaction, ce n'est pas que j'ai plusieurs
fois reconnu cet accord, mais c'est que je crois pouvoir l'exiger d'eux.
Kant.
• Pour Kant, le jugement du goût, qui énonce si une chose est belle ou non,
n'est pas un jugement de connaissance.
Il n'est donc pas logique mais
esthétique, c'est-à-dire que « son principe déterminant ne peut être que
subjectif » (Critique du jugement, § 1) .
Cet élément subjectif qui détermine
le jugement du goût, c'est une satisfaction.
Mais cette satisfaction est
désintéressée.
En effet, lorsqu'on me demande si je trouve telle chose belle, «
ce qu'on veut savoir c'est seulement si la seule représentation de l'objet est.
»
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