Pouvons-nous retourner à la nature ?
Extrait du document
«
L'état de nature est un paradis perdu
Selon la Bible, l'état de félicité des hommes correspond à l'état de nature où Adam et Ève vivaient en harmonie avec
la nature au jardin d'Eden ! Le pêché originel marque la tragique chute hors de ce jardin des délices.
La tâche de
l'humanité déchue serait donc, dans cette perspective biblique, de se racheter pour retrouver cet état initial de
bonheur.
Dans l'état de nature, dont Rousseau assume le caractère hypothétique, l'homme est isolé et bon.
Il ne doit sa
férocité qu'à la crainte.
Il faut attribuer à la société l'apparition de la contradiction de l'homme avec lui-même : il est
bon et méchant.
D'un côté, éveillé à la moralité par les sentiments qui le lient à d'autres (la pitié naturelle), l'homme
est poussé par ses besoins moraux à inventer une langue pour les exprimer (Essai sur l'origine des langues).
De
l'autre, il est inspiré par la méchanceté, la haine, le désir de dominer et d'être préféré, que Rousseau appelle
l'amour-propre.
Si l'homme n'est pas mauvais en lui-même, tout le mal vient de ce qu'il est mal gouverné.
Attention, il n'y a pas de nostalgie chez Rousseau de l'état de nature.
Car, pour Rousseau, comme pour Aristote,
c'est dans la société que l'homme pourra développer toutes ses facultés et les plus grandes vertus.
Mais Rousseau
sait que c'est aussi en société que se développeront les plus grands vices.
La civilisation nie la vie comme la société nie la liberté
Calliclès, dans un célèbre dialogue de Platon, montre que la société s'oppose à la nature.
Les lois sociales vont à
l'encontre des lois naturelles en promulguant l'égalité des hommes alors que, naturellement, ces derniers sont
inégaux.
Ainsi, vouloir retourner à la vie naturelle peut paraître raisonnable.
"La loi est faite pour les faibles et pour le grand nombre.
C'est donc par rapport à eux-mêmes et en vue de leur
intérêt personnel qu'ils font la loi et qu'ils décident de l'éloge et du blâme.
Pour effrayer les plus forts, les plus
capables de l'emporter sur eux, et pour les empêcher de l'emporter en effet, ils racontent que toute supériorité
est laide et injuste, et que l'injustice consiste essentiellement à vouloir s'élever au-dessus des autres : quant à
eux, il leur suffit, j'imagine, d'être au niveau des autres, sans les valoir.
Voilà pourquoi la loi déclare injuste et laide toute tentative pour dépasser le niveau commun, et c'est cela qu'on
appelle l'injustice.
Mais la nature elle-même, selon moi, nous prouve qu'en bonne justice celui qui vaut plus doit
l'emporter sur celui qui vaut moins, le capable sur l'incapable.
Elle nous montre partout, chez les animaux et chez
l'homme, dans les cités et les familles, qu'il en est bien ainsi, que la marque du juste, c'est la domination du
puissant sur le faible et sa supériorité admise.
De quel droit, en effet, Xerxès vint-il porter la guerre dans la Grèce,
ou son père chez les Scythes?...
Mais tous ces gens-là agissent, à mon avis, selon la vraie nature du droit et, par
Zeus, selon la loi de la nature, bien que ce soit peut-être contraire à celle que nous établissons, nous, et selon
laquelle nous façonnons les meilleurs et les plus vigoureux d'entre nous, les prenant en bas âge, comme des
lionceaux, pour les asservir à force d'incantations et de mômeries.
" PLATON
Si l'opposition de la nature et de la loi a été, dans l'Antiquité grecque, chère aux Sophistes qui ont souvent exprimé
le caractère conventionnel et artificiel des lois, néanmoins cette opposition classique prend ici un sens tout
particulier, puisque Calliclès fonde sur elle sa théorie du droit du plus fort.
Dans la première partie (« La loi...
ce qu'on appelle l'injustice »), Calliclès veut analyser l'origine de la loi.
Que signifie
ici la loi et que désigne-t-elle exactement ? La loi (nomos) représente dans ce texte la règle générale et impérative
régissant du dehors l'activité humaine.
Notons que, chez les Grecs, à l'époque classique, le nomos est une loi qui ne
doit rien à la révélation : elle n'a pas été établie par les dieux, elle est « laïque » en quelque sorte.
Dès lors, quelle
est son origine profonde?
Calliclès voit dans la loi une création de la foule faible et impuissante, sans énergie physique et morale : la loi est
une expression du manque, manque de force, de vigueur et de vie.
C'est le produit de ceux qui ne peuvent déployer
dans l'existence une surabondance existentielle.
La foule, dans la mesure où elle ne possède pas l'énergie créatrice
véritable, désire en somme se protéger de l'élite.
La loi, l'éloge, le blâme constituent autant d'armes dans la
stratégie des faibles.
Éloge et blâme : ce sont les jugements favorables et défavorables, c'est-à-dire les énoncés
axiologiques, portant sur des valeurs, qu'utilise la foule impuissante.
En même temps que la loi, elle crée les valeurs,
le bien et le mal, les jugements préférentiels qui organisent l'existence sociale.
Dans quel but exactement? Il s'agit d'effrayer « les lions », de se mettre à l'abri de leur supériorité, de les empêcher
de créer et de déployer leur puissance.
Ainsi les faibles se mettront-ils au niveau des autres : ils égaliseront tout,
dans le sens de la médiocrité, cela va sans dire.
En d'autres termes, lois et énoncés axiologiques sont des produits
du ressentiment des faibles contre les forts, ressentiment qui met finalement tout au même niveau.
Les faibles créent la loi, mais aussi l'éloge et le blâme, par conséquent tout ce qui représente les valeurs morales.
Ils
élaborent aussi une théorie du juste et de l'injuste, transformant en injustice (ce qui est contraire au droit) toute
manifestation vitale de supériorité.
La loi appellera contraire au droit ce qui dépasse la sphère de la médiocrité.
Le
discours de Calliclès est donc très synthétique.
Malgré son apparence désordonnée, il rassemble les énoncés
axiologiques humains (loi, juste, injuste, droit) pour les mettre sous le signe de l'impuissance, du ressentiment et de.
»
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