Pourquoi n'admettons-nous pas que toutes les oeuvres artistiques se valent ?
Extrait du document
«
On n'admet pas que toutes les œuvres artistiques se valent car il y a des critères pour juger d'une œuvre d'art.
Il y a des
œuvres réussies, des œuvres de second ordre, des œuvres mineures, des copies, des plagiats, des œuvres laides,
inesthétiques, insignifiantes.
L'art est le lieu du jugement de goût, de l'expérience esthétique qui n'est pas égal en
intensité face à toutes les œuvres.
Les œuvres ne se valent pas car certaines sont l'œuvre de génie, de personnes de
talent, de simples élèves de maître qui n'ont pas la même maîtrise technique, la même qualité d'expression, des idées
moins novatrices.
Ce sont donc des critères intellectuels, techniques qui nous poussent à ne pas croire que les œuvres
d'art sont toutes identiques.
1) Il existe des chefs d'œuvre.
Qu'est-ce qu'une œuvre ? La question semble d'abord naïve.
Entrez dans un musée ou une bibliothèque, montez sur
l'Acropole : l'œuvre, c'est cet objet qui s'offre à vous, achevé, massif, durable ; même à l'état de ruine ou de fragment, cet
objet est encore une œuvre, et la patine du temps, la sédimentation sur lui des regards et des lectures lui donnent André
Malraux l'a bien montré une présence encore plus impérieuse, plus émouvante, plus vénérable.
Mais cette première
question en appelle une autre : Qu'est-ce qui distingue le Parthénon d'une ruine quelconque ? Quand l'œuvre est-elle
vraiment œuvre d'art ? Mais pourquoi se laisser surprendre par cette question ? L'œuvre d'art authentique, c'est celle qui
est reconnue comme telle, et qui mérite à son créateur d'être reconnu comme artiste.
Reconnus, l'un et l'autre, par
l'opinion générale, elle-même orientée par le jugement de ceux qu'Aristote appelait les experts, que la sociologie
contemporaine désigne, dans le champ culturel, comme instance légitime de légitimation (P.
Bourdieu).
Il faudra du temps
pour que ce jugement soit contesté en dehors même du champ culturel, et autrement que dans les disputes académiques
auxquelles se complaisent les instances légitimantes.
On restera donc pour le moment dans l'optique de la tradition : cette
œuvre, si le consensus la consacre et la porte à travers l'histoire, c'est qu'elle est exemplairement une œuvre ; à la limite,
un chef-d'œuvre.
Qu'est-ce qui différencie une œuvre d'un chef d'œuvre ? Un chef d'œuvre consacre son auteur comme
artiste et élève l'objet produit au rang de pièce- maîtresse et la distingue des objets ordinaires.
Nier l'existence de chefs d'œuvres
rien à penser qu'il n'existe pas d'objets qui aient plus d'importance que les autres, qu'ils ne possèdent pas de dimension spécial
ni qu'ils possèdent d' « aura ».
2) Il existe des œuvres artistiques laides.
Il existe beaucoup d'autres catégories esthétiques que le beau, il y a le grotesque, le merveilleux, le comique, le
monstrueux, le laid, la caricature le tragique, le sublime.
Il devient plus délicat de définir ce qu'est par exemple la laideur.
On sait définir le beau par des critères à peu près stables, mais finalement ce qui est laid, c'est simplement ce qui ne
rentre pas dans la catégorie du beau.
Le laid s'oppose au beau comme le raté au réussi, comme le pathologique au
normal ; l'objet échoue à être ce qu'il prétend être, le non-être qui l'affecte est celui de l'illusion, de la tricherie.
Mais il y a
aussi les choses sans prétention, qui sont ce qu'elles sont, mais qui semblent n'exister qu'à demi : choses plates, ternes,
mornes, qui ne trompent pas le regard mais qui le découragent et le lassent ; non point des essences qui tendraient
vainement à l'existence, mais plutôt des existences sans essence, sans individualité et sans force, sans signification parce
qu'elles ne signifient pas.
Aussi le laid n'aurait pas d'existence autonome, il serait que l'opposé du beau.
On peut se
demander si par exemple le monstrueux est laid, si le grotesque est laid…En somme, si tout ce qui n'est pas beau est laid.
Les œuvres laides ne vaudraient pas les œuvres belles.
3) Le kitsch ne vaut pas les véritables œuvres d'art.
Le mot « kitsch » tirerait son origine d'un verbe allemand verkitschen qui veut dire brader ; apparu vers 1870 dans la
Bavière de l'hyperromantique et maniériste du roi Louis II ; où le terme est utilisé pour qualifier les reproductions d'art à
bon marché.
Kitsch veut dire aussi : « vendre en dessous du prix » ou de kitschen « rénover, revendre du vieux », d'abord
« ramasser des déchets dans la rue » Le mot a ensuite resurgi dans le vocabulaire suivant les besoins du temps.
Il ne faut
donc pas qualifier de kitsch un objet ou un bâtiment si l'idée et surtout le contexte qui a vu émerger cette notion
n'existaient pas.
Jean Duvignaud définit ce phénomène dans Baroque et kitsch : « Kitsch, mot qui apparaît à la fin du siècle
dernier, en Europe centrale quand l'industrialisation esquisse une redistribution des bénéfices de la production.
Les salariés
achètent quelques bribes d'une culture à laquelle jusque-là ils n'avaient aucune participation.
Les amateurs éclairés font la
grimace : ces gens se pavanent dans la pacotille, dans un ersatz de grand art, et se laissent séduire par une musique
dégradée, une peinture pervertie et les facilités commerciales du tape-à-l'œil, le kitsch n'est-il que cela ? » Aussi, des
bâtiments, des peintures, des sculptures peuvent être kitsch.
Le kitsch c'est la surcharge décorative, l'accumulation de
symboles, la reproduction en un matériau moins noble ou inadapté d'un objet, la copie de styles artistiques incongrus pour
une époque.
Ainsi la peinture pompier et académique, L'Art Nouveau, les œuvres architecturales de Gaudi ne sont à
proprement parlé pas belles mais kitsch.
Mais Gaudi reste un artiste qui a produit des œuvres d'art, on ne peut dire le
contraire.
Le kitsch ; c'est sortir de son contexte des éléments culturels pour les insérer dans un autre milieu totalement
différent ; ou s'en servir à des fins opposées ou étrangères à leur destination d'origine.
Comme le dit Gilles Dorfles dans Le
kitsch, un catalogue raisonné du mauvais goût : « Le kitsch recourt en priorité à des éléments irrationnels, fantasmagoriques,
ou s'il on veut au subconscient ou au préconscient.
»
Conclusion.
On admet que les œuvres artistiques se valent pour des raisons de maîtrise technique, de capacité d'innovation.
Les
œuvres ne peuvent être égales parce qu'elle se soumettent au même jugement esthétique ou qu'elles figurent dans le
même musée ou dans la même histoire de l'art.
Toutes les œuvres n'ont pas la même importance pour l'évolution de l'art,
toutes ne sont pas des chefs d'œuvre et seront peut être oubliées avec le temps.
C'est donc une réaction normale de ne
pas mettre sur le même pied toutes les œuvres artistiques..
»
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