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Pourquoi est-ce aussi difficile de dialoguer ?

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« Introduction Le dialogue caractérise communément une discussion entre deux ou plusieurs personnes visant à produire un accord.

Le dialogue est le propre d e l'homme.

Seul l'homme est capable, non seulement d e communiquer avec autrui, m a i s encore d'échanger avec lui, de questionner et de répondre.

Le dialogue est échange d'idées.

Aussi, il est ce à travers quoi nos idées se forment.

Dialoguer, c'est moins communiquer à autrui des pensées déjà faites, que s'efforcer de les reproduire en les formulant devant lui, en acceptant de s'exposer à la critique.

Ainsi le dialogue requiert le jeu continuel d'un locuteur et d'un auditeur.

Ne pas laisser autrui parler, c'est rompre le dialogue. Dialoguer c'est aussi, en prévoyant les objections, éprouver la solidité d e s e s arguments.

Le dialogue est fécond et porte plus loin l'exigence de la pensée.

Cependant, le dialogue peut-il ne rien produire ? Est n'est-il pas toujours l'image d'un rapport de force entre individus ? I.

Les apports de la dialogie chez les grecs. a.

L e s Dialogues d e Platon mettent en scène la pensée en train de se constituer, et la dialectique n'est rien d'autre que l'art du dialogue ou de la discussion.

Les objections de Socrate obligent son interlocuteur à se mettre en quête d'une vérité qu'il croyait déjà posséder.

De l'opinion à la vérité, du particulier à l'universel, le dialogue est le chemin même de la philosophie.

Aussi Platon, dans le Sophiste, définit la pensée comme « dialogue de l'âme avec elle-même ».

Cela peut surprendre, car autrui semble ici absent du dialogue.

Ainsi on comprend qu'il n'est pas besoin de la simple présence d'autrui pour dialoguer et donc pour penser.

Mais le dialogue n'est pas forcément producteur de vérités inébranlables.

Ainsi, dans certains dialogues de Platon, on en arrive à une forme de blocage de la pensée, à une aporie. b.

C'est chez Platon que l'aporie a n o n seulement un sens précis mais une fonction déterminée.

Le plus souvent, dans les dialogues, l'interlocuteur de Socrate a jugé facile de répondre à la demande de définition de ce dernier ; mais, après l'exploration infructueuse de plusieurs voies, et notamment après l'exhibition d'exemples concrets qui se révèlent mutuellement contradictoires, il perd courage et avoue son désarroi.

Ainsi Euthyphron, dans le dialogue qui porte son nom, croyait pouvoir définir facilement ce qu'est la piété : lui-même est si pieux ! Et voici que, devant l'interrogation de Socrate (Le pieux est-il ce qui plaît aux dieux, ou bien ce qui plaît aux dieux leur plaît-il parce que c'est pieux ?), il bredouille : « Socrate, je ne sais plus comment t'exprimer m a pensée.

Chacune de nos hypothèses tourne pour ainsi dire en rond et ne veut jamais rester à la place où nous l'avons établie.

» De m ê m e Lysis cherchant ce qu'est l'amitié : « Je suis moi-même réellement pris de vertige devant l'embarras du raisonnement ». c.

Diogène Laërce affirme au sujet de Protagoras que « le premier il dit que sur toute chose il y a deux discours qui se contredisent l'un l'autre » (cf.

D.

Laërce, Vie, doctrines et sentences des philosophes illustres).

Protagoras est un sophiste, et le thème du discours double se trouve dans ses Antilogies.

Le sentiment de la contradiction dont est susceptible tout discours a été conforté chez Protagoras.

Il s'appuie ainsi sur la pratique de la démocratie athénienne, où la décision politique, devant l'Assemblée du peuple, est toujours discutée.

La décision est toujours discutable, c'est-à-dire réversible et modifiable.

Cette versatilité sera un des reproches qu'Aristophane adressera au peuple (demos).

Une assemblée nombreuse est rarement unanime ; les avis sont en général partagés et le propre d'un régime démocratique est de comporter une opposition, c'est-à-dire d'accepter la légitimité possible d'un discours contraire à celui du pouvoir en place.

Le débat politique lui-même, où le peuple écoute les discours opposés des deux partis qui s'affrontent, montre bien que « sur toute chose il y a deux discours qui se contredisent l'un l'autre ».

Protagoras parlera bien de deux discours ; car en effet, toute guerre n'oppose toujours que deux camps : « bellum=duellum ».

Il y a bien un relativisme protagoréen.

Celui-ci dira, pour montrer que tout savoir est fondé de manière subjective, que « l'homme est mesure de toutes choses.

Dès lors, chacun a une appréhension propre et personnelle des choses, et cela ne peut permettre au dialogue de s'orienter vers une vérité unique.

La sophistique raisonnait de manière dialogique.

Elle usait d e cet art du dialogue, d e la rhétorique (puissance d e persuasion par la parole), afin d'amadouer s e s interlocuteurs en toutes circonstances, et d'imposer sa conception II.

Dialogue, langage et liberté a.

Pour les marxistes, l'idée même de dialogue, transposée sur le plan de la pratique, est une mystification idéologique ; elle est destinée à masquer les conflits de classe, insurmontables autrement que par la violence ; à la limite, le dialogue est même impossible à l'intérieur des partis ouvriers, soumis à la doctrine de la dictature du prolétariat.

Ce pessimisme se retrouve parfois dans l'anthropologie et la psychologie contemporaines : pour certains psychanalystes le dialogue peut n'être qu'un leurre et, sur le plan de la thérapeutique, la psychanalyse n'a pas à guérir un malade, mais à faire entrer dans l'ordre du langage le discours non formulé qui constitue l'inconscient. En fait, marxistes et psychanalystes rejoignent parfois le pessimisme existentiel d'un Sartre pour lequel (dans L'Être et le Néant ) chaque conscience se propose, dans la relation à autrui, d'asservir une liberté.

Aussi, au sein de chaque société, tous ne maîtrisent pas le m ê m e « niveau » d e langue et l'on sait bien que toutes les façons de s'exprimer ne se valent pas, au sens où les unes favorisent bien plus que d'autres l'accès à des positions et à des devoirs privilégiés. b.

Les mots peuvent être utilisés à des fins personnelles.

On retrouve le thème du langage et de la domination qui en résulte dans le Gorgias de Platon.

Gorgias est un rhéteur, il utilise le langage afin de persuader « les juges au tribunal, les sénateurs dans le Conseil, les citoyens dans l'assemblée du peuple et dans toute autre réunion qui soit une réunion de citoyens » (451 d – 452).

Le langage est pour lui un pouvoir permettant de faire de chacun son esclave.

O n retrouve cette utilisation, dans un cadre comique, chez Molière, lorsque Dom Juan éconduit adroitement le marchand vis-à-vis duquel il est endetté (Dom Juan, IV, 2-3).

Deleuze et Guattari parleront du « mot d'ordre », en ce sens que le langage, loin d'être un simple moyen d'expression, commande et ordonne.

Ce qui paraît exprimer un simple conseil, ou une simple volonté, se voit à l'insu du sujet désigner un ordre, une manière incontestable de se comporter (Capitalisme et schizophrénie 2). Conclusion Le dialogue s'avère être un bon moyen de communiquer des idées à autrui.

On s'aperçoit cependant que dialoguer implique une variété de conceptions concernant l'objet du discours.

Ainsi chacun peut, avec quelque adresse, faire valoir ses arguments au détriment de ceux d'autrui.

C'est avec les sophistes que le dialogue fait office de terrain de combat des idées.

Platon critiquera cette manière de procéder dans le dialogue.

Avec lui, le dialogue doit permettre, au fil du raisonnement qu'il implique, d'amener les sujets au vrai, m ê m e si cela semble difficile (aporie).

Mais le dialogue, ancré dans un contexte social et interpersonnel, est la possibilité pour un sujet de subordonner l'autre.

La liberté se perd au m o m e n t où l'autre m e parle puisqu'il m'impose toujours une conception extérieure.. »

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