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Peut-on s'affranchir de la conscience morale ?

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« Si la conscience morale est innée en chacun de nous et permet de distinguer le bien du mal, alors il semble à la fois impossible et illégitime de s'en affranchir.

Car comment pourrions-nous nous détacher de ce qui nous constitue en propre ? Comment l'homme, en définitive, pourrait-il se renier lui-même ? Et pourquoi le souhaiter, puisque la conscience morale nous permet de penser et d'agir dignement, de manière authentiquement humaine ? Mais la moralité peut aussi désigner l'ensemble des valeurs conventionnelles que nous héritons de notre culture et subissons par notre éducation.

Elle ne renvoie alors pas à ce qui est bien ou mal en soi, mais à ce qu'on nous présente comme tel.

Comment se libérer alors des valeurs imposées pour affirmer sa propre conception de la morale et accéder à l'autonomie? 1.

S'affranchir de sa conscience morale est à la fois impossible et illégitime. • Si la conscience morale est, comme l'explique Kant, « inhérente à l'être de l'homme », alors ce dernier ne peut s'en affranchir.

Il doit au contraire «s'en soucier», parce qu'elle lui montre le chemin de la vertu, du respect et de la dignité.

C'est pourquoi la conscience du devoir doit prévaloir sur la recherche du bonheur, compris ici comme strictement sensible et subjectif.

La loi morale, a contrario, est de nature, rationnelle et universelle. L'impératif moral est toujours catégorique, c'est-à-dire sans condition (ne mens pas, aime ton prochain comme toimême !) Par là l'impératif catégorique est universel et ne saurait changer avec les circonstances. Il reste à se demander comment il se fait que la conscience morale qui se confond avec notre raison s'exprime sous la forme d'un impératif, d'un ordre brutal.

C'est que l'homme n'est pas seulement un être raisonnable.

Il est un être de chair.

Il a une sensibilité, des tendances, des passions ; sa nature sensible n'est pas toujours disposée à suivre les indications de la raison.

Si la raison parle sous la forme sévère du devoir, c'est parce qu'il faut imposer silence à notre nature charnelle, parce qu'il faut au prix d'un effort plier l'humaine volonté à la loi du devoir.

Ainsi l'obligation, tout en prenant sa source à l'intérieur de notre conscience, n'en est pas moins transcendante à l'égard de notre nature.

Le domaine de la morale n'est donc plus celui de la nature (soumission animale aux instincts) mais n'est pas encore celui de la sainteté (où la nature transfigurée par la grâce éprouverait un attrait instinctif et irrésistible pour les valeurs morales).

Le mérite moral se mesure précisément à l'effort que nous faisons pour soumettre notre nature aux exigences du devoir. • Dans l'argument de Kant, la conscience morale est identique pour tous et montre sans délai la voie du bien et du mal en soi.

Mais même si on suppose qu'elle est forgée par d'autres (la tradition, l'enseignement, etc.) et qu'il peut être légitime de vouloir s'en émanciper, cela demeure très difficile.

La psychanalyse explique cela : plutôt que d'affronter directement les interdits et les tabous, hérités de notre éducation, nous préférons les enfouir dans l'inconscient et essayer de vivre avec.

La conscience morale, comprise comme l'ensemble des règles sociales et culturelles édictant ce qui est bon ou mauvais, nous tyrannise à notre insu en nous empêchant d'écouter ceux de nos désirs qui la contrarient.

En d'autres termes, le surmoi empêche les pulsions du ça de se manifester librement. Le surmoi est l'instance critique et évaluative de la personnalité.

Il s'est constitué par une intériorisation, à partir du complexe d'Oedipe, des exigences et interdits parentaux.

En fait, c'est au surmoi des parents que l'enfant s'identifie. Les parents se comportent vis-à-vis de leurs enfants en fonction d'une identification à leurs propres parents.

Le surmoi est l'instance par laquelle se transmet le patrimoine culturel d'une société.

Il continue ensuite à se développer sous l'influence de l'entourage, des éducateurs, des modèles idéaux. Il s'agit donc de la conscience collective en tant qu'elle est intériorisée par le moi.

Cette conscience collective agit surtout par son aspect moral : la culture et la civilisation résultent d'une action de moralisation effectuée par la société sur l'individu.

Le surmoi est la part non consciente du psychisme en tant qu'elle se fait le médiateur de la collectivité et qu'elle impose au Moi les normes qui lui permettront d'exercer sa propre action de censure. Le surmoi est le principe de réalité auquel se heurte le ça.

C'est le grand censeur.

Le moi, éclairé par le sur-moi, rejette dans l'inconscient les affects qui seraient source de culpabilité et ne laisse émerger à la claire conscience que ce que le sur-moi autorise.

Le ça demande, le surmoi commande ou pas, autorise ou non.

Le moi est pris entre les exigences du ça et les impératifs du surmoi.

Le moi est tourmenté par le surmoi (la censure); il se défend alors contre le ça qui, lui, cherche à contourner la censure. • Mais que cet affranchissement soit difficile ne suffit pas à le rendre illégitime.

Cela ne signifie pas qu'il faille rompre avec toute règle morale, quelle qu'elle soit.

Mais cela suppose qu'il est nécessaire, pour constituer sa propre moralité et accéder à l'autonomie, d'examiner le bien-fondé d'un tel héritage. • La rupture avec ce qui est seulement reçu d'autrui ne marquerait-elle pas alors, selon Kant lui-même, le premier pas vers la « majorité » de l'esprit?. »

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