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Dans quelles expériences se manifeste la conscience morale ?

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Dans la tentation, l'objet de la convoitise (gourmandise, concupiscence ou désir impulsif) est « à portée de la main », sans nul obstacle extérieur, provoquant par sa présence ou ses sollicitations, garantissant l'impunité (la femme du voisin est là, consentante, il n'y a qu'à consentir aussi) et la proximité de cet objet enflamme le désir. Mais dans le même temps, l'action apparaît comme « tabou », « à-ne-pas-faire », parce qu'elle est porteuse d'une souffrance à venir. Piège de la réflexion et de la conscience morale, la tentation fait surgir un impératif que le « moi » prend à son compte. Cela peut être un impératif de la raison (ce mets qui me tente m'est interdit pour ma santé), une loi de la Société ou un impératif de la morale (prendre cet objet ou cet argent serait voler ; consentir à cet adultère serait une faute). La tentation est une véritable épreuve de notre conscience et, au-delà, une épreuve de la personne morale, d'où celle-ci sort plus vivante ou plus malade, suivant qu'elle résiste ou qu'elle cède. 2 ? Le scrupule. Le scrupule est un doute sur la valeur morale réelle d'une action qui a toutes les apparences de l'innocence. En tant que doute, il peut être le symptôme d'une véritable maladie de l'activité, la maladie du doute, forme d'aboulie ou conséquence d'une disposition pathologique à la rumination mentale chez certains caractères. Mais le scrupule n'est pas essentiellement le masque moral de l'irrésolution ; en tant que phénomène moral, il est une interrogation sur la qualité morale d'une intention pu d'une action, sur ses conséquences possibles, ou sur les modalités de cette action (doute sur les fins, sur les retentissements et sur les moyens) dans leurs moindres détails (étymologiquement, « scrupulus » est un poids tout petit qu'on met dans la balance). Il y a donc dans le scrupule un souci de perfection morale qui révèle, lorsqu'il est force réelle de la conscience morale et non faiblesse de l'engagement vital dans l'action, la grande délicatesse du sentiment du devoir.

« Avant de nous poser la question de la nature et de l'origine de la conscience morale, nous tenterons de la saisir dans ses manifestations concrètes. — I — La mauvaise conscience.

Il semble qu'on ne puisse décrire « la mauvaise conscience » que par référence à « la bonne conscience ». Mais la bonne conscience est presque inconscience morale parce qu'elle est absence de souci moral, elle est demiconscience.

Si, à propos d'un devoir accompli, la conscience s'aiguise dans une affirmation de satisfaction de soi (que l'on pourrait appeler « bonne conscience »), on peut être sûr que cette affirmation spectaculaire, devenue vanité de la bonne conscience, entraîne ipso facto une mauvaise conscience due à cette vanité même, et peut-être au sentiment qu'on n'a pas fait tout ce qu'on devait, comme si dans la recherche de l'approbation de ce qu'il a fait, le sujet cherchait à oublier le souvenir de ce qu'il n'a pas fait. La mauvaise conscience est un malaise moral dû à une sorte de non-unité du moi ; l'action est suspendue par une hésitation dans laquelle le sujet fuit la conscience de soi parce qu'il est devenu insupportable à lui-même.

Et pendant qu'il fuit, il se retrouve à chaque instant.

« La mauvaise conscience », dit V.

Jankélévitch, « est cernée de tous côtés par des surfaces réfléchissantes sur lesquelles les problèmes rebondissent ; partout les choses lui renvoient sa propre image ; elle voudrait sortir de soi, et partout c'est elle-même qu'elle rencontre.

Il y a donc en elle deux mouvements inverses et simultanés : un effort pour s'éloigner, une tendance à adhérer » ( V.

Jankélévitch, « La mauvaise conscience », 1951). On peut distinguer plusieurs types de mauvaise conscience, nous en décrirons trois : la honte, le sentiment de la faute, le remords. 1 — La honte.

La honte est liée à un reproche.

Un acte dont je je suis la cause, l'agent ou le responsable, que j'ai fait délibérément ou inconsciemment (la malhonnêteté que je viens de faire ou l'énurésie que le garçonnet constate à son réveil) est en contradiction avec ce que j'étais capable de faire, que je devais faire ou qu'on attendait de moi. Je suis, malgré moi, celui que je ne voulais pas être ou que je n'aurais pas voulu être.

Il y a, sans aucun doute, dans la honte, le sentiment pénible que la faute s'étale sous le regard d'autrui, et comme cette faute est mienne, j'ai honte sous le regard d'autrui et le désir naît de fuir ce regard.

C'est pourquoi lorsqu'on a honte, on cherche à se cacher, on a envie de « disparaître », d'entrer sous terre, ou de mourir ; mais le regard d'autrui, comme l'œil de Dieu pour Gain, nous poursuit dans la solitude. On peut aussi avoir honte de quelqu'un, dans la mesure où cet être est relié à nous par des liens de parenté ou d'amitié antérieure et où l'action qu'il a commise irradie sur notre propre personne, comme si l'on avait peur qu'on nous croie complice ou simplement approbatif.

Ainsi un père peut se suicider à la preuve du crime de son fils.

Cette structure sociale de la honte explique qu'elle soit le sentiment de la perte de l'estime sociale, sentiment qui se rapproche de celui du déshonneur. Lorsqu'elle est intime et secrète, la honte devient le sentiment de la faute. 2 — Le sentiment de la faute.

Le regard d'autrui a disparu dans le sentiment de la faute pour laisser la place à notre propre regard sur nous-mêmes et il est aussi sévère sinon plus, car il paraît plonger plus profondément.

Dans la honte, c'est l'acte qui est jugé, dans sa matérialité, son objectivité, et l'on peut à la limite garder un sentiment intime d'innocence dans la honte, lorsqu'autrui refuse de nous laisser nous expliquer et nous impute l'action honteuse.

Dans le sentiment de la faute, nous nous accusons nous-mêmes; au-delà du manquement à un interdit ou à une obligation purement sociale (infraction à un code, à un arrêté municipal ou à une loi que nous sommes censés ne pas ignorer mais que nous ignorions peut-être), le sentiment de la véritable faute est celui qui implique une causalité réelle et ineffaçable du « moi » dans l'action incriminée. 3 — Le remords.

Si le regret est le fait de déplorer un événement dont nous ne nous reconnaissons pas responsables, le remords est au contraire la rumination mentale, l'obsession, d'une faute passée, dont le moi s'accuse avec une sorte de passion douloureuse, qui le détourne de l'avenir pour l'enfermer dans la conscience de l'irréparable, de l'irrévocable ; cette rancune de soi pour soi peut prendre la forme de l'agressivité, de la cruauté, de l'auto-punition.

Autant qu'un reproche lancinant et agressif contre soi-même, le remords est désespoir, perte du goût d'être, et peut conduire au suicide.

« Vous pourriez d'abord confondre le remords avec la crainte du châtiment », dit Bergson (« Les deux Sources »...), car il se traduit par les précautions les plus minutieuses pour cacher le crime...

Mais regardez-y de plus près : il ne s'agit pas tant d'éviter le châtiment que d'effacer le passé, de faire comme si le crime n'avait pas été commis...

C'est donc son crime même que le criminel voudrait annuler en supprimant toute connaissance qu'en pourrait avoir une conscience humaine.

Mais sa connaissance à lui subsiste, et voici que de plus en plus, elle le rejette hors de cette société où il espérait se maintenir en effaçant les traces de son crime ».

C'est ce sentiment d'être hors de la société, d'être a-social qui est quelquefois suffisamment douloureux pour pousser le criminel à se dénoncer car il réintègre alors la société, fût-ce comme coupable.

Au-delà de cette description, il faut remarquer que la reconnaissance sociale de la culpabilité ne sauve pas du remords.

Si ce sentiment est en relation avec l'être-social de l'homme, c'est donc qu'il s'agit d'un rejet non seulement de sa société mais de toute société, c'est-à-dire, en fait, de l'humanité même.

Il y a dans le remords le sentiment d'être indigne de l'humanité. Le remords retrouve un sens moral et un avenir dans le « repentir » qui est volonté de réparation. — II — Les conflits intérieurs.

Dans plusieurs types de débats moraux, la conscience morale hésite dans sa. »

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