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Conscience et responsabilité morale ?

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« Conscience et responsabilité morale Nous avons vu que la responsabilité morale se distingue de la responsabilité juridique dans la mesure où cette responsabilité morale suppose une pleine conscience et de nos actes et de la loi morale.

Il semblerait donc que je puisse légitimement affirmer n'être pas moralement responsable de ce dont je ne suis pas conscient.

Cependant il convient de prendre garde à ne pas se laisser leurrer par ce que l'on peut nommer de fausses inconsciences. a) L'ignorance volontaire Je puis en effet n'avoir pas conscience de quelque chose tout en étant responsable de mon ignorance de cette chose.

Je puis ignorer un fait grave pour n'avoir pas cherché à le connaître, pour n'en avoir pas pris conscience parce que je ne voulais pas en prendre conscience.

Je ne savais pas » est une mauvaise excuse devant la conscience morale, car cette excuse ne signifie fort souvent autre chose que : « je ne voulais pas savoir ».

Le « nous ne savions pas » de nombre de consciences devant, par exemple, les déportations et les camps d'extermination nazis, dégage-t-il réellement leur responsabilité morale ? b) Inconscient et mauvaise foi L'existence d'un inconscient psychique tel que l'a défini Freud a en apparence singulièrement réduit le champ de notre responsabilité en ce sens que, selon Freud, nombre de nos actes relèvent non de la conscience, mais de cet inconscient psychique.

Cependant l'existence d'un tel inconscient a été contestée, notamment par Sartre, qui estime que l'attitude de la mauvaise foi suffit en réalité à expliquer les conduites dont Freud voulait rendre compte par son hypothèse de l'inconscient, Sartre réintroduisant ainsi notre liberté quant à ces actes, et donc notre responsabilité. Un mensonge à soi-même En effet, qu'est-ce que la mauvaise foi sinon un mensonge à soi ? Tandis que dans le simple mensonge je masque consciemment la vérité à autrui, « dans la mauvaise foi, c'est à moi-même que je masque la vérité.

Ainsi la dualité du trompeur et du trompé n 'existe pas ici.

La mauvaise foi implique au contraire par essence l'unité d'une conscience » (L'Être et le Néant, p.

87). Mais, demandera-t-on, comment cette unique conscience peut-elle se mentir à elle-même, puisqu'elle sera nécessairement consciente de son mensonge ? En effet, observe Sartre, « je dois savoir en tant que trompeur la vérité qui m'est masquée en tant que je suis trompé.

Mieux encore, je dois savoir très précisément cette vérité pour me la cacher plus soigneusement — et ceci non pas à deux moments différents de la temporalité — mais dans la structure unitaire d'un même projet.

Comment donc le mensonge peut-il subsister si la dualité qui le conditionne est supprimée ? À cette difficulté s'en ajoute une autre qui dérive de la totale translucidité de la conscience.

Celui qui s'affecte de mauvaise foi doit avoir conscience (de) sa mauvaise foi puisque l'être de la conscience est conscience d'être.

Il semble donc que je doive être de bonne foi au moins en ceci que je suis conscient de ma mauvaise foi.

Mais alors tout ce système psychique s'anéantit» (id., p.

87-88). À ces difficultés, Sartre répond en faisant observer que la mauvaise foi, toujours précaire et évanescente, est une sorte de mouvement psychologique ambigu qui joue continuellement sur les dualités propres à l'être humain.

L'homme est en effet à la fois un corps (une chose) et une conscience (un esprit, une âme).

Il est à la fois, une facticité, c'est-à-dire quelque chose de déjà fait (il est un passé, ce qu'il a été) et une transcendance, il est fondamentalement un projet, une continuelle nouveauté (il est ce qu'il se fait).

Il est un être pour lui (à son propre regard), mais il est aussi un être pour autrui (au regard d'autrui).

L'attitude de mauvaise foi, par laquelle on refuse de synthétiser ou de coordonner ces doubles propriétés, consiste à glisser continuellement de l'une à l'autre, afin de pouvoir soutenir que nous ne sommes pas ce que nous sommes. Un exemple Sartre prend l'exemple d'une femme qui a accepté un rendez-vous avec un homme : « Elle sait fort bien les intentions que l'homme qui lui parle nourrit à son égard.

Elle sait aussi qu'il lui faudra prendre tôt ou tard une décision.

Mais elle n'en veut pas sentir l'urgence : elle s'attache seulement à ce qu'offre de respectueux et de discret l'attitude de son partenaire.

[...] Elle est profondément sensible au désir qu'elle inspire, mais le désir cru l'humilierait et lui ferait horreur.

Pourtant, elle ne trouverait aucun charme à un respect qui serait uniquement du respect. [...] Mais voici qu'on lui prend la main.

Cet acte de son interlocuteur risque de changer la situation en appelant une décision immédiate : abandonner cette main, c'est consentir de soi-même au flirt, c 'est s'engager.

La retirer, c 'est rompre cette harmonie trouble et instable qui fait le charme de l'heure.

Il s'agit de reculer le plus loin possible l'instant de la décision.

On sait ce qui se produit alors : la jeune femme abandonne sa main, mais ne s'aperçoit pas qu'elle l'abandonne. Elle ne s'en aperçoit pas parce qu'il se trouve par hasard qu'elle est, à ce moment, tout esprit.

Elle entraîne son interlocuteur jusqu'aux régions les plus élevées de la spéculation sentimentale, elle parle de la vie, de sa vie, elle se montre sous son aspect essentiel : une personne, une conscience.

Et pendant ce temps, le divorce du corps et de l'âme est accompli ; la main repose inerte entre les mains chaudes de son partenaire : ni consentante ni résistante — une chose. » (id., p.

94-95). Cette femme, dit Sartre, est de mauvaise foi.

Cette jeune femme joue en effet ici sur la dualité corps-esprit : « tout en sentant profondément la présence de son propre corps — au point d'en être troublée peut-être — elle se réalise comme n'étant pas son propre corps et elle le contemple de son haut comme un objet auquel les événements peuvent arriver, mais qui ne saurait ni les provoquer ni les éviter, parce que tous ses possibles sont hors de lui » (id.). Ainsi donc, l'attitude de mauvaise foi, c'est poser notre réalité comme étant ce qu'elle n'est pas, et n'étant pas ce qu'elle est ; « c'est fuir ce qu'on ne peut pas fuir, pour fuir ce qu'on est ».

Mais la mauvaise foi est précaire en ce sens que la conscience peut à tout moment prendre conscience de sa mauvaise foi et la ruiner ainsi instantanément (ce qui n'est pas possible dans l'hypothèse freudienne de l'inconscient, lequel par définition est ce qui échappe à la conscience).

La mauvaise foi est donc une fausse inconscience qui ne saurait dégager notre responsabilité.. »

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