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Pas de religions sans Eglises ?

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  « Les croyances proprement religieuses sont toujours communes à une collectivité déterminée qui fait profession d'y adhérer et de pratiquer les rites qui en sont solidaires. Elles ne sont pas seulement admises, à titre individuel, par tous les membres de cette collectivité ; mais elles sont la chose du groupe et elles en font l'unité. Les individus qui la composent se sentent liés les uns aux autres, par cela seul qu'ils ont une foi commune.

« Pas de religions sans Eglises ? « Les croyances proprement religieuses sont toujours communes à une collectivité déterminée qui fait profession d'y adhérer et de pratiquer les rites qui en sont solidaires.

Elles ne sont pas seulement admises, à titre individuel, par tous les membres de cette collectivité ; mais elles sont la chose du groupe et elles en font l'unité.

Les individus qui la composent se sentent liés les uns aux autres, par cela seul qu'ils ont une foi commune. Une société dont les membres sont unis parce qu'ils se représentent de la même manière le monde sacré et ses rapports avec le monde profane, et parce qu'ils traduisent cette représentation commune dans des pratiques identiques, c'est ce qu'on appelle une Église.

Or, nous ne rencontrons pas, dans l'histoire, de religion sans Église. Tantôt l'Église est étroitement nationale, tantôt elle s'étend par-delà les frontières ; tantôt elle comprend un peuple tout entier (Rome, Athènes, le peuple hébreu), tantôt elle n'en comprend qu'une fraction (les sociétés chrétiennes depuis l'avènement du protestantisme) ; tantôt elle est dirigée par un corps de prêtres, tantôt elle est à peu près complètement dénuée de tout organe directeur attitré. Mais partout où nous observons une vie religieuse, elle a pour substrat un groupe défini.

Même les cultes dits privés, comme le culte domestique ou le culte corporatif, satisfont à cette condition ; car ils sont toujours célébrés par une collectivité, la famille ou la corporation.

Et d'ailleurs, de même que ces religions particulières ne sont, le plus souvent, que des formes spéciales d'une religion plus générale qui embrasse la totalité de la vie, ces Églises restreintes ne sont, en réalité, que des chapelles dans une Église plus vaste et qui, en raison même de cette étendue, mérite davantage d'être appelée de ce nom.

[...] En un mot, c'est l'Église dont il est membre qui enseigne à l'individu ce que sont ces dieux personnels, quel est leur rôle, comment il doit entrer en rapports avec eux, comment il doit les honorer.

[...] Nous arrivons donc à la définition suivante : Une religion est un système solidaire de croyances et de pratiques relatives à des choses sacrées, c'est-à-dire séparées, interdites, croyances et pratiques qui unissent en une même communauté morale, appelée Église, tous ceux qui y adhèrent.

Le second élément qui prend ainsi place dans notre définition n'est pas moins essentiel que le premier ; car, en montrant que l'idée de religion est inséparable de l'idée d'Église, il fait pressentir que la religion est une chose éminemment collective.

» Emile Durkheim, Les Formes élémentaires de la vie religieuse (1912), Le Livre de Poche, 1991, pp.

103-104. Analyses et commentaires : La religion comme fait social en tant qu'Eglise. - Les croyances religieuses et les rites qui en sont solidaires sont celles d'une collectivité et pas seulement des croyances admises par des individus isolés.

Elles font l'unité du groupe social en tant que ses membres ont une foi commune. - On appelle Eglise une société dont les membres sont unis par des croyances communes et traduisent ces croyances communes par des pratiques identiques (mais pas forcément commune).

Eglise vient du grec ekklesia, qui signifie assemblée. - Dans l'histoire, il n'y a pas de religion sans Eglise.

Puisque les croyances religieuses sont toujours partagées et puisque qu'une Eglise est une société qui n'existe que par des croyances communes et des pratiques identiques, il en résulte qu'il n'y a pas de religion sans Eglise.

L'appel à l'histoire est superflu en fait : la déduction et l'analyse priment sur le constat. - Pour le comprendre et l'admettre, il faut se séparer de la conception de l'Eglise qu'en donne l'Eglise catholique : pyramidale, monocéphale, universelle, avec un clergé distinct de la communauté des croyants.

Toutes les configurations sont possibles, mais à chaque fois, la vie religieuse a pour substrat un groupe défini. Faire de la religion un fait social en tant qu'Eglise, c'est établir un lien précis entre religions et individus.

Une religion n'assemble pas des individus qui partagent les mêmes croyances et les mêmes pratiques.

En tant que fait social, la communauté religieuse précède et détermine dans la vie de chacun ses croyances et pratiques.

C'est en tant que membre de la communauté que les individus deviennent des membres de la communauté religieuse.

L'appartenance précède l'adhésion et la pratique.

On a la religion de ses parents.

Ou plutôt devenir membre de la communauté passe par l'entrée dans la communauté religieuse. Cette approche sociologique indique que l'adhésion et les pratiques religieuses sont déterminées et non pas libres et qu'elles le sont par des processus sociaux, par nature étrangers à l'objet des croyances, au divin.

Je crois en Dieu non pas parce que Dieu existe, mais parce que je suis né parmi des croyants ayant une religion déterminée. Cette thèse se rapproche de la définition qu'on peut donner de la religion par la double étymologie du mot religion. « Relegere » : recueillir, rassembler.

La religion rassemble les hommes entre eux.

« Religare : relier.

Relier l'homme à Dieu.

La thèse de Durkheim consiste à dire que la communauté des croyants détermine la forme prise par le rapport à l'absolu, à Dieu. Bilan : La définition qu'il donne de la religion, c'est-à-dire le fait qu'il n'existe pas de religion sans Eglise, que la religion est un fait social, ne contredit pas ce qui avait été dit à propos de la religiosité.

Au contraire, puisque Durkheim intègre le sacré dans sa définition.

Il y ajoute un élément : l'interdit ou tabou, qui est le contraire du sacré : ce qu'il ne faut pas toucher ou faire précisément parce que cela serait sacrilège. Cette définition, en outre, permet de distinguer la religion ou le fait religieux en tant que tels des formes de religiosité qui sacralisent d'autres objets que ceux qui le sont par les religions : en effet, il ne se forme pas d'Eglise à partir de la sacralisation de la vie, du progrès ou de la justice. Ce qui signifie que ce qui définit une religion, ce n'est pas seulement le sacré, mais le caractère collectif des croyances et des pratiques, c'est-à-dire en somme l'existence d'un culte ritualisé, codifié, commun et/ou collectif.. »

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