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Oublier, est-ce la condition de la vie humaine ?

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« REMARQUES PRÉLIMINAIRES L'introduction doit être conçue sur la base d'une analyse précise du sujet et de ses implications.

Selon l'étymologie latine (obliviscor), oublier signifie d'abord perdre de vue, ne plus penser à.

La notion d'oubli ne prend sens que par rapport à la faculté de fixer, et de retenir, le souvenir de telle ou telle donnée vécue ou apprise : il n'y a oubli que s'il y a possibilité de mémoire.

Rapporter l'oubli à la vie, c'est déjà énoncer une évidence : les choses ne peuvent se souvenir ni oublier, sinon par métaphore (cf.

le poème de Lamartine Le lac, où la mélancolie prête au paysage souvenir et oubli, du fait qu'il fut «témoin» muet d'un amour révolu).

Une difficulté du sujet sera levée dès lors qu'on aura montré que l'oubli n'est pas à strictement parler la condition de la vie humaine (puisqu'on peut vivre sans oublier).

On se demandera alors, dans une perspective plus normative, le sens de la faculté d'oubli pour une vie accomplie, c'est-à-dire par exemple capable de se délivrer des hantises du passé (cf.

sur ce point Nietzsche : Seconde considération intempestive). L'introduction à la réflexion peut partir du caractère paradoxal de la question, en rappelant que pour tout homme le passé est constitutif, et en soulignant la présence multiforme de la mémoire dans la vie sociale et individuelle. INTRODUCTION PROPOSÉE (exemple). De prime abord, l'éloge de l'oubli relève d'une sorte de paradoxe.

Tournée vers ce qui l'a constituée, la vie humaine n'entretient-elle pas plutôt le culte de la mémoire ? Le souvenir des disparus la commémoration des grands événements, la remontée vers les premières émotions de l'enfance, la culture elle-même, conçue comme prise en charge d'un héritage : tout semble attester l'intime relation de la vie humaine à la mémoire.

N'y a-t-il pas, cependant, un moment ou un point à partir duquel cette relation à la mémoire devient hantise, voire servitude ? Et le souvenir du passé, insensiblement transformé en obsession, ne risque-t-il pas de paralyser la vie elle-même, d'en figer le dynamisme ? Si la vie est dépassement, il lui faut se délivrer du passé ; mais il y a une difficulté à concevoir comme une condition d'affirmation ce qui semble mettre en cause la dimension constitutive de l'être.

Oublier, est-ce la condition de la vie humaine ? Introduction L'actualité rappelle périodiquement l'importance du passé et de la mémoire: on commémore (la Révolution française), on ranime (les souvenirs du génocide). A l'inverse, l'amnésique, le «voyageur sans bagages» (A nouilh) paraît bien privé d'une dimension essentielle de l'existence humaine.

Du fait que celle-ci suppose une certaine connaissance du passé, faut-il déduire que tout doit en être conservé, ou, au contraire qu'une certaine dose d'oubli conditionne la vie humaine? I.

Nécessité de la mémoire — La vie humaine s'effectue dans une culture.

Or celle-ci implique toujours la transmission d'éléments acquis et du passé: • traditions; • événements fondant la collectivité; • langage. Il est de ce point de vue impossible de concevoir une vie humaine entièrement privée de mémoire, i.e.

totalement livrée à l'oubli, contrainte à ne jouer sur aucun savoir, aucune expérience, et à repartir à chaque instant de zéro.

Cet oubli absolu, c'est celui de l'animal — d'un organisme qui ignore la temporalité. Or l'un des traits distinctifs de l'homme par rapport à l'animal, c'est précisément que son existence implique une conscience de la temporalité, et donc un rapport au passé dans lequel il trouve (par l'expérience acquise) de quoi donner corps à tout projet. — Il est clair que, sur le plan de la biographie individuelle, il en va de même: je n'ai le sentiment d'être un moi durable et cohérent que parce que je connais encore quelque chose de mon passé.

Si chaque instant vécu disparaissait totalement de la conscience, le sujet psychologique serait impossible, privé de continuité.

Cf.

Bergson: assimilation entre la mémoire et la conscience. II.

Nécessité de l'oubli — Une conscience individuelle envahie en permanence par la totalité de son passé deviendrait incapable de la moindre décision et serait entièrement détournée du présent lui-même par ce «bagage» décidément trop encombrant.

En fait, la mémoire n'est pas un ensemble de souvenirs toujours présents, elle est bien plutôt la capacité de retrouver les souvenirs dont j'ai besoin pour agir dans le présent.

(De la même façon, la totalité du vocabulaire dont je dispose n'a pas à être présente à ma conscience — elle m'empêcherait d'articuler la moindre phrase.

Il s'agit d'un stockage dans ce que Freud repère comme Préconscient.) C'est donc l'exercice même de la mémoire qui suppose un oubli (relatif).

De ce point de vue général, la conscience effectue une sélection: je n'utilise du passé que ce dont j'ai besoin, le reste est oublié (momentanément). — Sur le plan de la vie collective, il en va de même : s'il est nécessaire que la société rappelle périodiquement son passé (pour y réactiver ou ressourcer sa « conscience collective»; cf.

Durkheim), il l'est également qu'entre ces rappels, le passé s'efface au profit de la considération de l'avenir et du présent. — Si l'on tient compte de l'enseignement freudien, on peut faire remarquer: • que l'Inconscient stocke la totalité du passé, mais précisément de telle façon qu'il n'encombre pas la conscience, que n'en réapparaisse que ce qui peut être utile (cas général du sujet « normal »); • qu'il y a traumatisme, et éventuellement maladie, lorsqu'un événement du passé reste précisément trop présent (toujours actif à l'insu de la conscience) parce que mal oublié (mal refoulé).

Dans ce cas, c'est la persistance d'un passé méconnu comme tel qui est pathogène. III.

Oubli et histoire — Pour signaler ce que peut avoir de stérilisant la connaissance historique, Nietzsche évoque le poids du «roc: ce fut ».

Il est clair, par exemple, que le rappel des anciens conflits, des hostilités passées, risque de figer les sociétés (et leurs membres) dans des positions interdisant toute transformation de leurs relations. — Toutefois, on ne doit pas confondre, dans ce domaine, oubli et pardon: ce dernier maintient le passé en tant que ce qui a eu lieu, mais il modifie l'attitude que ce passé a déterminée.

Rappeler les crimes nazis, c'est les inscrire dans une mémoire universelle parce qu'on juge, à leur sujet, l'oubli impossible ou inacceptable; mais ce n'est pas en faire indéfiniment reproche aux A llemands d'aujourd'hui ou de demain, c'est au contraire les convier à participer à une condamnation éthique universelle. — Là même où l'oubli ne peut pas intervenir, c'est donc l'accueil fait par la conscience à l'événement rappelé qui se modifie. Conclusion A ffirmer que l'oubli est condition de la vie humaine, ce n'est pas affirmer qu'il en est la seule condition.

Il doit en fait aller de pair avec la mémoire, qui est l'autre condition de la vie humaine dans la temporalité.

C'est parce que l'homme est écartelé entre passé et futur, et parce que son présent n'est rien d'autre que cet écartèlement, que l'oubli apparaît comme l'horizon sur lequel tout événement rappelé du passé acquiert sa pleine (et mouvante) signification.. »

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