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L'obéissance aux lois est-elle légitimement fondée ?

Extrait du document

« 1.

Le type de questionnement Scrutons l'énoncé dont la phrase paraît simple.

Pourtant, certains de ses termes semblent complexes, obscurs. «Légitimement» et «être fondé » sont de ceux-là.

Comment faire ? «Légitimement» est l'adverbe forgé à partir de l'adjectif «légitime »: il qualifie donc le verbe « fonder ».

Peut-être peut-on alors déjà se dire qu'il s'agit de savoir si cette qualification – légitimité – peut être accordée au verbe – fonder.

Ce qui nous donne: Est-il légitime de fonder...

Passant de la forme passive du verbe à sa forme active, le sujet devient complément d'objet direct : fonder...

quoi? l'obéissance aux lois.

Mais alors...

quel est le sujet dans cette forme active de notre énoncé? Se demander s'il est légitime de fonder l'obéissance aux lois, n'est-ce pas demander quelle(s) instance(s), quelle(s) autorité(s) auraient cette légitimité? Autrement dit, le sujet de la question consisterait à nous demander de déterminer le sujet indéfini, non désigné de la phrase elle-même! Qu'est-ce qui rendrait légitime d'obéir aux lois? Au nom de quoi y aurait-il légitimité à obéir aux lois? 2.

Analyse des termes On y verrait plus clair si les trois termes clés de la question nous offraient une réelle transparence...

ce qui n'est pas le cas ! Il faut donc, avant de se lancer dans l'analyse de l'ensemble de la question, procéder à une préparation, un peu comme le cuisinier qui, avant d'élaborer le plat, dispose minutieusement sur la table ustensiles et ingrédients dont il aura besoin. L'obéissance aux lois : avec le terme d'obéissance, surgit l'idée d'autorité, celle des parents, des professeurs, des juges...

Ici, on parle de lois.

Est-ce tout à fait pareil ? Non.

Pourquoi ? A quoi tient la distinction ? Les lois représentent une autorité impersonnelle, plus lointaine et abstraite que ce à quoi faisait penser d'emblée le terme d' « obéissance ». Qui dit obéissance dit aussi...

désobéissance ! Désobéir à une quelconque autorité, c'est s'y soustraire, ne pas s'y soumettre ; encore faut-il que cela soit possible, sinon la question ne se pose plus : le fait s'impose, incontournable, dans toute la puissance de sa nécessité. Reprenons alors le mot « lois » : y a-t-il des lois à l'égard desquelles le problème de l'obéissance – ou non – ne se pose pas? Certes, on pensera aux lois naturelles, celle de la pesanteur par exemple, auxquelles je suis soumis.

Puisje m'y soustraire? En un sens, oui : des moyens techniques me permettent de m'élever dans les airs, planer, etc. Donc, obéir ici a plutôt le sens de se soumettre, autrement dit, dépend de notre volonté.

Pourtant – cherchons tout de même une réponse négative pour ne rien oublier – certaines lois naturelles restent incontournables : respirer, par exemple.

Là j'y suis soumis(e), contraint(e) inexorablement. Pour pousser la réflexion dans ses derniers retranchements, voyons ce que donne une tentative de contestation. Soumis, contraint, termes contraires à l'idée de liberté.

Où est-elle en effet? Dans les faits, je suis « coincé »... mais en idée, rien ne m'empêche de penser autre chose que les faits qui s'imposent ! Et...

autre chose que je considère éventuellement meilleur.

Autrement dit, outre l'imagination qui me permet, en pensée, d'échapper à ce qui est, je dispose du jugement de valeur qui estime ce qui doit ou devrait être. Abordons maintenant nos deux termes difficiles concernant « l'obéissance aux lois » : «légitimement fondée ». Procédons à un déchiffrement « au ras des termes ». Légitimement : quels mots commençant de la même manière me « parleraient » plus? Législation, élections législatives, légiférer, médecin légiste, légitime, légitimité...

tout cela renvoie beaucoup, semble-t-il aux lois d'un pays, d'une constitution, ce qu'on appelle aussi le droit, donc l'idée de conformité aux lois.

Remplaçons le mot de la question par ce sens et voyons ce que cela donne.

Dès lors, on pourrait reformuler l'énoncé ainsi : L'obéissance aux lois est-elle conforme aux lois? Un peu répétitif..

La loi est faite pour qu'on y obéisse, est-on tenté de dire ! Donc il est conforme à la loi...

d'y obéir ! Peut-être pourrait-on sortir de ce bourbier avec les deux derniers mots évoqués : en effet on peut parler de quelque chose de légitime au sens de «justifié ».

Ainsi, « rien ne légitime une telle colère» renvoie à « il n'y a pas de raisons valables », c'est-à-dire, finalement, «de bonnes raisons », des « raisons justes », autrement dit, valables d'un point de vue moral plutôt que juridique.

Toutefois une raison n'est pas « bonne » uniquement parce qu'elle serait morale. « Fondée » : d'abord, pensons la racine étymologique « fond ».

Qu'il s'agisse du fond de la boîte ou du fond des mers, on perçoit l'idée que c'est à la fois ce qu'on atteint en dernier, et ce sur quoi tout le reste repose, s'appuie : si le fond « craque », plus rien ne « tient».

Transposons déjà ce premier élément à la question pour voir ce que cela donne.

Y a-t-il un « fond » qui permette de « tenir » ou « faire tenir» l'obéissance aux lois? Pas trop mal, poursuivons la recherche et comptabilisons ce bon point. La racine étymologique ouvre encore à deux noms : fondation et fondement.

« Fondation » renvoie à l'idée de créer, instaurer.

Vérifions en faisant la substitution tout de suite dans l'énoncé.

Dès lors, la question devient : A-t-on le droit (à la place de « légitimement ») d'instaurer l'obéissance aux lois? Est-il bon moralement de former une telle demande, et même une telle exigence? Quelles «bonnes raisons » y aurait-il à « créer » l'obéissance aux lois ? Cela a du sens, poursuivons.

Le mot « fondation » est aussi employé – au pluriel, c'est vrai –pour désigner les bases d'une maison – ses fondations.

En fait, on retrouverait là ce qui fut abordé avec « fond » : tout l'édifice repose sur et « tient » grâce à de bonnes fondations, tant d'un point de vue concret (profondeur, terrain...) que plus abstrait : des plans bien « pensés ».

Idée qui nous amène finalement à l'autre nom : fondement, qui, là aussi nous renvoie à «justification suffisamment valable » pour que « tienne » tout ce qui en dépendra.

Si certaines raisons techniques peuvent être avancées pour justifier d'instaurer l'obéissance aux lois, on sent bien que la valeur de l'exigence dans sa pleine dimension n'est pas atteinte.

Allons donc au plus difficile. La considération morale semblant donc essentielle, on exclura ce qui, par exemple serait d'ordre purement pratique,. »

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