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L'HOMME PEUT-IL RENONCER À L'INTERROGATION MÉTAPHYSIQUE ?

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« Dans la philosophie classique, la métaphysique occupe traditionnellement une place importante, parfois en tant que telle, par exemple chez Aristote, souvent sous l'aspect de la théologie après la christianisation de la pensée occidentale.

Doit-on en déduire que cette interrogation est essentielle à l'être humain? Ne pourrait-il au contraire y renoncer? La formation du terme «métaphysique» à propos d'un traité d'Aristote y fait résonner un double sens: ce domaine «au-delà» du monde physique doit être abordé « après son étude.

On sait que ce rapport pourra cependant être inversé: chez Descartes, la métaphysique constitue les racines de l'arbre du savoir, le sous-sol à partir duquel seulement, une fois qu'il est constitué, tout le reste (y compris les mathématiques) pourra être progressivement acquis — puisque si faisait défaut, pour garantir nos capacités d'accéder à la vérité, la présence de Dieu, plus rien ne serait possible. C'est cependant à partir du développement des sciences que va commencer à s'affirmer une tout autre attitude, dont on retiendra deux caractères: — la métaphysique apparaît vaine puisque incapable de livrer des vérités comparables à celles que fournissent les sciences; — la science finira par avoir réponse à tout, d'où l'imminence d'une disparition pure et simple de la métaphysique, qui justifie que l'on y renonce par avance. L'idéologie scientiste, même adoucie au XXe siècle, reste présente, sous l'aspect d'un espoir durable : que l'on finisse enfin par tout savoir, par explorer en totalité aussi bien l'infiniment grand que l'infiniment petit, et au passage, ces « espaces infinis » qui effrayaient tant Pascal ! Mais la science, par nature, se révèle incapable de répondre à l'interrogation métaphysique: 1.

Cf.

Auguste Comte: sont métaphysiques les questions sur les causes premières et les causes finales (en «pourquoi?» et «pour quoi?»), alors que la science ne répond qu'aux questions concernant des phénomènes locaux et leurs relations ou fonctionnement (« comment?»). 2.

L'interrogation métaphysique est résumée par Gauguin, dans un tableau célèbre, en trois questions : Qui sommesnous? D'où venons-nous? Où allons-nous ? Pas plus que les deux autres, la première me semble pouvoir trouver de réponse grâce aux sciences — en particulier celles dites «humaines», car l'attitude scientifique s'en tient par principe à une explication des faits alors que l'interrogation métaphysique concerne en priorité des valeurs et des significations. S'interroger par exemple sur le sens de l'existence humaine, c'est excéder immédiatement un point de vue rigoureusement scientifique.

C'est ce que fait notamment G.

Bataille pour constituer ce que l'on pourrait nommer d'une formule kantienne une anthropologie du point de vue philosophique.

De ce point de vue, Bataille repère trois éléments fondateurs de l'humanité: la règle (sous l'aspect premier de la prohibition de l'inceste), le travail (qui définit un monde humain) et la conscience de la mort, qui n'apparaît pas chez l'animal.

S'il est ainsi notable que l'homme est bien un «être-pour-la-mort», comme le dit à sa façon Heidegger, il apparaît que cette conscience du devoir mourir s'accompagne nécessairement d'un questionnement sur ce qui peut lui succéder.

Ainsi l'interrogation sur le destin de l'humanité — qui ne prend pas nécessairement la tournure religieuse de l'affirmation d'une vie spirituelle posthume, mais, en raison même de la conscience de la temporalité et de l'histoire qui s'élabore chez l'être humain, peut se convertir en une interrogation sur les origines et sur le sens de l'existence — ne doit-elle pas être conçue comme une acquisition strictement culturelle qui ne concernerait que des philosophes professionnels et serait dès lors susceptible de disparaître : elle est présente, au moins potentiellement, chez tout être humain pour peu qu'il connaisse des conditions, en particulier matérielles, d'existence susceptibles de la faire surgir. L'interrogation métaphysique est inscrite dans l'humanité elle-même comme la confirmation de son débordement de la seule existence matérielle et de l'animalité.

Elle n'est pas une pensée poussée à l'extrême, mais la conséquence du fait qu'il y a de la pensée, c'est-à-dire de la distance, chez l'homme, relativement au «physique».

De ce point de vue, affirmer qu'un homme dénué d'interrogation métaphysique retomberait dans l'animalité n'a rien de véritablement excessif. La métaphysique ne semble guère intéresser de monde : qui se dit aujourd'hui métaphysicien ? Toutefois, comprend-on bien ce que le terme peut évoquer ? Faire de la métaphysique, est-ce simplement penser à vide ou se réfugier dans des formules creuses ? Si tel était le cas, il serait aisé – voire souhaitable – de renoncer à l'interrogation métaphysique. Mais la mise en question d'une telle possibilité doit nous porter à considérer attentivement la qualité de l'interrogation métaphysique.

Est-elle inutile, accidentelle ou bien appelée par la nature de l'homme et de son esprit ? Si s'interroger en matière de métaphysique, c'est vouloir approfondir notre connaissance des choses ou chercher un point d'appui au-delà de tout relativisme, n'est-ce pas là ce que nous faisons tous ? En somme, si nous ne pouvons pas renoncer à l'interrogation métaphysique, est-ce parce que nous ne pouvons pas renoncer à ce que nous sommes ? I – La métaphysique comme idéal de connaissance : de Aristote à Descartes Aristote entame en ces termes l'ouvrage qui porte le titre La métaphysique : « Tous les hommes désirent naturellement savoir ».

La métaphysique ne désigne pas tant ici un savoir particulier que la tentative de remonter aux sources du savoir lui-même.

Si l'on veut lui assigner un objet, ce savoir se porte alors sur les causes et les principes des choses, ce par quoi elles sont connaissables. Par exemple, alors que la physique traite de l'être selon son mouvement, les mathématiques selon la quantité, la métaphysique parle de l'être en tant qu'être, c'est-à-dire de ce qu'il est indépendamment de la manière dont on. »

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