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l'expérience joue-t-elle un rôle dans la formation des principes directeurs de la connaissance

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« L'expérience joue-t-elle un rôle dans la formation des principes directeurs de la connaissance ? Ce sujet classique (et même que certains trouveront trop classique pour qu'il vaille la peine de figurer dans ce recueil) pourrait être traité ainsi : l'expérience, condition insuffisante de la formation des principes, est une condition nécessaire. Mais le libellé insinue qu'on admet que l'expérience ne suffit pas.

Nous restreignons donc le problème à cette question : est-elle nécessaire ? joue-t-elle un rôle ? INTRODUCTION.

L'activité proprement intellectuelle de l'homme est sous-tendue par des principes qui constituent comme l'armature de la pensée : si nous cherchons l'explication de faits que l'animal se contente de voir, c'est que nous ne saurions rien admettre qui n'ait pas de raison suffisante; toutes nos techniques industrielles, agricoles et mêmes sociales supposent que les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets; enfin, la loi fondamentale de la pensée est que la même chose ne peut pas à la fois être et n'être pas, que le contradictoire est impossible, en sorte que, une fois assurés de la vérité d'une proposition, nous ne pouvons pas ne pas rejeter comme fausse la proposition qui la nierait.

Ces axiomes, que l'on réduit ordinairement au principe de contradiction ou à celui d'identité et au principe de raison suffisante, constituent les principes directeurs de la connaissance. D'où viennent ces principes ? Depuis DESCARTES, la discussion de ce problème a fait l'objet de controverses qui ne sont pas encore terminées, opposant les empiristes d'après lesquels l'expérience suffirait à expliquer la formation des principes et les rationalistes dont les plus radicaux font des principes une donnée indépendante de l'expérience. Il faut bien accorder aux rationalistes que l'expérience ne suffit pas à rendre compte de la formation des -principes rationnels : le caractère universel et nécessaire de ces principes ne saurait être expliqué par une expérience particulière et contingente.

Mais l'expérience n'est-elle pas nécessaire et ne joue-t-elle pas un rôle dans la formation des principes directeurs de la connaissance ? I.

— L'EXPÉRIENCE JOUE UN RÔLE. A.

La simple observation le montre, la formation des principes rationnels n'est pas indépendante' de l'expérience au sens ordinaire du terme, c'est-à-dire de la prise de conscience du réel par suite de son action sur nos organes sensoriels : l'exercice de la raison suppose une matière sur laquelle elle s'exerce et cette matière est fournie par l'expérience; d'autre part, cet exercice est provoqué par les besoins que cette expérience excite en nous, en sorte que notre esprit resterait inerte si les données sensorielles n'éveillaient pas ses énergies latentes. B.

D'ailleurs, tous les philosophes le reconnaissent : si la formation des principes ne peut pas être attribuée à l'expérience, l'expérience est du moins la condition nécessaire de leur formation. Pour PLATON, par exemple, les principes ont été acquis par l'âme antérieurement à son union au corps, par conséquent indépendamment de l'expérience; mais c'est l'expérience qui provoque la réminiscence sans laquelle nous les ignorerions. DESCARTES est innéiste, mais il a été amené à reconnaître que l'innéité des principes se ramenait au pouvoir de les former et ce pouvoir est mis en jeu par l'expérience.

Dans la philosophie de KANT, les catégories qui entrent dans la constitution des principes sont des formes a priori, c'est-àdire ne devant rien à l'expérience; mais ces formes, éléments nécessaires de la' pensée, ne suffisent pas à constituer la pensée; aux formes vides doit s'ajouter une matière, et cette matière est fournie par l'expérience. II.

- QUELLE EXPÉRIENCE ET QUEL RÔLE A.

Quelle expérience ? — Sans doute, l'expérience sensible sans laquelle nous ne nous éveillerions jamais à la vie de l'esprit.

Mais, nous l'avons dit, pas l'expérience sensible seule : il ne suffit pas de voir de ses yeux un phénomène en précéder un autre pour savoir que le premier est la cause du second, ni d'avoir été témoin de consécutions répétées pour parvenir à la conviction que les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets et que tout changement a sa raison suffisante; sinon, comment expliquer que les animaux ne possèdent pas les principes directeurs de la connaissance P La formation des principes est déterminée par l'expérience intellectuelle, c'est-à-dire de la pensée elle-même : nous prenons conscience de ces principes en constatant que non seulement il nous est impossible de penser autrement, mais encore que nous ne pouvons concevoir un être intelligent qui pense autrement. B.

Quel rôle ? — Ainsi, l'expérience n'est pas la cause de la formation de l'esprit de l'homme, mais seulement la condition nécessaire.

Elle ne nous donne pas ces principes comme un regard sur la montre nous fait connaître l'heure : elle nous en fait prendre conscience de les posséder déjà comme des lois essentielles à toute pensée et à toute réalité. On ne saurait le nier de l'expérience sensible qui ne fait que fournir une matière à l'expérience intellectuelle.

Mais l'expérience intellectuelle elle-même ne nous fait pas acquérir les principes comme une connaissance qui nous viendrait de l'extérieur ou s'ajouterait comme un accident à la substance même de l'esprit : les principes sont les lois de l'être comme les lois de cet être particulier qu'est l'esprit : ils commandent le jeu de l'activité spirituelle dès qu'elle est provoquée; la réflexion sur cette activité nous en fait prendre conscience; elle ne les forme pas. CONCLUSION.

- Les principes directeurs de la connaissance appartiennent à une catégorie d'objets de connaissance tout à fait spéciale.

Connaître, au sens ordinaire du mot, c'est savoir ce qui est.

Mais les principes débordent ce qui est; ils prononcent sur le possible, sur l'impossible et sur le nécessaire.

Aussi peut-on croire que la prise de conscience des principes suppose que, dans l'être contingent que nous sommes, il y a, immanente, une participation de l'être nécessaire : notre pensée ne peut être aussi sûre d'elle-même que parce qu'elle s'ancre sur l'éternel.

Dans ce cas, l'expérience qui nous donne les principes rationnels impliquerait une obscure expérience de Dieu.. »

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