Les peuples ont-ils les gouvernants qu'ils méritent ?
Extrait du document
«
Sujet : Les peuples ont-ils les gouvernants qu'ils méritent ?
[Les citoyens sont responsables
des hommes qui les gouvernent, soit qu'ils leur donnent
directement le pouvoir, soit qu'ils se laissent
gouverner sans réagir.]
Les tyrans sont parfois élus
Dans la Grèce antique, un tyran était un homme qui avait réussi à s'emparer du pouvoir par ses propres
moyens et à s'y maintenir.
La prise du pouvoir avait parfois lieu par la violence; mais le tyran pouvait aussi
s'imposer par l'éloquence et la persuasion et être porté au pouvoir par le peuple consentant.
Ainsi Hitler fut-il
démocratiquement élu en 1933.
Les citoyens participent au pouvoir
Dans son Discours de la servitude volontaire, Etienne de la Boétie analyse le despotisme et se demande
comment les citoyens acceptent de se soumettre à un tel pouvoir.
C'est la coutume, dit-il, qui finit par leur
faire apparaître leur servitude comme naturelle.
Ensuite, le despote s'assure la bienveillance passive du peuple
par des faveurs et la propagande.
Un opuscule — qui ne cesse depuis de hanter la philosophie politique à chaque période critique de l'histoire —
se déploie alors dans la provocation et le refus.
En saisissant son lecteur au plus vif de ses croyances
politiques avec un ouvrage qui n'est pourtant pas simplement un pamphlet antimonarchique local, Étienne de
La Boétie (1530-1563) le contraint à s'interroger sur le pouvoir qu'il endure, en même temps que sur sa
soumission aux catégories de l'opinion.
Le Discours sur la servitude volontaire (1548, dit aussi le Contr'Un) ne
se contente pas d'affirmer que la politique présente est intolérable, il précise encore que l'homme aime la
servitude qui lui assigne sa place, à l'encontre de sa liberté politique.
Surprenant tout le monde (y compris son ami Montaigne, qu'une telle lecture bouleverse), l'auteur ne souhaite
nullement fonder le pouvoir (en Dieu, en nature, dans la psychologie humaine) en utilisant encore des
catégories toutes faites.
Il déplace la perspective d'analyse d'une observation à une énigme, puis à un
scandale.
Certes, il existe des peuples assujettis.
Mais pourquoi endurent-ils la servitude ? Réponse immédiate
: parce que l'Un règne, se défend, et que les peuples se résignent.
Si persuasive que soit la réponse, elle
demeure néanmoins aveugle.
L'Un et sa force ne structurent pas seuls le ressort de la servitude.
L'Un ne
dispose pas d'autre pouvoir d'asservissement que celui qui lui est concédé de nuire aux peuples.
La servitude
de l'Un admet-elle sa suppression ? Oui, le peuple peut rompre avec elle, non seulement il le peut grâce à sa
force, mais il s'en délivre parfois.
D'où naît cependant qu'il ne réussit pas toujours ses révoltes ? Ici s'inaugure une conjecture ouvrant sur une
critique de la domination, renonçant ostensiblement à l'annonce d'un régime parfait.
La Boétie découvre un
rapport essentiel au politique : la politique s'instaure sur une division qui la fonde.
Cette division produit de la
force (les alliés du roi) simultanément à l'efficacité d'un imaginaire.
La sujétion résulte d'une approbation.
Soit
selon la voie d'une servitude par excuse : le peuple n'accuse pas le roi de méfaits, seulement ses ministres,
chacun exceptant le prince de l'accusation, préférant croire que le pouvoir est bon, quoique détourné par les
ministres.
Soit, selon la voie d'une servitude recouvrant une « volonté de servir ».
La Boétie, dans cet
ouvrage politique sur la politique, envisage le pouvoir comme un rapport intériorisé.
C'est évidemment en contrepoint de cette thèse que d'autres philosophes forgent des modèles de cités
parfaites.
On les appelle des utopies en référence à la première oeuvre de ce genre littéraire et philosophique,
l' Utopie (1516) de Thomas More (1478-1535), bientôt suivie des ouvrages de Tommaso Campanella (La Cité du Soleil, 1602) et de Savinien Cyrano de Bergerac
(1619-1655, Les États et Empires de la Lune, 1641), sans oublier que cette veine se renouvelle largement
autour de ces essais de villes utopiques (phalanstères, familistères) conçues au XIXième siècle dans le cadre
d'une historicité sur lesquels nous reviendrons.
Concentrons-nous sur le modèle du genre.
Imaginez-vous donc en train d'écouter le récit de Raphaël Hythloday (étymologiquement : celui qui est habile
à raconter des histoires), jeune voyageur portugais.
Vous voilà tout à coup touché par les moeurs et les
institutions du peuple utopien.
Le dispositif rhétorique qui produit cet autre monde sous vos yeux consiste
moins à vous faire croire qu'un tel peuple existe qu'à susciter en vous le désir de vivre selon un tel mode de
vie.
Il vous faut par conséquent suivre deux cheminements parallèles, celui de comprendre ce que peut être «
la meilleure forme de communauté politique » (sous-titre de l'ouvrage) et celui de laisser fonctionner une
écriture qui vise à donner à votre esprit un pli encore inconnu, l'amenant à se convertir d'une adhésion au
présent à la possibilité d'un agir.
Dans la fiction utopique de Thomas More, l'écriture elle-même devient incitative, exerçant l'esprit à s'ouvrir à
des dimensions insoupçonnables.
Au vrai, l'ouvrage comporte un agencement de deux livres sur le premier
duquel on a l'habitude de faire l'impasse.
Si le livre second, en effet, décrit particulièrement la ville d'Amaurote.
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- Les peuples ont-ils des droits comme les personnes ?
- Que pensez-vous de cette remarque de Descartes : "il est bon de savoir quelque chose des moeurs de divers peuples, afin de juger des nôtres plus sainement, et que nous ne pensions pas que tout ce qui est contre nos modes soit ridicule et contre raison, a
- « Il n'existe pas de peuples non civilisés. Il n'existe que des peuples de civilisations différentes. » Marcel MAUSS, « L'enseignement de l'histoire des religions des peuples non civilisés à l'École des hautes études », Revue de l'histoire des religions,
- La diversité des culltures est-elle un obstacle à l'entente des peuples ?
- Toutes les personnes méritent-elles un égal respect ?