Aide en Philo

Les oeuvres d'art sont-elles d'une infinie solitude ?

Extrait du document

« C'est une question ambiguë dans la mesure car il faut se demander ce qu'il faut entendre par la solitude des œuvres d'art.

Une œuvre dans ce cas est seule quand elle reflète une vision du monde, un point de vue sur le monde que personne n'avait vu jusqu'à présent, elle est un objet unique qui ne s'insère dans aucun système connu, dans ce cas sa rareté fait sa solitude.

Elle peut être seule car elle reste incomprise, trop en avance sur son temps, elle ne pourra être comprise que bien plus tard.

N'est-ce pas aussi la solitude de l'artiste qui se trouve celle derrière l'œuvre d'art ? N'est-ce p a s aussi la solitude d u sentiment esthétique ? C e sont certainement ces problèmes entremêlés qui forment la solitude des œuvres d'art. 1) L'infinie solitude de l'œuvre d'art. O n trouvera ici un exem ple de la solitude de l'artiste et de la création artistique dans un peintre romantique allemand Caspar David Friedrich (1774-1840) a, ce qu'on pourrait appeler une esthétique du désert, du vide.

L'intérêt que l'on prend à ses peintures ne vient pas des figures mais du site représenté, de l'effet qu'il réalise sur le spectateur.

Un vide, qu'on retrouve dans l'atelier du peintre.

Il n' y a rien d'inessentiel que ce soit dans son atelier ou dans ses toiles.

Les tableaux de Friedrich ne sont qu'une modulation du néant, du brouillard, et d e la nuit.

Une inflexion pour représenter la plus haute réalité et son secret.

Friedrich vivait dans le retranchement d e son atelier, préservé des vestiges du monde et de la société des hommes.

Cette émergence du néant dans l'esthétique n'est pas sans rapport avec l'esthétique du sublime.

Jusqu ‘à l'émergence de la peinture du sublime, la peinture s'était refusé à représenter le vide.

Friedrich, lui, en fait un motif esthétique à l'encontre de ce qui s'était fait dans l'art classique.

Il écrit notamment « Un paysage envahit de brume paraît plus vaste, plus sublime, il anime l'imagination et renforce l'attente, semblable à une fille voilée.

L'œil et l'imagination sont également plutôt attirés par les lointains vaporeux que par ce qui s'offre a u x y e u x clairement de près.

» Le sublime est un genre qui s'intéressa particulièrement à la montagne, à la mer et aux phénomènes atmosphériques.

Il ne prend pas intérêt à la représentation d'hommes, et sont réduits souvent à une simple présence minuscule ou sont parfois absents.

La petitesse de l'homme face aux forces de la nature est un thème récurrent de la peinture de Friedrich.

Le moine au bord de la mer de 1818 en est un exemple frappant.

Le moine qui prie seul sur la plage semble être écrasé par un ciel infini.

La même année où ce tableau fut réalisé, Schopenhauer publie Le Monde comme volonté et comme représentation.

Il exprim e dans des passages du troisième chapitre et ailleurs, le néant d e la volonté face à u n e nature hostile qui l e d é p a s s e e t la tentative d e l ' h o m m e d e s'élever au-dessus de cette angoisse pour arriver à u n e contemplation pure.

Il écrit « La tempête gronde, la mer rugit, les éclairs percent les nuages noirs, le bruit du tonnerre domine celui de la tempête et de la mer.

» et « La nature est e n plein orage, en pleine tourmente, un demi-jour filtre à travers des nuages noirs et menaçants, des rochers i m m e n s e s e t dénudés encaissent et ferment notre horizon.

» Par là, Friedrich pourrait être comparé à son célèbre voyageur.

On comprend que l'artiste va dans des régions encore inexplorées, que le génie se doit d'être solitaire. 2) La solitude du sentiment esthétique. O n raconte qu'ayant refusé la présence d'un tiers lors d'un voyage, il aurait affirmé : « Je dois être entièrement seul avec m o i - m ê m e .

Et je sais que si je suis seul, c'est pour percevoir la nature complètement.

Rien ne doit s'interposer entre elle et moi .Pour devenir ce que je suis, je dois me donner tout entier à mon environnement, me fondre dans mes nuages et mes rochers.

Mon meilleur ami serait à mes côtés, il me détruirait.

» Friedrich se range dans une solitude qui peut le couper de la réalité mais qui est au bénéfice de l'art.

L'artiste est dans un état méditatif, où les éléments naturels ne lui sont plus étrangers.

L'esprit du contemplateur n'est plus prisonnier d'aucune rationalité ou contrainte sociale.

Il voit la nature c o m m e au premier jour d e la Création dans un certain étonnement, il voit les choses c o m m e si elles étaient neuves et chargées d e leur pleine signification.

Friedrich est un peintre d e la solitude.

Les personnages de ses tableaux sont en général seuls face à une nature immense et parfois terrible c o m m e dans Le voyageur au-dessus de la mer de nuages.

Tous ses personnages sont peints d e d o s afin q u e le spectateur s' y identifie. 3) La solitude du génie et la société. L'artiste et le génie en particulier ont toujours exprimé d e s choses que personne encore n'avaient vu, ils ouvrent des territoires d e l'imaginaire et de l'art encore vierge.

Marcel Proust dans A la recherche du temps perdu écrit : « Par l'art seulement noue pouvons sortir de nous, savoir ce que vois un autre de cet univers qui n'est p a s l e m ê m e que le nôtre, et dont les paysages nous seraient restés aussi inconnus que ceux qu'il peut y avoir dans la lune.

» Mais il serait faux de réduire l'œuvre d'art à la solitude.

Bien souvent, l'œuvre se trouve à la croisée des chemins.

Baudelaire, par exemple, éprouve la condition poétique à la fois comme solitude et comme communion et il lui faut, pour satisfaire à sa vocation, réunir dans l'acte poétique le merveilleux et le quotidien.

C'est son sentiment de la modernité qui fonde sa principale originalité de poète, ce sentiment qui situe l'origine de la poésie dans un surnaturel enclos dans la présence la plus immédiate du quotidien.

C'est pourquoi, se faisant déjà voyant, bien avant Rimbaud, il se sert de ses vocables et de ses rythmes pour discerner, par le jeu de l'allégorie et du symbole, ce que le monde des hommes le plus immédiat contient, mystérieusement, mais inéluctablement, d'authentique merveilleux.

C'est pourquoi il n'est jamais si grand poète que lorsque le hasard des contacts quotidiens lui offre de ces rencontres qui se formulent en lui selon la dimension d'un mythe : un cygne évadé d'une ménagerie, les petites vieilles des rues de Paris, u n e veuve au concert du jardin des Tuileries.

Aussi le premier e n g a g e m e n t d u poète est-il d'expérimenter en lui et de formuler dans sa parole une perpétuelle interprétation poétique de la vie de tous les jours.

Il s'agit bien, comme le montrera l'évolution ultérieure de la poésie, de soumettre le monde quotidien des hommes à la loi de la vision poétique, à partir de la conviction profonde que tout le quotidien est fait d'insolite, et que c'est précisément l'une des f o r m e s d e l a « spiritualité » poétique de faire apparaître, par la magie suggestive du langage symbolique et allégorique, l'indissociable solidarité, dans l'unité du Beau, de l'actuel et du surnaturel.

C e sont les Petits Poèmes en prose : l a poésie se rencontre, dans son absolue pureté, au cœur de ces textes où s'opèrent sans masque le contrepoint du réel et du surréel, le jeu d'harmonie et de discordance entre modernité et spiritualité qui suscite la présence solitaire du poète au cœur même du monde des hommes.

C'est que la solitude est l'autre face de l'engagement poétique ; elle est, pour Baudelaire, non seulement la marque de sa condition de poète, mais aussi la forme catégorique de son devoir ; il le dit lui-même, dans un texte capital, le projet d'épilogue de 1860 : « Ô vous, soyez témoins que j'ai fait m on devoir.

» Or, dans la solitude, le poète se rencontre luimême, et la poésie est alors un acte de conscience Conclusion. La solitude d e l'artiste et d e l'œuvre n'est pas totale, il s'insère toujours dans un milieu qu'il doit exprimer.

Il ne peut rester éternellement dans un milieu éthéré loin du monde et de la foule.

L'œuvre est à mi-chemin de la foule et de la solitude.

L'œuvre exprime d'une manière originale et inédite ce qui peut être de l'ordre du quotidien.

C'est donc qu'une solitude partagée qui est celle de l'œuvre d'art.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles