Les oeuvres d'art sont-elles des marchandises ?
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Les oeuvres d'art sont-elles des marchandises
APPROCHE PROBLEMATIQUE: L'« Art », cette Arlésienne dont on étudie l'histoire et les styles, cet art que
l'on pratique, que l'on consomme, en tout cas dont on parle – à tort ou à raison –, cet art dont tant d'artistes
meurent et dont tant de marchands vivent, n'existe que par la grâce de quelques chefs-d'oeuvre inutiles et
sans prix chargés de défier le Temps, la corruption et la mort.
Certes, l'Art est l'objet d'un marché.
Mais l'assimilation d'une « oeuvre d'art » à une marchandise ne rend
nullement compte de son « essence », de sa « nature» ou de sa « spécificité », c'est-à-dire de ce qui la
distingue de toutes les autres marchandises, dont la «valeur d'usage» se mesure à leur utilité et dont la
«valeur d'échange» (c'est-à-dire le prix sur le marché) est déterminée, selon saint Thomas el selon Karl Marx,
par le temps de travail socialement nécessaire à leur production.
Valeur d'usage et valeur de la marchandise chez MARX
Les marchandises, pour être échangées, possèdent une valeur
d'usage et une valeur d'échange.
En effet, pour qu'un
acheteur souhaite posséder une marchandise, il est
indispensable qu'il lui trouve une utilité.
En même temps, on
peut dire que ce qui apparaît utile pour l'acheteur est une
non-utilité pour le vendeur (soit il n'en a pas l'usage, soit il en
dispose en trop grandes quantités).
Ainsi, il ne peut y avoir de
marchandise qui ne possède pas une quelconque valeur
d'usage ; ce serait alors un simple objet sans intérêt qui
n'aurait aucune raison d'être échangé.
Ce qui est marchandise possède une valeur d'échange qui est
un niveau ou une « proportion dans laquelle des valeurs
d'usage d'espèce différente s'échangent l'une contre l'autre»
[Le Capital, I.
I, t.
1, p.
52].
C'est-à-dire que l'on peut
échanger une bicyclette contre deux stylos de luxe ou contre
dix nuits d'hôtel, selon ses propres besoins et selon ce dont
les autres offreurs disposent ; ainsi, chaque marchandise a
une valeur d'échange spécifique.
On remarquera qu'il existe
nombre d'objets utiles à l'homme qui ne possèdent pas de
valeur d'échange et donc qui ne sont pas des marchandises : l'air, un sol vierge, la lumière, le soleil,
etc.
Une question demeure : comment se fixe le niveau de l'échange, c'est-à-dire pourquoi tel objet a
s'échange contre tel objet b ou x objets c ? Selon les économistes classiques, la valeur d'échange
d'un objet est déterminée par le quantum de travail, ou le temps de travail, dépensé pour sa
production.
Sachant que l'on se situe à un niveau de raisonnement abstrait (loin d'une « comptabilité
réelle », d'où le concept marxien de travail abstrait, producteur de valeur qui s'oppose au travail
concret, producteur d'utilité), on considère que les hommes malhabiles ou paresseux sont écartés de
la production et l'on parle de temps moyen socialement nécessaire à la production des marchandises
[ibid., p.
54-55].
De même, s'il existe différentes catégories de travail, du plus complexe au plus
simple, Marx propose de ramener une quantité donnée de travail complexe à une quantité plus
grande de travail simple.
On peut donc rapporter toute marchandise à une somme de travail humain ; par exemple, la
fabrication d'un crayon est la somme de :
— la matière première (bois, mine et peinture) ramenée à x minutes de travail ;
— l'usure de la machine ramenée à y minutes de travail ;
— le temps du travail de l'ouvrier réalisant le crayon sur la machine.
Ainsi, toutes les valeurs d'échange des marchandises peuvent être exprimées en temps moyen de
travail socialement nécessaire qui fonctionne alors comme équivalent général de toutes ces
marchandises, y compris la force de travail, comme nous le verrons (on laissera de côté ici la
question des prix qui sont la forme phénoménale de la valeur des marchandises et qui fluctuent
autour de celles-ci au gré de la conjoncture ; de même, on n'abordera pas les questions relatives à
la monnaie).
Les rapports entre valeur d'usage et valeur sont un exemple de la dialectique marxiste: d'une part,
ces deux catégories s'opposent dans leur spécificité et leur irréductibilité l'une à l'autre ; d'autre
part, elles ne peuvent pas être pensées individuellement, c'est-à-dire l'une sans l'autre.
Enfin, elles
constituent, ensemble, les caractéristiques fondamentales de la marchandise.
Pour l'échangiste, « la
marchandise n'a aucune valeur utile immédiate ; s'il en était autrement, il ne la porterait pas au
marché.
La seule valeur utile qu'il lui trouve, c'est qu'elle est porte-valeur, utile à d'autres et, par
conséquent, un instrument d'échange.
Il veut donc l'aliéner pour d'autres marchandises dont la
valeur d'usage puisse le satisfaire.
Toutes les marchandises sont des non-valeurs d'usage pour ceux
qui les possèdent et des valeurs d'usage pour ceux qui ne les possèdent pas.
Aussi, faut-il qu'elles
passent d'une main dans l'autre.
Mais ce changement de mains constitue leur échange et leur.
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