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L'Engagement, le paradoxe de la morale chez Sartre

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« L'Engagement, le paradoxe de la morale chez Sartre VOCABULAIRE SARTRIEN: Responsabilité : découle de la liberté humaine et est aussi radicale que celle-ci.

Satire prend le mot au sens courant de « conscience d'être l'auteur incontestable d'un événement ou d'un objet » (EN, p.

612), à condition d'ajouter que nous sommes toujours, quoi qu'il nous arrive, responsables de nous-mêmes en tant que manière d'être et du sens que nous donnons au monde par nos choix. Engagement : désigne à la fois notre être dans le monde (en écho du « nous sommes embarqués » pascalien) et la nécessité à laquelle nous ne pouvons nous dérober de nous choisir en nous projetant vers nos possibles, donnant ainsi un sens à notre être-jeté.

La signification première de l'engagement est donc ontologique, et non politique ; l'engagement social et politique n'est qu'une spécification - à vrai dire essentielle, puisque nous sommes des êtres historiques et sociaux - de l'engagement dans son sens ontologique. L'homme est « condamné à être libre », mais il n'est pas seul au monde ; il ne peut être libre qu'avec ou contre les autres.

Si l'existence est absurde, si les valeurs ne sont qu'illusion ou mystification pour qui ou pour quoi agir ? L'expérience de la guerre et de ses atrocités, la découverte du totalitarisme, la présence dans le monde dit « libre » de formes ouvertes ou dissimulées d'exploitation de l'homme — du prolétaire aussi bien que du colonisé —, révèlent la présence massive et incontournable du mal.

La bonne conscience, la fuite dans l'anonymat du « on » n'est plus possible à moins de se ranger dans la catégorie des « salauds », ces « gros pleins d'être » qui feignent de trouver l'existence naturelle et qui continuent à vaquer à leurs affaires et à leurs amours. Certains choisissent — à titre individuel — de faire le bien : accomplir scrupuleusement leur devoir de père, de citoyen, voire secourir un voisin dans la détresse, mais cela n'empêche aucunement la mauvaise foi.

Les hommes ne sont pas placés côte à côte comme des petits pois dans une boîte : ils entretiennent entre eux des relations étroites, même si elles sont masquées par l'idéologie individualiste, même si elles sont exposées à une réification. Sartre reprend ici les analyses du marxisme qui sont focalisées sur la pleine conscience des réseaux multiples de détermination constitutifs de la trame sociale de l'existence.

Toutefois le marxisme privilégie l'action et la prise de conscience collectives : je ne peux modifier la situation de l'homme dans le monde pour rendre chacun maître de son existence que si je m'engage consciemment dans une action collective (la révolution) qui transformera les bases de la société, par exemple en supprimant la propriété privée des moyens de production.

En définitive, je devrais pour réaliser cette fin, utiliser tous les moyens à ma portée, y compris le mensonge et la violence.

Ici éclate le paradoxe de la morale que l'oeuvre littéraire de Sartre, (théâtre, romans, essais) s'attache à exprimer : ou bien je vais traiter (selon l'expression kantienne) quelques-uns de mes proches comme des fins et je vais garder les « mains pures », mais je me condamne à accepter tout ce qui ne dépend pas de moi ; ou bien je vais m'engager dans un parti strictement révolutionnaire et par-là même je me condamne à traiter tous les hommes en moyens pour une fin (la société sans classe, réconciliée) dont je ne verrai jamais la réalisation effective, et ce faisant j'aurai les « mains sales ». « Celui qui prend conscience en lui de cette contradiction explosive — entre ce qu'il est pour lui-même et ce qu'il est aux yeux d'autrui — celui-là connaît la vraie solitude, celle du monstre raté par la Nature et la société ; il vit jusqu'à l'extrême, jusqu'à l'impossible, cette solitude latente, larvée qui est la nôtre et que nous tentons de passer sous silence ». C'est dans les situations extrêmes lorsqu'aucun modèle ne vient orienter notre choix que l'homme fera authentiquement acte de liberté.

Sartre revient à plusieurs reprises dans son oeuvre sur l'exemple de la Résistance.

Les résistants, lorsqu'ils étaient pris n'avaient le choix qu'entre le silence (l'héroïsme) et la dénonciation (l'abjection) : entre les deux extrêmes de la condition humaine au-delà desquels il n'y a plus rien.

Mais l'existence humaine doit à tout instant être rachetée, sauvée, justifiée contre toutes les tentations de l'existence «brute », naturelle, qualifiée (aussi bien dans « l'Être et le Néant » que dans « Les Mouches ») d'« obscène », « fade » et « visqueuse », qui procède par classification, distinctions bien tranchées du bien et du mal, du permis et du défendu. L'existence humaine n'a de sens et de valeur que pour autant qu'elle accepte ou du moins qu'elle tente de réconcilier, dans une action particulière, les deux termes de la dichotomie.

« Ou bien, la morale est une faribole ou c'est une totalité concrète qui réalise la synthèse du Bien et du Mal...

la séparation abstraite exprime simplement l'aliénation de l'homme.

Reste que cette synthèse dans la situation historique n'est pas réalisable.

Aussi toute morale qui ne se donne pas explicitement comme impossible aujourd'hui, contribue à la mystification et à l'aliénation des hommes. Le « problème moral » naît de ce que la morale est pour nous en même temps inévitable et impossible.

L'action doit se donner des normes éthiques dans ce climat d'indépassable impossibilité.

» (Saint-Genet, comédien et martyr). Au travers de ces analyses, se dessine en filigrane l'inspiration éthique qui anime cette philosophie : la liberté est l'unique source de la grandeur humaine, mais c'est en prenant parti dans les luttes et les combats de son époque que le philosophe peut « finalement rejoindre l'éternel et c'est la tâche de l'écrivain que de faire entrevoir les valeurs d'éternité qui sont impliquées dans les débats sociaux et politiques ».

(Présentation des « Temps Modernes») .. »

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