Le vrai n'est-il qu'une affaire de croyance ?
Extrait du document
«
[Parce qu'il n'y a pas de certitude objective, parce que tout savoir est nécessairement subjectif, il faut en
conclure que toute affirmation d'une vérité est plus acte de croyance qu'une connaissance établie.]
Les faits eux-mêmes ne sont ni vrais ni faux
Un monde purement matériel, écrit Russell, faute de croyances comme d'affirmations, ne contiendrait ni vérité
ni fausseté.» Les faits ne sont que «l'ameublement du monde».
Seules nos croyances, dans la mesure où
elles concernent des objets sensibles ou des faits clairement identifiables, sont susceptibles de vérité ou de
fausseté.
Ce que nous tenons pour vrai n'est que croyance (Hume)
"Je conclus, par une induction qui me semble très évidente, qu'une
opinion ou une croyance n'est qu'une idée, qui diffère d'une fiction, non
pas en nature ou par l'ordre de ses parties, mais par la manière dont on
la conçoit.
Mais quand je veux expliquer cette manière, je trouve
difficilement un mot qui réponde pleinement à ce dont il s'agit, et suis
obligé de recourir à ce que chacun éprouve pour lui donner une notion
parfaite de cette opération de l'esprit.
Une idée qui reçoit l'assentiment,
nous l'éprouvons comme différente d'une idée fictive que la fantaisie
seule nous présente.
Et cette différence, je m'efforce de l'expliquer par
ce que j'appelle une force, une vivacité, une solidité, une fermeté ou
une stabilité supérieures.
Cette diversité de termes, qui peut sembler si
peu philosophique, n'est employée que dans le but d'exprimer cet acte
de l'esprit qui nous rend les réalités plus présentes que les fictions, leur
donne plus de poids dans la pensée et plus d'influence sur les passions
et l'imagination.
Pourvu que nous soyons d'accord sur la chose, il n'est
pas besoin de discuter sur les termes.
[...] J'avoue qu'il est impossible
d'expliquer parfaitement ce que l'on éprouve alors, cette manière de la
conception.
Nous pouvons utiliser des mots qui expriment quelque
chose d'approchant.
Mais son nom véritable, son nom propre, c'est
croyance, terme que chacun comprend suffisamment dans la vie
courante." HUME
L'esprit peut-il vraiment n'être qu'imagination, et ses opérations les plus sûres se rapprocher des fictions les
plus délirantes ? Le pari est tenu d'une philosophie sans a priori, théorie des facultés ou déduction
transcendantale.
Ce que Hume nomme entendement ne doit être entendu que comme « propriétés les plus
stables et les mieux établies de l'imagination' », comparaison d'idées entre elles (ou connaissance
démonstrative) et fantaisie réglée, système de croyances probables.
Au plan de leur contenu, il n'y a rien de
plus dans une croyance que dans une fiction ; sinon, justement, ce ne serait pas une croyance mais une
vérité démonstrative, liant les idées par leur matière au lieu de les lier sans fondement, comme le fait
l'entendement dans les inférences causales.
Leur manière seule les distingue : tandis qu'une association
fantaisiste, celle d'une montagne d'or, par exemple, n'a pas d'effet sur les attentes et les prédictions de
l'entendement, ni même sur les passions (sauf pour un avare qui la chercherait, mais cela ne serait que faux
jugement et folie de sa part), les liaisons régulières s'accompagnent d'une tonalité particulière, pour laquelle
Hume emploie le mot feeling : les idées auxquelles on croit affectent l'esprit.
Cette force de conviction
caractérise l'idée vive qui, en raison de la coutume, reçoit de l'impression présente une part de sa vivacité ;
tout se passe comme si la répétition d'événements semblables toujours contigus l'un à l'autre, créait cet effet
de vivacité.
Hume donne à un tel phénomène le nom très courant de croyance.
De ce fait, il forge un outil théorique
destiné à lui servir dans l'explication d'autres phénomènes que les inférences savantes, par exemple, la
superstition, entretenue grâce au soutien que les cultes donnent à ce mécanisme naturel, mais aussi la
croyance à l'identité personnelle, aux spectacles ou aux récits.
En dernière analyse, seule l'expérience
effectivement constituée de conjonctions constantes soutient la « certitude morale » (c'est-à-dire
expérimentale) de nos croyances les plus probables, que l'on peut considérer comme prouvées (mais non
démontrées) et opposer aux fictions de l'imagination, même quand ces dernières font l'objet de croyances
artificielles et douteuses.
Concept cardinal, la notion de croyance, entendue comme nommant un mécanisme
de transfert de vivacité, est donc une arme contre les superstitions et les folies.
Rien n'est jamais absolument établi.
»
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