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Le rôle et la nature de l'idée de droit naturel ?

Extrait du document

« I.

— Distinction du droit naturel et du droit écrit. Qui ne connaît ce beau dialogue de la tragédie d'Antigène ? Créon.

— Connaissais-tu la défense que j'avais fait publier ? Antigone.

— Je la connaissais.

Pouvais-je l'ignorer ? Elle était publique. Créon.

— Et pourtant tu as osé enfreindre cette loi ? Antigone.

— Ce n'était ni Jupiter, ni la justice, compagne des dieux, qui avaient publié une telle défense ; non, ils n'ont pas dicté aux hommes de semblables lois.

Je n'ai pas cru que tes ordres eussent assez de force pour que les lois non écrites, mais impérissables, émanées des dieux, dussent fléchir sous un mortel.

Ce n'est pas d'aujourd'hui, ce n'est pas d'hier qu'elles existent ; elles sont éternelles et personne ne sait quand elles ont pris naissance. On trouve déjà dans ce texte célèbre l'opposition du droit naturel et du droit écrit.

Opposition qui n'est pas purement verbale ou artificielle ; opposition toutefois de deux choses qu'il ne faut pas entièrement séparer : d'une part le droit positif no se suffit pas en effet à lui-même ; il a son fondement et son point d'appui dans le droit naturel ; d'autre part, celui-ci répugne à rester dans le domaine des abstractions, il tend à se réaliser, à se concrétiser, c'est-à-dire à se traduire dans les législations et dans les codes. Le droit naturel est donc le droit qui a sa source dans la conscience humaine, le droit antérieur et supérieur aux institutions, celui qui tient à des causes plus profondes que la volonté plus ou moins arbitraire, plus ou moins changeante, des législateurs. Les objets du droit naturel sont la vie, la légitime disposition de nous-même, de nos facultés physiques et morales, la propriété de nos oeuvres et du fruit de notre travail, l'inviolabilité et le droit au respect de notre personne. II.

— Deux conceptions opposées du droit. Les diverses théories du droit se ramènent à deux conceptions fondamentales manifestement opposées : La conception empirique, qui le fonde sur le besoin, ou sur l'utilité, ou même sur la force considérée comme le signe de la supériorité des races (théorie allemande) ; — et la conception rationaliste, qui fait du droit un idéal inviolable, qui ne peut être atteint par le démenti des faits, qui a sa source dans la dignité de la personne humaine et par delà la personne humaine dans le bien lui-même.

Dans cette théorie, le droit est le titre de la personne au respect.

La personne, c'est-à-dire l'être doué de volonté et de raison, doit être traitée « comme une fin et non comme un moyen » (Kant).

« Ce qu'on respecte dans l'être doué de volonté et de raison, dit M.

Fouillée, c'est moins ce qu'il est actuellement que ce qu'il peut être ; c'est le possible débordant l'actuel, l'idéal dominant la réalité...

Dans l'enfant on respecte l'homme, dans l'homme l'humanité.

Jusque dans la mauvaise volonté, on respecte la bonne volonté possible ». III.

— Raisons d'admettre la théorie idéaliste du droit. Cette théorie morale du droit doit être maintenue ; car comment les citoyens pourraient-ils invoquer contre les abus de la législation un droit naturel supérieur aux prescriptions législatives ? S'il n'y a pas de droit naturel, il n'y a pas lieu non plus de (poursuivre l'amélioration des lois existantes ; le jurisconsulte, comme dit M.

Planiol, n'a plus alors qu'à borner « son ambition à combiner des textes d'une manière presque automatique et à trouver des solutions sans prendre souci de leur valeur ». IV.

Rôle du droit naturel. Le droit naturel est donc l'idéal auquel tend à se conformer de plus en plus le droit positif.

Comme tel, le premier joue un rôle considérable dans l'histoire des sociétés humaines ; il est la condition du progrès social, du progrès législatif; il est la cause profonde des grands changements politiques. La force des institutions sociales, des coutumes séculaires est telle qu'il s'est trouvé toujours des gens pour défendre les abus : il s'est trouvé des philosophes pour défendre l'esclavage, et des jurisconsultes pour légitimer la torture.

Au nom de quel principe admettaient-ils des choses qui nous apparaissent aujourd'hui si odieuses ? Au nom de l'utilité sociale. Mais le droit est moral, il n'est pas utilitaire ; ou s'il l'est, c'est par surcroît.

Heureusement contre les esprits empiriques et utilitaires se dressèrent toujours dans tous les temps des consciences supérieures, éprises du mieux. Socrate, Platon, les stoïciens, Cicéron, ont défendu, dans l'antiquité, contre les sophistes et les épicuriens, cette conception idéaliste du droit, sans laquelle aucune amélioration ne serait possible.

Les jurisconsultes romains s'en sont inspirés, et cette doctrine a passé dans la philosophie française du xviiie siècle pour présider ensuite aux débats de l'Assemblée Constituante. Cette idée de droit naturel est donc une notion féconde, dont il faut maintenir la pureté ; elle ne pourrait devenir dangereuse que si les consciences modernes, trop éprises du droit, ne laissaient s'affaiblir en elles l'idée de devoir, qui est de nature à lui faire équilibre.. »

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