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Le mot d'humanité désigne-t-il une réalité susceptible d'être scientifiquement connue, ou seulement un idéal, ou plus simplement encore une fiction ?

Extrait du document

« Observation.

— L'ordre indiqué dans l'énoncé n'impose pas nécessairement un plan.

Si l'on veut démontrer que l'humanité est, en un certain sens, une réalité, il y aura avantage à intervertir l'ordre des trois termes. Position de la question.

Le mot humanité est un terme abstrait.

Comme pour tous les termes abstraits, on peut se demander ce qu'il désigne exactement. I.

L'humanité, fiction. A.

— On peut soutenir d'abord que ce terme ne recouvre aucune réalité : différents sont les individus, différents les peuples, les races, les civilisations.

« L'humanité » ne serait donc, selon cette manière de voir, qu'une pure et simple fiction. B.

— Nous aurons à discuter plus loin cette interprétation purement nominaliste.

Pour le moment, nous ferons seulement observer que c'est déjà reconnaître à une notion une certaine réalité que d'en faire une fiction ou, plus exactement, un mythe.

En fait, d'ailleurs, cette fiction qui consiste à considérer l'humanité, en dépit des différences auxquelles nous faisions allusion, comme une sorte d'unité organique, d'être qui se crée et vient peu à peu à l'existence, a exercé, à l'époque des « lumières » (CONDORCET, HERDER) et surtout à l'époque romantique, une influence considérable sur la pensée occidentale.

C'est surtout chez Pierre LEROUX (De l'humanité, 1840) que ce mythe prend toute son extension : « L'orgueilleux civilisé, écrit-il, croit savoir et sentir par lui-même.

Insensé! il n'a de connaissance et de sentiment que par l'humanité et pour l'humanité.

» Par delà les individus, il y a une vie progressive de l'humanité qui se continue en chacun de nous, tandis que nous nous continuons nous-mêmes dans l'humanité à venir : « Nous sommes non seulement les fils et la postérité de ceux qui ont déjà vécu, mais au fond et réellement ces générations antérieures elles-mêmes » (Ouv.

cité, livre V, chap.

XII).

Chaque homme est « un anneau dans la chaîne », et tous ces anneaux « se correspondent et se reproduisent au point d'être virtuellement impliqués les uns dans les autres » (Ibid., I, p.

275).

D'où une idée « de persistance et d'éternité de la vie, jointe à l'idée du changement de la forme » (Ibid., I, p.

415).

— Les Saint-Simoniens avaient déjà dit, auparavant : « L'humanité est un être collectif qui se développe; cet être a grandi de génération en génération, comme un seul homme grandit dans la succession des âges » (Doctr.

saint-simonienne, 2e séance, 31 déc.

1828).

— La thèse sera reprise par Auguste COMTE, qui en fera la « religion de l'Humanité ». Le culte de l'humanité : la dette des vivants envers les morts (COMTE) Mais si l'individu doit tout à ses contemporains, à ses concitoyens, la société actuelle doit tout, à son tour, aux générations qui l'ont précédée.

En termes de connaissances, de découvertes technologiques, d'héritage culturel, chaque génération est redevable à celles qui l'ont précédée.

La seule façon de s'acquitter, pour une bien modeste part, de cette dette, que ce soit pour l'individu ou pour la société tout entière, c'est de contribuer pour sa part et à la mesure de ses forces et de ses talents, à accroître le patrimoine de l'humanité. La société présente vit aux dépens des morts, et, en l'absence d'un Dieu dont l'homme a jadis pensé qu'il lui devait la vie, c'est désormais aux grands hommes du passé, et à travers eux, à l'humanité tout entière, qu'il convient de rendre culte et hommage.

Comte était habité par le projet d'ériger une « religion de l'humanité », l'humanité étant la seule divinité à qui l'individu ait lieu de rendre un culte, et d'imposer un nouveau calendrier dans lequel les saints traditionnels du catholicisme seraient remplacés par les grands hommes du passé (scientifiques, philosophes, grands hommes politiques du passé).

La philosophie de Comte proclame donc advenue l'ère de la raison dans tous les domaines de la connaissance et de l'existence.

De même que toutes les sciences viennent s'inscrire pacifiquement dans un grandiose système de la science, de même tous les individus sont appelés à venir prendre leur part à la vie sociale, unis les uns aux autres par le seul amour du prochain et par l'exigence de vivre les uns pour les autres.

Chacun étant redevable envers tous, il apporte sa pierre à l'édifice de l'humanité à la mesure de ses moyens, et contribue par là au progrès indéfini des sociétés humaines. Pour COMTE, l'humanité n'est pas une fiction; elle seule, au contraire, est réelle, et c'est l'individu isolé qui n'est qu'une abstraction.

L'humanité est une « immense et éternelle unité sociale » qui d'ailleurs « se compose de plus de morts que de vivants » et qui est à la fois solidaire et continue (Cours de Philos.

positive, VI, p.

810).

Cette unité constitue le « Grand-Être »; mais seuls font véritablement partie du Grand-Être les hommes qui ont contribué au développement des qualités proprement humaines, à l'exclusion de ceux qui ne furent pas « suffisamment assimilables » (Syst.

de Pol.

positive, I, p.

411).

— Rien ne montre mieux le caractère mythique de cette conception que cette restriction qui aboutit à exclure du « Grand-Être », c'est-à-dire de l'humanité, la majorité des humains. II.

L'humanité, idéal. A.

— Au lieu d'être une fiction ou un mythe, l'humanité peut être un idéal, ce qui est tout différent.

Cette conception est beaucoup plus proche du réel que la précédente.

Il ne s'agit plus de méconnaître les différences, voire les conflits qui opposent les différentes fractions de l'humanité.

Il s'agit de faire en sorte que ces différences s'atténuent, que ces conflits s'apaisent, de façon que l'humanité en vienne à constituer, sinon un être unique comme dans la conception précédente, du moins une sorte de fédération de nations ne rivalisant plus entre elles que pour des buts et avec des moyens pacifiques.

C'est cet idéal qui a inspiré la création des différentes organisations internationales, spécialement à la fin du XIXe siècle et dans la première moitié du XXe : « Il faudra. »

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