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Le langage peut-il seul garantir la communication entre les hommes ?

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« PREMIERE CORRECTION Au sens large, le langage apparaît comme un moyen d'expression et de communication, par l'usage de signes. Si la communication apparaît ainsi comme une des fonctions principales du langage, on peut néanmoins s'interroger sur le fait que le langage représente une condition suffisante pour la communication entre les hommes : suffit-il de posséder un langage pour communiquer, ou bien la communication requiert-elle d'autres conditions qui ne sont pas garanties par le langage ? La réponse à cette question dépend étroitement des conceptions respectives du langage et de la communication que l'on propose.

Si l'on définit le langage de manière très étroite, comme un système de signe, et la communication, à l'inverse, de manière ambitieuse, comme un véritable échange, il semble difficile de penser que le langage puisse suffire à garantir la communication.

Mais n'est-il pas possible de définir le langage non pas seulement comme système de signes, mais comme étant déjà une communication, en tant que le langage n'a de sens que si on l'adresse à autrui ? Après avoir vu que le langage permet de garantir la communication, nous verrons que la communication requiert plus que le langage en tant que système de signe.

On pourra alors réfléchir sur l'usage du langage qui permet le mieux d'établir un échange véritable entre les hommes. 1° Le langage garantit la communication au sens où il se définit d'emblée comme la communication d'un message Le linguiste Jakobson pense le langage à la fois à partir de sa définition comme système de signes, et à partir de la théorie de l'information et de la communication.

Il propose ainsi de définir la parole d'emblée comme prenant place dans une communication.

Elle requiert en effet cinq éléments : un message, qui est le contenu informatif, l'émetteur du message, le receveur du message, le thème du message et le code dans lequel il est mis en forme. Ces éléments constituent ainsi à la fois une définition de l'acte de parole et un schéma de la communication : on ne peut penser le langage comme système de signes indépendant de l'acte de parole qui le met en scène dans une communication, dans un échange de messages.

Si le linguiste doit ainsi étudier les conditions de la communication pour étudier la structure et les codes de langage, c'est qu'il part du principe que le langage en lui-même garantit, par le message qu'il véhicule, une communication entre un locuteur et un interlocuteur. 2° Le langage reste essentiellement un système de signes qui ne suffit pas à garantir la communication Nous sommes l'espèce parlante ; le langage –soit, dirait-on aujourd'hui, la faculté d'exprimer des pensées à l'aide de signes articulés- est le propre de l'homme, à tel point que cette possession exclusive suffit à le différencier essentiellement des bêtes. Cette thèse n'a rien que de très traditionnel.

Elle remonte au moins à Aristote, qui au livre I de ses « Politiques », immédiatement après avoir signalé que « l'homme est par nature un vivant politique », relève que « seul entre les vivants, l'homme a un langage » (ce dernier terme étant censé traduire le grec « logos »). Ces deux définition de l'homme sont naturellement indissociables.

La possession du langage par l'homme se marque en effet à ceci, tout d'abord, qu'il s'adresse à ses semblables, au milieu desquels il vit, et peut aussi voir son comportement modifié par leurs paroles.

Parler c'est « parler-à » (un autre que moi).

Avoir le langage, c'est aussi pouvoir être affecté par la parole de l'autre.

Cette manière proprement humaine de vivre que détermine la possession du langage serait donc impossible en dehors de la Cité. En même temps, l'existence politique, qui suppose la délibération en commun et la persuasion réciproque, la parole adressée en une langue partagée, n'est à la portée que du vivant parlant.

Certes, des bêtes peuvent trouver le moyen de signaler par des sons leurs sensations douloureuses ou agréables.

Mais, souligne Aristote, seuls les hommes, ces vivants qui contrairement aux autres se tiennent droit, regardent devant eux et émettent leur voix vers le devant, sont en mesure de se manifester mutuellement « l'avantageux et le nuisible, et par suite aussi le juste et l'injuste ».

Ce qui est proprement user de langage. L'esprit humain est capable de créer des signes conventionnels permettant de dire les choses.

Chaque langue découpe la réalité différemment. Le schéma de compréhension du langage et de la communication de Jakobson semble partir du présupposé que le langage est d'emblée un acte de parole, c'est-à-dire une action de s'adresser à autrui.

Cependant, on peut penser qu'il est tout à fait possible de comprendre le langage de manière plus restreinte, comme une composition de signes, qui ne vise pas nécessairement une communication.

Un délire, par exemple, peut être tenu dans un langage parfaitement clair formellement, mais dont le sens le rend inaccessible à toute compréhension par autrui, et donc à toute communication.

On peut ainsi penser qu'il convient de distinguer entre le langage en tant que tel, qui ne suffit pas à établir une communication, et l'usage du langage, qui permet de l'utiliser de manière à ce que mon interlocuteur soit en mesure de comprendre ce que je souhaite exprimer.

Cette perspective est défendue par le courant de la pragmatique, représenté notamment par Paul Grice.

Selon lui, communiquer ne requiert pas seulement de maîtriser un système de signes, mais d'en user selon le contexte.

Ainsi, la même phrase, dans deux contextes différents, peut être comprise au sens propre ou en un sens métaphorique : au sens strict, les signes linguistiques sont les mêmes, mais communiquer exige que je prenne en compte le contexte, qui est indépendant du langage, pour m'assurer que mon interlocuteur comprendra bien le sens que je lui donne.

Le langage en lui-même, selon cette perspective, ne suffit donc pas à garantir la communication, dans la mesure où cette dernière implique un minimum de saisie de la situation et de compréhension psychologique d'autrui, qui ne se trouvent pas en tant que telles dans le langage comme ensemble de signes, mais dans son usage, qui est appris socialement.. »

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