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Le langage n'est-il qu'un instrument ? ?

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« Directions de recherche 1 — Analyse de situations où le langage intervient pour son intérêt instrumental ou ustensilaire : la communication quotidienne et efficace (« Passemoi le sel »), les rapports de hiérarchie où des ordres circulent immédiatement...

(on peut emprunter partiellement au texte de Bergson ci-dessus). 2 — Mais les rapports entre le langage et le message sont plus subtils que ceux qui existeraient entre un contenu et un simple instrument de transmission de ce dernier : — la forme du message peut en modifier le sens (intonations, formes grammaticales plus ou moins banales ou recherchées, style : que devient une commande de charcuterie sussurée avec douceur et en alexandrins ?) ; — apprendre un mot de plus, c'est introduire une distinction supplémentaire dans le « réel » qui m'entoure (cf.

Mounin : la forêt n'est pas décrite, ou vécue au cours d'une promenade, de la même façon par un botaniste et par un enfant, parce que les mots opèrent un découpage du monde, et sa mise à notre portée) ; — c'est le langage qui forme la pensée, contrairement à ce qu'affirme volontiers l'opinion, toujours prête à admettre une pensée antérieure au langage, qui trouverait dans les mots un simple véhicule ou moyen d'extériorisation.

Cf.

Platon : la pensée intérieure comme dialogue avec soi-même, c'est-àdire circulation de langage dans un espace interne, ou Hegel, qui a bien montré que la « mise en mots » est le seul moyen de donner à la pensée une forme stricte et sérieuse.

Donc, pas d'antériorité de la pensée sur le langage ; bien plutôt (sur le plan biographique) celle de l'acquisition du langage sur la capacité de penser, et ensuite des relations dialectiques. 3 — Dans les fonctions du langage telles que les isolent les linguistes (cf.

Jakobson), la fonction poétique ou esthétique inverse le rapport ustensilaire entre signifiant et signifié : là où il y a littérature, ou poésie, la communication peut être suspendue, ou laisser place à l'énigme (Mallarmé). La fonction émotive ou expressive met l'accent sur les sentiments ou les émotions de l'émetteur : « Centrée sur le sujet, elle vise à une expression directe de l'attitude du sujet à l'égard de ce dont on parle.

» (R.

Jakobson, Essais de linguistique générale, Seuil, p.

214).

On note l'importance des interjections, marquées par des points d'exclamation : « Hélas ! je suis arrivé trop tard...

» ou « Super, tu as vu ce ciel bleu ! » La fonction impressive ou conative met l'accent sur le destinataire.

Le message exprime la volonté d'agir sur lui.

Il s'agit de le convaincre, de le persuader, de l'émouvoir ou de le commander : « Allez vite ! Dépêche-toi ! » « [Cette fonction] trouve son expression grammaticale la plus pure dans le vocatif et l'impératif.» [Op.

cit., p.

216).

Le vocatif, dans les langues à déclinaisons comme le latin, est le cas employé pour s'adresser directement à quelqu'un, ou à quelque chose.

En français, il est indiqué parfois par le «ô» : «ô jeunes gens ! quelle leçon ! Marchons avec candeur dans le sentier de la vertu ! » (Beaumarchais, La Mère coupable, V, 7). La fonction référentielle prédomine lorsque la situation ou la réalité désignée par le message est l'élément essentiel de l'acte de communication. Ainsi, lorsque je dis : « le train est en retard », je me contente de transmettre une information sur une situation.

C'est cette information qui est au coeur de mon message.

Le reste passe au second plan. La fonction phatique consiste à mettre l'accent sur le canal de la communication, sur l'établissement matériel du contact de la communication.

Il s'agit de s'assurer que le message est bien reçu, que la communication n'a pas été interrompue.

Cette fonction s'exprime par des interjections, par des expressions sans contenu précis : «Allô», «heu», «hein».

« Il y a des messages qui servent essentiellement à vérifier si le circuit fonctionne [«Allô, vous m'entendez ?»), à attirer l'attention de l'interlocuteur ou à s'assurer qu'elle ne se relâche pas («Dites, vous m'écoutez ?» ou en style shakespearien : « Prêtez-moi l'oreille ! » - et à l'autre bout du fil : « hm hm !») [Op.

cit., p.

219). La fonction métalinguistique est cette capacité du langage à se questionner lui-même.

« Chaque fois que le destinateur et/ou le destinataire jugent nécessaire de vérifier s'ils utilisent bien le même code, le discours est centré sur le code : il remplit une fonction métalinguistique (ou de glose).

«Je ne vous suis pas - que voulez-vous dire?» demande l'auditeur, ou, dans un style plus relevé : « Qu'est-ce à dire ? » Et le locuteur par anticipation s'enquiert : « Comprenez-vous ce que je veux dire ?» [Op.

cit., p.

217-218) La fonction poétique intervient lorsque la valeur rythmique, sonore ou visuelle du message (la face signifiante) devient aussi importante, voire plus importante que le contenu du message (la face signifiée) : « Quel pur travail de fins éclairs consume / Maint diamant d'imperceptible écume.

» (Paul Valéry).

Elle n'est pas à l'oeuvre seulement en poésie, mais aussi dans les slogans publicitaires, dans les jeux de mots et les tournures populaires : par exemple, le slogan d'une chaîne de supermarchés « Atac attaque les prix.

» Dans ce cas, il n'y a plus, à strictement parler, d'intention de dire (cf.

Robbe-Grillet : « le véritable écrivain est celui qui n'a rien à dire »), mais il y a recherche sur des formes nouvelles, et c'est à partir de ces formes, de ces dispositions inattendues d'éléments du langage commun, que de nouveaux sens pourront se former éventuellement.

Au lieu de demeurer un instrument de communication, le langage devient pour l'écrivain un matériau à travailler en lui-même, au même titre que le marbre pour le sculpteur ou la couleur pour le peintre (cf.

Barthes : différence entre l'écrivain et l'écrivant). On peut donc démontrer aisément que le caractère instrumental n'est qu'un aspect du langage, et pas nécessairement le plus fécond, même s'il est statistiquement le plus fréquent ou le plus immédiatement utile. Lire en complément le texte de Sartre, dans le chapitre sur L'art et le texte de Merleau-Ponty proposé en document pour le même sujet.. »

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