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Le bonheur est-il de ce monde ?

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« Définition des termes du sujet : Le bonheur a reçu plusieurs définitions philosophiques différentes, mais toutes contiennent l'idée d'une satisfaction profonde et durable, qui doit être à l'abri des accidents, des fluctuations de la vie.

Il s'agit ici de se demander à quelles conditions cette stabilité du bonheur est possible, et si, en particulier, elle est possible dans « ce monde », dans le monde terrestre, humain, touché par l'accident. Quel est le lieu du bonheur ? Quel est le lieu où il peut exister pleinement ? Chacun aspire à être heureux, mais cela est-il simplement possible dans le monde dans lequel on vit, dans lequel les événements malheureux peuvent s'imposer à nous à tout moment ? Deux possibilités : ou bien on considère que le seul monde existant est le nôtre, monde terrestre, et que le bonheur est possible à condition d'y travailler toute sa vie durant, de s'efforcer soi-même d'atteindre le bonheur.

A quelles conditions cela serait-il possible ? A condition, par exemple, de ne pas s'attacher à des choses futiles ou volatiles, que l'on considère à tort comme des biens (l'argent, les honneurs), et de travailler à s'attacher à des biens véritables (vivre selon la vertu, par exemple).

De nombreux courants philosophiques antiques (stoïciens, épicuriens, cyniques) ont travaillé dans cette direction. Ou bien on considère qu'il existe un autre monde, un monde divin, et que ce monde est le véritable et l'unique lieu du bonheur.

Par exemple, pour la pensée chrétienne, le monde terrestre est lieu de peines (et les bonheurs que l'on peut y connaître sont faibles, voire illusoires), et le monde divin est le véritable lieu du bonheur.

Alors la valeur du bonheur terrestre est amoindrie, et l'existence terrestre est avant tout dirigée vers son terme et son au-delà.

Mais alors, comment se rapporter à notre vie terrestre ? Faut-il considérer qu'elle n'est qu'un moment d'attente, de passage ? Ou faut-il considérer qu'un bonheur, certes faible, mais bonheur tout de même, est concevable en ce monde ? Textes à utiliser : Épicure, Lettre à Ménécée.

Épicure propose un certain usage, bien réglé, des plaisirs, et considère que le bonheur consiste dans cet usage.

Le bonheur est alors possible dans la vie humaine, dans le monde humain. Ces plaisirs sont choisis pour leur constance et pour la prise que l'homme peut avoir sur eux s'il s'exerce bien – il ne faut prendre les épicuriens pour des philosophes qui courent après les plaisirs, vains selon eux, des sens et de la chair, mais pour des sages qui trouvent un plaisir réel et profond dans l'exercice des vertus. « Et c'est pour cette raison que nous disons que le plaisir est le principe et la fin de la vie bienheureuse.

Car c'est le plaisir que nous avons reçu comme bien premier et congénital, et c'est à partir de lui que nous commençons à choisir et à refuser, et c'est à lui que nous aboutissons, en jugeant tout bien d'après l'affection prise comme règle. Et parce que c'est là le bien premier et conaturel, pour cette raison nous choisissons tout plaisir, mais il y a des cas où nous passons par-dessus de nombreux plaisirs, chaque fois qu'un désagrément plus grand résulte pour nous de ces plaisirs ; et nous pensons que bien des douleurs sont préférables à des plaisirs, lorsqu'un plus grand plaisir s'ensuit pour nous, après avoir longtemps supporté les douleurs.

» Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs, 2ème section. « Le concept du bonheur est un concept si indéterminé, que, malgré le désir qu'a tout homme d'arriver à être heureux, personne ne peut jamais dire en termes précis et cohérents ce que véritablement il désire et il veut.

La raison en est que tous les éléments qui font partie du concept du bonheur sont dans leur ensemble empiriques, c'est-à-dire qu'ils doivent être empruntés à l'expérience, et que cependant pour l'idée du bonheur, un tout absolu, un maximum de bien-être dans mon état présent et dans toute ma condition future, est nécessaire.

Or il est impossible qu'un être fini, si perspicace et en même temps si puissant qu'on le suppose, se fasse un concept déterminé de ce qu'il veut ici véritablement.

Veut-il la richesse ? Que de soucis, que d'envie, que de pièges ne peut-il pas par là attirer sur sa tête ! Veut-il beaucoup de connaissance et de lumières ? Peut-être cela ne fera-t-il que lui donner un regard plus pénétrant pour lui représenter d'une manière d'autant plus terrible les maux qui jusqu'à présent se dérobent encore à sa vue et qui sont pourtant inévitables, ou bien que charger de plus de besoins encore ses désirs qu'il a déjà bien assez de peine à satisfaire.

Veut-il une longue vie ? Qui lui répond que ce ne serait pas une longue souffrance ? Veut-il du moins la santé ? Que de fois l'indisposition du corps a détourné d'excès où aurait fait tomber une santé parfaite, etc.

! Bref, il est incapable de déterminer avec une entière certitude d'après quelque principe ce qui le rendrait véritablement heureux : pour cela il lui faudrait l'omniscience. [...] Il suit de là que les impératifs de la prudence, à parler exactement, ne peuvent commander en rien, c'est-àdire représenter des actions d'une manière objective comme pratiquement nécessaires, qu'il faut les tenir plutôt pour des conseils que pour des commandements de la raison; le problème qui consiste à déterminer d'une façon sûre et générale quelle action peut favoriser le bonheur d'un être raisonnable est un problème tout à fait insoluble; il n'y a donc pas à cet égard d'impératif qui puisse commander, au sens strict du mot, de faire ce qui rend heureux, parce que le bonheur est un idéal, non de la raison, mais de l'imagination, fondé uniquement sur des principes empiriques, dont on attendrait vainement qu'ils puissent déterminer une action par laquelle serait atteinte la totalité d'une série de conséquences en réalité infinie.

». »

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