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L'artificialisation de la nature

Publié le 11/10/2022

Extrait du document

« L’homme et la technique sont aujourd’hui indissociables.

Les progrès de la technique ont été fulgurants et l’homme a considérablement amélioré ses conditions de vie grâce à l’art.

De fait, son rapport au monde en a été bouleversé.

Aujourd’hui, comment la nature, au lieu d’être considérée comme un principe, devient-elle une construction humaine ? Cela s’explique tout d’abord par l’abandon d’une philosophie de la nature pour une science de la nature qui amène l’homme à se voir lui-même au travers ses créations.

Cette nouvelle approche et ces multiples créations vont faire de la nature un produit entièrement construit. Descartes est matérialiste.

C’est une doctrine philosophique selon laquelle tout est composé de matière, la notion de vide est exclue.

La nature ne serait alors que matière « Supposons que Dieu crée de nouveau tout autour de nous tant de matière, que, de quelque côté que notre imagination se puisse étendre, elle n’y aperçoive plus aucun lieu qui soit vide.», et sa conception est mécanique “Je suppose que le corps n’est autre chose qu’une statue ou machine de terre”. Avec un raisonnement par analogie, il montre une différence de degré non pas une différence de nature entre les œuvres de l’art et les œuvres de la nature “je ne reconnais aucune différence entre les machines que font les artisans et les divers corps que la nature seule compose”.

Les machines que les artisans font imitent la mécanique des corps naturels. Ainsi la fonction découle de la structure matérielle de l’objet sans qu’il soit nécessaire de faire intervenir une forme substantielle.

” Les fonctions suivent toutes naturellement, en cette machine, de la seule disposition des organes, ni plus ni moins que font les mouvements d’une horloge, ou autre automate, de celle de ces contrepoids et de ces roues ; en sorte qu’il ne faut point à leur occasion concevoir en elle aucune autre âme végétative, ni sensitive, ni aucun autre principe de mouvement et de vie.” De fait, Descartes rejette totalement la vision aristotélicienne de la nature et la notion de forme substantielle en ne gardant que la matière. Cela marque une rupture avec la philosophie de la nature ancienne, il n’y a plus de différence formelle entre les machines créées par l’homme et les corps naturels.

La nature n’a pas besoin d’une considération philosophique spéculative pour être connue mais plutôt d’une considération scientifique. Cela implique un passage d’un idéal de contemplation à une méthode fondée sur la démarche expérimentale.

La technique est la condition de la science pour réaliser cette méthode expérimentale.

“Elle en est la condition, parce qu’un élargissement et un approfondissement de la science ne peuvent souvent se produire que par un perfectionnement des moyens d’observation ” comme l’affirme Heisenberg, elle en est le moyen car nous avons besoin d’instruments techniques précis pour mettre en oeuvre la science expérimentale mais aussi la conséquence. Hanna Arendt introduit la notion de “l’homo faber” c’est à dire l’homme qui fait.

La dimensions pratique de l’homme est prédominante aujourd’hui et c’est elle qui permet au monde d’avancer “Ce n’était pas la raison qui réellement changeait la vision du monde physique, c’était un instrument fait de main d’homme, le télescope ; ce n’était pas la contemplation, l’observation, ni la spéculation qui conduisaient au nouveau savoir : c’était l’intervention active de l’homo faber, du faire, de la fabrication.” Dans cet autre passage, elle parle bien l’inversion de la contemplation “L’expérience fondamentale à l’origine de l’inversion de la contemplation et de l’action fut précisément que l’homme ne put apaiser sa 1 soif de connaître qu’après avoir mis sa confiance dans l’ingéniosité de ses mains”, au profit de la pratique, la main étant le premier outil de l’homme. Ce passage de la philosophie de la nature à la science de la nature change la finalité de la nature.

En effet, cette vision mécanique du corps pousse Descartes à s’intéresser à la médecine car il pense que le corps peut être réparé.

« La conservation de la santé a été de tout temps le principal but de mes études » La nature est alors considérée d’un point de vue pratique car la démarche expérimentale a pour but l’amélioration de la santé, finalité pratique qui n’est pas celle de la connaissance spéculative, théorique et contemplative.

On recherche une certaine efficacité.

C’est ce manque d’efficacité que reproche Descartes à la connaissance dans sa Lettre à Mersenne “faisant moi-même la dissection de divers animaux.

C’est un exercice où je me suis souvent occupé depuis onze ans, et je crois qu’il n’y a guère de médecin qui y a regardé de si près que moi.

[...].

Mais je n’en sais pas encore tant pour cela, que je puisse seulement guérir une fièvre.” Connaître le corps ne suffit pas à soigner les maux, c’est insuffisant pour guérir. Cette nouvelle conception de la nature qui privilégie l’agir et la démarche expérimentale fait que l’homme se retrouve face à lui-même de manière générale.

“pour la première fois au cours de l’histoire, l’homme se trouve seul avec lui-même sur cette terre, sans partenaire, ni adversaire.[...] Dans le passé, l’homme était menacé par les bêtes sauvages, les maladies, la faim, le froid et autres forces naturelles, et dans cette lutte chaque amélioration technique signifiait un renforcement de la position de l’homme”.

Heisenberg explique qu’avant l’homme luttait contre la nature pour sa survie car elle représentait constamment une menace potentielle et il n’avait pas les outils techniques actuels pour la dépasser et se hisser au-dessus d’elle.

Aujourd’hui l’homme se fait face au niveau anthropocentrique, car nul autre espèce n’est à son niveau.

Il est seul en haut de l'échelle avec ses semblables.

Maintenant il a les capacités à modeler la nature par la maîtrise qu’il en a.

Le monde n’est plus une expérience extérieure à lui-même, d’altérité.

Quand il s’y confronte, il se confronte à lui-même car elle devient son œuvre propre.

De cette manière, il devient alors sa propre menace.

Avec l’art, l’homme transforme la nature et la rend plus conforme à l’esprit humain. Mais l’idée de l’homme face à lui-même est repris dans un sens plus individuel par Hannah Arendt dans ce passage “Une tendance persistante de la philosophie moderne depuis Descartes, sa contribution la plus originale peut-être à la philosophie, est le souci exclusif du moi, par opposition à l’âme, à la personne, à l’homme en général” On se situe plutôt dans la sphère individuelle.

En effet, par les instruments dont je dispose, je façonne quelque chose qui me ressemble, que ce soit au niveau de l’espèce toute entière ou que ce soit au niveau de mon individualité.

Nous ne sommes plus dans une perspective de l’art qui imite la nature mais plutôt dans celle de la nature qui imite l’art.

L’art est l’acte de création de l’homme, qu’il fait à son image.

Cette image est comme un miroir dans lequel il se contemple en permanence et amène à une société égocentrique et individualiste. Ce changement a des conséquences sur l’homme au niveau du corps.

Il se voit sous un nouveau jour, Vésale retranscrit cette idée avec la planche d’un “squelette qui paraît scruter cette autre face.

Comme si l’homme voulait s’étudier lui-même.” repris dans le texte de François Jacob qui fait référence à l’ouvrage de Vésale De Humani Corporis Fabrica.

Ce qui compte dans ce texte c’est la représentation concrète que l’homme se fait de lui-même en tant que corps qui a l’architecture d’une machine.

Il reprend la conception de Descartes 2 de l’organisation mécanique du corps.

Vésale est un des premiers à théoriser les choses de manière systématique “Pour la première fois, le corps [...] est représenté dans une série de planches où l’art du peintre s’allie au savoir du médecin pour détailler.... »

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