L'absurde ?
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«
Problème : l'absurde, ce qui n'a pas de sens, peut-il être un concept régulateur de l'action ?
1.
Nature : l'absurde désigne ce qui n'a pas de sens.
Concepts, exemples et illustrations de l'absurde : la vie ne se ramène-t-elle pas à un « vouloir-vivre » aveugle et
sans finalité (Schopenhauer) ? N'est-elle pas gratuité pure ouvrant à la « Nausée » (Sartre) ?
2.
Existence : l'absurde est une donnée fondamentale de l'existence humaine.
Ce divorce entre l'homme et le monde
caractérise la réalité concrète.
L'absurde existe comme relation entre le sujet et l'univers (cf.
Camus : l'absurde est
un divorce entre l'homme et le monde).
Exemple : cf.
Sartre; les existants apparaissent, se laissent rencontrer, mais on ne peut jamais les déduire.
Donc
l'absurde existe dans le réel, et dans le rapport du réel au monde.
3.
Valeur : l'absurde conduit à l'action et à la révolte.
Donc sa valeur est immense, puisqu'il s'intègre dans l'itinéraire
où se forge l'humanité.
Parce que l'homme existe dans l'absurde, il est édificateur de sa vie.
« N'aspire pas, ô mon âme, à la vie éternelle, mais épuise le champ du possible » (Pindare).
Conclusion et solution du problème : l'absurde est un concept régulateur et même édificateur de l'action.
La liberté
dans l'absurde est une réponse apportée au problème de l'action.
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INTRODUCTION
Ce n'est pas sans quelque surprise que l'on entend parler aujourd'hui d'une « philosophie de l'absurde ».
Le propre de
la philosophie, en effet, est d'être un effort constant pour comprendre l'homme et le monde, tandis que l'absurde est
ce qui va contre la raison, ce que nous ne pouvons comprendre.
Ainsi l'idée même d'une philosophie de l'absurde
nous/paraît d'abord absurde.
Mais peut-être cela tient-il à une idée trop sommaire que nous nous faisons de
l'absurde ; une analyse de la notion devrait nous conduire à saisir mieux sa portée philosophique.
I.
QU'EST-CE QUE L'ABSURDE ?
— A — Du faux absurde à l'absurde authentique.
Le contraire de l'absurde, selon les dictionnaires, c'est le sensé, le
raisonnable, le logique.
Il y a des êtres absurdes et des êtres sensés, des propositions absurdes et des propositions
raisonnables, des raisonnements absurdes et des raisonnements logiques.
Est absurde tout ce qui choque le bon
sens.
Mais le bon sens est un curieux mélange de préjugés et de principes rationnels.
Nous considérons aisément
comme contraire au bon sens ce qui ne s'accorde pas avec notre expérience familière.
Il est bien évident que
l'absurdité ainsi définie est variable d'un lieu à l'autre et d'un moment à l'autre.
Ce n'est qu'une absurdité relative,
c'est-à-dire une fausse absurdité.
Car au fond j'ai tort de juger absurde ce qui m'est étranger.
Que l'étranger me
paraisse étrange, cela est naturel ; tout ce qui n'est pas conforme à nos habitudes nous inquiète.
Mais quand je
qualifie l'étrange d'absurde, je me fais le centre de l'univers et le juge suprême, en attribuant aux êtres ou aux
choses des qualités qui n'ont de sens que par rapport à moi.
Et c'est moi qui déraisonne quand je juge déraisonnable
en soi ce qui ne me paraît tel que par le fait des conditions particulières dans lesquelles je me trouve.
— B — Analyse d'exemples.
Ainsi l'absurde n'est pas seulement ce qui choque mon bon sens ; c'est ce qui choque
la Raison, c'est-à-dire le bon sens universel.
Pour qu'un être ou un discours soient véritablement absurdes, il faut
qu'ils paraissent tels à tout esprit qui juge selon la raison et non selon ses coutumes.
Qu'est-ce alors que l'absurde ?
L'absurde n'est pas le faux : on dit d'un élève qu'il fait une réponse absurde, non point lorsque sa réponse est
fausse, mais lorsqu'elle est mal ajustée à la question posée.
De même on dit d'un être qu'il est absurde ou que sa
conduite est absurde lorsque ses actes sont en désaccord avec la fin qu'il poursuit : ainsi Gribouille est absurde
lorsqu'il se jette à l'eau pour ne pas être mouillé par la pluie.
C'est encore de la même façon qu'un raisonnement est
absurde, quand les conséquences s'accordent mal aux principes, comme, par exemple, si je dis : Tous les hommes
sont mortels ; or Sacrale est un homme ; donc Socrate est un philosophe.
Chacune des propositions prise en ellemême, dans cet exemple, est valable ; ce qui est absurde, c'est le « donc ».
On voit que l'absurdité consiste en un
lien mal établi, et cela est encore vrai même lorsque le lien n'est pas explicitement formulé mais seulement suggéré,
comme dans ce discours que le fou tient au peintre : « Tiens bien ton pinceau ; j'enlève l'échelle.
»
— C — Définition.
Ainsi l'absurdité naît d'un rapport faussement établi entre deux termes.
Mais il s'agit d'une
fausseté formelle et non réelle.
Ce n'est pas le désaccord avec l'expérience qui fait l'absurdité, c'est le désaccord
avec la raison elle-même.
Est absurde ce qui n'est pas conforme aux principes rationnels.
Penser consiste toujours à
juger, c'est-à-dire à établir des rapports et la raison ne peut concevoir qu'un certain nombre de rapports : rapports
d'identité, de principe à conséquence, de substance à accident, de cause à effet.
Tout ce qui n'entre pas dans ces
cadres est absurde.
Les Bororos sont absurdes quand ils affirment qu'ils sont des araras, c'est-à-dire des perroquets
; il est absurde de prouver que Socrate est philosophe parce qu'il est un homme mortel ; il est absurde de parler
avec Lewis Carrol du sourire qui reste du chat quand le chat est parti ; Gribouille est absurde parce qu'il ne voit pas
que son acte aura des effets contraires à ceux qu'il en attend.
Mais la raison ne se contente pas d'établir des.
»
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