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La science positive est-elle capable de donner une réponse valable au problème de la destinée humaine

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« Tandis que la science encore au berceau prétendait édifier une représentation du monde en raisonnant à partir d'observations élémentaires, c'est par des observations précises et par des expériences méthodiques que la science parvenue à l'âge adulte cherche à connaître le réel : de déductive, elle est devenue inductive ; de rationnelle, positive. Ce souci de positivité ne s'est pas cantonné dans l'étude de la matière brute : il a envahi les recherches consacrées à l'homme et la psychologie s'est pliée à la méthode des laboratoires.

Bien plus, à l'époque où un grand nombre d'esprits perdaient leurs croyances religieuses, fondement jusque-là de notre civilisation morale, de nombreux penseurs ont espéré que la science positive pourrait avantageusement prendre la place de la religion et de la métaphysique.

C'est elle qui apprendrait à l'homme le sens de la vie et lui fixerait le but à atteindre. Peut-on admettre cette conception ? La science positive est-elle capable de donner une réponse au problème de la destinée humaine ? Rappelons d'abord, à titre d'exemple, l'une ou l'autre de ces théories philosophiques qui prétendent résoudre le problème de la destinée en se fondant sur quelque science positive. Bien avant qu'on parle de science positive, par exemple au temps d'Épicure et d'Aristippe de Cyrène, c'est bien en définitive à une ébauche de science positive que les philosophes qu'on appelle empiristes demandaient la solution problème fondamental de la morale.

Vous voulez connaître la destinée de l'homme ? Rien de plus facile : observez-le, regardez où il tend, ce qu'il cherche incoerciblement.

Ainsi, c'est la psychologie, science positive, qui est chargée de résoudre le problème de la destinée humaine. Mais, pour la science moderne, l'homme n'est pas, ainsi qu'on l'avait cru pendant longtemps en se fondant sur le récit de la Genèse, un être miraculeusement installé dans un monde essentiellement différent de lui.

Il est le résultat d'une poussée évolutive qui traverse le monde vivant et même celui de la matière brute.

Aussi, pour connaître la destinée de l'homme c'est la nature entière qu'il faut interroger.

Il faut en particulier se pencher sur la longue histoire de la vie, observer d'où elle vient et déterminer où elle va ; du même coup, nous déterminerons la destinée du dernier vivant apparu sur terre, l'homme.

Or, une des conclusions de la biologie positive moderne est le progrès des organismes grâce à la sélection naturelle, la lutte pour la vie éliminant le malvenu, tandis que triomphe le type qui constitue une heureuse réussite.

La nature nous indique donc le sens de la vie humaine comme de la vie en général : elle tend vers la plus grande humanisation de l'espèce humaine ou, comme dit Nietzsche, à l'avènement du surhomme. Qu'est-ce que le Surhomme ? Le Surhomme est une forme d'humanité supérieure qui laisse parler en lui la totalité des instincts, et précisément ceux-là mêmes que la Culture christianisée a étouffés parce qu'ils étaient des formes de la volonté de puissance, « ce qu'il y a de pire » en l'homme : égoïsme, instinct de domination, sexualité.

Mais il convient ici de souligner un point important. L'homme est de toute façon un être de culture.

Il n'est donc en aucun cas possible de retourner au moment où les Barbares étaient encore indemnes des effets de la volonté de puissance de leurs esclaves, moment fondateur de la culture.

Les instincts doivent être libérés pour être spiritualisés : « L'homme supérieur serait celui qui aurait la plus grande multiplicité d'instincts, aussi intenses qu'on peut les tolérer.

En effet, où la plante humaine se montre vigoureuse, on trouve les instincts puissamment en lutte les uns contre les autres...

mais dominés.

» Ce surhomme parvient à la connaissance véridique de l'humanité, qui est la connaissance « tragique » qui a été décrite précédemment.

Il se réalise dans les seules issues que Nietzsche a réservées : celle de l'art, qui est une fiction connue comme telle, ou celle de la connaissance intellectuelle.

Il réalise ainsi le sens de l'humanité même, car il est celui qui adhère à la doctrine de l'Éternel Retour et qui donc est le sommet de la volonté de puissance. D'un autre point de vue, bien que ses racines plongent dans le monde matériel et même qu'il soit intégré en lui, l'homme s'élève au-dessus de ce monde et s'en rend indépendant dans la mesure où il pense et réfléchit.

Mais s'il pense et réfléchit, n'est-ce pas parce qu'il est inséré dans un monde moral à la vie spirituelle duquel il participe ? C'est du moins la théorie de l'École sociologique française d'après laquelle tout ce qu'il y a de spécifiquement humain en nous n'est qu'une participation à la vie de la société dont nous faisons partie.

Par suite, pour connaître la destinée de l'homme, nous n'avons qu'à étudier la science positive des sociétés, la sociologie : c'est le sens de l'évolution de groupements humains qui nous apprendra le sens de notre propre vie. Peut-on ainsi compter sur quelqu'une des sciences positives ou sur la science positive prise dans son ensemble pour résoudre le problème de notre destinée ? Certes, la solution de ce problème nécessite une certaine science positive : avant de déterminer où va l'homme, vers quel idéal il doit tendre, il faut d'abord savoir ce qu'il est en lui-même et dans quel milieu il se trouve plongé : le moraliste est nécessairement psychologue et il lui est utile d'avoir quelques lumières sur les sciences de la nature et dans le domaine de la sociologie. Mais la science positive ne saurait suffire à fournir la réponse au problème de la destinée.

En effet, elle ne nous fait. »

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