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La reconnaissance d'autrui passe-t-elle nécessairement par le conflit ?

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« Finalement, autrui me ressemble beaucoup, et ce qui fait qu'il n'est pas tout à fait moi relève de sa liberté de choix. Que puis-je faire face à cette liberté ? Pour exister comme un sujet à part entière (libre, désirant, percevant, etc.) dans le regard d'autrui, il me faut l'affronter, entrer en conflit avec lui.

En effet, sans autrui, je ne suis pas encore tout à fait moi.

Parce que l'homme est un être dans le monde, il est également un être parmi les autres hommes. Son identité ne se réalise donc qu'en contact avec les autres hommes et implique la reconnaissance d'autrui.

C'est ce qu'illustre la célèbre « dialectique du maître et du serviteur » de Hegel (Propédeutique philosophique).

Pour Hegel, être reconnu comme libre est le seul moyen de se faire valoir comme libre ; en somme, il faut faire en sorte que l'autre nous pense comme libre.

Pourquoi autrui doit-il me reconnaître comme libre pour que je le sois vraiment ? Pour Hegel, le véritable désir de toute conscience est d'être reconnue par autrui, par une autre conscience.

La conscience ne prend consistance, ne se constitue que dans la rencontre avec une autre conscience qui lui résiste, puis la reconnaît.

Comment s'effectue la reconnaissance ? En s'imposant à autrui par le biais du conflit, dont la relation maître/serviteur est un modèle.

Pour Hegel, toute relation humaine est basée sur cette relation conflictuelle, une lutte des consciences pour s'imposer l'une à l'autre qui aboutit à la domination de l'une sur l'autre. Cependant, le rapport des consciences doit-il nécessairement être conflictuel ? Ne pourrions-nous pas envisager des modalités de reconnaissance pacifiques ? La relation fondamentale avec autrui est-elle l'imitation, la sympathie, ou le conflit ? Selon Husserl, dans la cinquième Méditation cartésienne, autrui est un alter ego.

Autrement dit, il est autre que moi, mais, dans le monde entier, il est le seul type d'être auquel je prête quelque chose comme un moi.

Ce rapport appelle-t-il des relations d'imitation, de sympathie, de conflit ? Les trois sont des modes possibles de relations avec autrui.

Le sujet présuppose qu'il y en a un fondamental.

Par l'imitation, je fais comme l'autre (je le mets en moi) ; par la sympathie, je me mets à sa place pour le capter de l'intérieur (je me mets en lui) ; par le conflit, je m'oppose à lui.

Une première question serait : en quoi ces possibles relations sont- elles liées à autrui ? Dès qu'un autre apparaît, il y a comme une rivalité pour le statut de "moi" ou de sujet, et donc le conflit apparaît.

C'est ce qui légitime Sartre à dire, dans L'être et le néant, que le conflit est le mode fondamental de la relation à l'autre.

Pour Freud et Lacan, l'individu ne peut se construire que par imitation d'autrui.

Quant à la sympathie, Rousseau, dans le Discours sur l'origine de l'inégalité, y voit, sous le nom de pitié, une des deux instincts de l'homme de l'état de nature : amour de soi, par lequel il se préserve, et pitié, par laquelle il se met en imagination dans l'autre et peut éprouver en partie ce que l'autre éprouve, grâce à son imagination.

Si l'autre est un "alter ego", en tant qu'il est un "ego", je peux me mettre à cette place d'ego, et donc "souffrir avec" (c'est l'étymologie de "sympathie" — sum-patheia) lui.

Une de ces attitudes est-elle plus fondamentale, les autres en découlant ? Ou, dans la mesure où toutes découlent de l'essence même de ce qu'est "autrui", toutes ne sont-elles pas aussi fondamentales les unes que les autres ? Le rapport avec autrui est-il fondé sur le conflit ? Comment le rapport à autrui pourrait-il être fondé sur le conflit ? Ne serait-ce pas la négation de tout rapport, et la négation du droit, d'une nature sociale de l'homme ? Ou le droit n'a-t-il été une nécessité que pour dépasser ce fondement conflictuel ? Le conflit est-il au fondement de tout rapport à autrui ? Cela suppose que le conflit est premier et indépassable comme horizon, même si dans tel ou tel cas particulier le rapport conflictuel peut être moins apparent.

(L'amitié est un rapport à autrui.

Est-ce qu'elle suppose comme fondement un rapport conflictuel ?) Quel peut-être ce conflit "originaire" ? Est-ce qu'on peut simplement le déduire du fait que chacun a des intérêts particuliers ? Mais, dans ce cas, ce qui est au fondement, c'est notre intérêt personnel, mais pas le conflit.

On peut très bien imaginer que nos intérêts finissent par converger.

Donc comment définir le conflit de manière plus fondamentale ? Sartre, dans L'Être et le Néant ("Les relations concrètes avec autrui"), construit cette idée de conflit en expliquant que le sujet est à la fois sujet et objet, sujet quand il regarde l'autre, mais aussi objet pour le regard de l'autre, et que c'est cette dimension qui est originairement conflictuelle (soit sujet de mon regard, soit objet pour le regard d'autrui comme dans l'expérience de la honte, mais jamais les deux à la fois : être vu par l'autre comme sujet libre et non comme objet, c'est ce qui est impossible). Les rapports avec les autres sont-ils nécessairement de l'ordre du conflit ? Se demander si les rapports avec les autres sont nécessairement de l'ordre du conflit peut surprendre.

Que la circonstance soit possible, cela s'admet.

Qu'elle soit nécessaire, cela semble excessif: la vie avec les autres n'est pas un perpétuel affrontement.

Quel est dès lors le sens d'une telle question ? Peut-être faut-il chercher du côté du concept d'autrui, thème sous-jacent à quoi se rattachent "l'autre" ou "les autres".

Ainsi verrons-nous que si la. »

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