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La réalité peut-elle exister en dehors de l'esprit ?

Extrait du document

« [Rien n'est plus évident que l'existence en dehors de moi d'une réalité qui s'étale sous mes yeux dans l'espace et dans le temps.

Je suis environné de choses et d'êtres dont la réelle existence ne fait aucun doute.] Seuls les fous doutent de la réalité du monde Parce qu'il nous arrive quelquefois d'être trompés par nos sens, nous pouvons, bien sûr, choisir de ne plus leur accorder notre créance et douter de la vérité et de la pertinence de leur témoignage.

Mais ne faut-il pas avoir perdu la raison pour affirmer que le monde est une fiction ? «Mais quoi, ce sont des fous», s'exclame Descartes à propos de ceux qui s'imaginent être des cruches ou avoir un corps de verre... Texte : Descartes, Discours de la Méthode Tout ce que j'ai reçu jusqu'à présent pour le plus vrai et assuré, je l'ai appris des sens, ou par les sens; or j'ai quelquefois éprouvé que ces sens étaient trompeurs, et il est de la prudence de ne se fier jamais entièrement à ceux qui nous ont une fois trompés. Mais, encore que les sens nous trompent quelquefois touchant les choses peu sensibles et fort éloignées, il s'en rencontre peut-être beaucoup d'autres desquelles on ne peut pas raisonnablement douter, quoique nous les connaissions par leur moyen : par exemple, que je sois ici, assis auprès du feu, vêtu d'une robe de chambre, ayant ce papier entre les mains, et autres choses de cette nature.

Et comment est-ce que je pourrais nier que ces mains et ce corps-ci soient à moi ? si ce n'est peut-être que je me compare à ces insensés, de qui le cerveau est tellement troublé et offusqué par les noires vapeurs de la bile, qu'ils assurent constamment qu'ils sont des rois, lorsqu'ils sont très pauvres; qu'ils sont vêtus d'or et de pourpre, lorsqu'ils sont tout nus; ou s'imaginent être des cruches, ou avoir un corps de verre.

Mais quoi ! ce sont des fous, et je ne serais pas moins extravagant si je me réglais sur leurs exemples. Toutefois j'ai ici à considérer que je suis homme, et par conséquent que j'ai coutume de dormir et de me représenter en mes songes les mêmes choses, ou quelquefois de moins vraisemblables, que ces insensés lorsqu'ils veillent. Combien de fois m'est-il arrivé de songer, la nuit, que j'étais en ce lieu, que j'étais habillé, que j'étais auprès du feu, quoique je fusse tout nu dedans mon lit ? Il me semble bien à présent que ce n'est point avec des yeux endormis que je regarde ce papier; que cette tête que je remue n'est point assoupie; que c'est avec dessein et de propos délibéré que j'étends cette main, et que je la sens : ce qui arrive dans le sommeil ne semble point si clair ni si distinct que tout ceci.

Mais, en y pensant soigneusement, je me ressouviens d'avoir été souvent trompé, lorsque je dormais, par de semblables illusions.

Et m'arrêtant sur cette pensée, je vois si manifestement qu'il n'y a point d'indices concluants, ni de marques assez certaines par où l'on puisse distinguer nettement la veille d'avec le sommeil, que j'en suis tout étonné; et mon étonnement est tel qu'il est presque capable de me persuader que je dors.. »

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