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La raison est-elle immuable ?

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« Introduction.

Le rationalisme classique considérait la raison comme un système de principes (identité, causalité, etc.), de catégories (substance, cause, etc.), de « formes de sensibilité » (espace, temps), qui était censé demeurer le même chez tous les hommes et à toutes les époques, dans toutes les civilisations.

On a même souvent défini le rationalisme par Cette idée de l'immutabilité de la raison. I.

Les variations de la raison Or cette idée s'est trouvée quelque peu ébranlée par deux séries de constatations. A.

— Les unes, d'inspiration sociologique, ont montré que catégories, principes, axiomes de la raison ont évolué au cours de l'histoire [pour le développement. B.

— Les autres, les plus graves peut-être, nous sont imposées par le développement de la science contemporaine. Non seulement les notions de l'espace et du temps ont subi, du fait de ce développement, une transformation et aussi une diversification totales.

Mais même une notion telle que celle de substance, qui paraissait être encore à KANT une des catégories fondamentales de l'entendement, a perdu de son importance à tel point que déjà RENOUVIER et HAMELIN la rayaient du tableau des catégories.

La notion de fin a été fort compromise par le progrès des sciences biologiques .

Celle de cause a évolué et a perdu, elle aussi, de son importance au bénéfice de la notion de loi.

Le principe du déterminisme, qui semblait au XIXe siècle un des fondements nécessaires de la science, a été mis en question.

Certains principes plus fondamentaux encore ont été ébranlés : le principe du tiers exclu par le progrès des mathématiques et les logiques polyvalentes; le principe d'identité lui-même par les analyses des épistémologues, à tel point qu'il apparaît plutôt aujourd'hui comme un idéal que comme une vérité absolue. II.

Les «.constantes » de la raison. Faut-il donc abandonner l'idée de l'immutabilité de la raison? Oui, s'il s'agit d'une immutabilité absolue et statique, c'est-à-dire d'une raison figée dans des cadres (principes ou catégories) universels et éternels, indépendants de leur contenu comme le moule d'un gâteau est indépendant de la pâte qu'il reçoit.

Mais on peut concevoir tout autrement ce qu'il y a d'immuable dans la raison, à savoir une direction constante, une persévérance dans une certaine orientation, une « vection ».

On peut utiliser ici la distinction posée par A.

LALANDE entre la « raison constituée », c'est-à-dire la raison « telle qu'elle existe à un moment donné », et la « raison constituante », laquelle est « tendance active, personnelle, inventive », et l'on peut dire avec lui que « la pérennité qu'on ne trouve pas dans la statique de la raison peut avoir place dans sa dynamique » (LALANDE, La Raison et les normes, p.

16).

En quoi consistent donc ces « constantes » de la raison? A.

— La raison est d'abord une faculté d'ordre : elle exprime une exigence de discipline qui s'oppose à l'anarchie et au laisser aller de la « pensée de rêve ».

C'est pourquoi elle est normative : elle assujettit la pensée à certaines règles, quelles que puissent être d'ailleurs ces règles. B.

— La plus fondamentale de ces règles qui peuvent varier dans leur expression, mais restent constantes dans leur direction, est de rechercher partout des identifications, des assimilations.

Jusque dans la pensée des « primitifs », dominée par la « loi de participation », comme l'avait nommée LÉVY-BRUHL, on peut discerner cette tendance à identifier, bien qu'elle s'y exprime encore sous une forme confuse et mystique.

Cet effort d'assimilation qui est d'abord assimilation, parfois naïve, des choses entre elles, devient ensuite assimilation des choses à l'esprit, rationalisation de l'univers.

Il est enfin effort d'assimilation des esprits entre eux, recherche d'une unanimité intellectuelle, création d'une u société des esprits ».

Sous toutes ces formes, c'est l'affirmation de « la supériorité du Même sur l'Autre ».

Même dans la science, expliquer, c'est, le plus souvent, identifier, et, si cette tendance à l'identification y a pris bien des formes, elle demeure fondamentale. Conclusion.

Ainsi « le devenir de la raison ne consiste ni en variations kaléidoscopiques ni dans une suite de renoncements tout négatifs ».

Ses transformations sont « ordonnées en une série dont on peut assigner la direction » (LALANDE, ouv.

cité, p.

18).

Le vrai rationalisme ne consiste pas à maintenir l'idée dépassée d'une immutabilité absolue de la raison.

Il consiste « prendre parti pour l'existence et la valeur d'une raison ainsi entendue ».. »

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