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La nature nous indique-t-elle comment nous devons vivre ?

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« Le terme de nature renvoie à ce qui existe spontanément, à ce qui et originel, ce qui préexiste à l'homme : elle n'est pas seulement un ensemble de choses, mais un principe de production des choses.

Se demander si la nature nous indique comment nous devons vivre amène à s'interroger sur la capacité de l'ordre de la nature à constituer un modèle de vie pour l'homme.

Mais dans la mesure où l'expression « comment nous devons vivre » renvoie à une morale, à un ensemble de règles et de préceptes, cette interrogation peut être entendue en deux sens : d'une part, il s‘agit de se demander si la nature, c'est-à-dire ce qui est en nous naturel ou le fait de vivre selon la nature, peut contenir en soi une morale nous donnant directement accès à la connaissance de nos devoirs.

D'autre part, nous pouvons aussi comprendre qu'il faudrait opposer une nature amorale à la morale et aux règles définies par la société, qui seraient inauthentiques et ne correspondraient pas à la véritable destination de l'homme.

Peut-on alors faire de nos tendances naturelles ou de l'ordre de la nature un tel guide, ou bien faut-il refuser cette idée en pensant que l'ordre de la nature doit être complété, ou corrigé, par les règles sociales que se donne l'homme, en tant qu'il n'est pas seulement un être naturel ? Nous verrons dans un premier temps que l'ordre de la nature peut constituer un modèle pour la manière dont l'homme doit vivre, opposé aux conventions sociales qui déforment sa nature.

Nous verrons alors que la nature peut être le révélateur de nos tendances morales primitives, avant d'affirmer que la nature ne peut être réalisée que dans ce qui la dépasse et qui constitue notre destination. 1° Notre destination est de vivre selon la nature Dans le dialogue de Platon Gorgias, Calliclès, un personnage fictif représentant les sophistes, s'oppose à Socrate en affirmant que l'homme doit vivre selon l'ordre de la nature, opposé aux lois et la morale sociales, qui ne sont que pure convention.

La véritable vertu est celle de la nature, qui est caractérisée par le règne de la force.

La loi de la société est un stratagème inventé par les faibles pour asservir les forts qu'ils craignent.

La vertu naît donc de la satisfaction des passions, qui seule peut réaliser le bonheur qui est la destination de l'homme : ceci aboutit à l'idée qu'il faut chercher dans la nature, et non dans les règles sociales, ce que nous devons faire, et que nous devons vivre cachés pour ne pas tomber sous la sanction des lois de la société. En règle générale, la loi et la nature se contredisent.

D'un point de vue naturel, le plus grand des maux est de subir l'injustice et non pas de la commettre.

Pour la loi, il ne faut pas commettre l'injustice.

Les lois sont ainsi établies par les faibles - et pour eux - en vue de se protéger des débordements de force des plus puissants.

C'est du point de vue des faibles que la loi décrète ce qui est digne d'éloge ou au contraire blâmable.

La notion d'égalité dans la justice obéit au même principe : la même loi pour tous, en établissant une égalité par le bas.

Quiconque n'agit pas comme le fait et le veut la multitude est puni par la loi.

Au contraire, la nature montre qu'il est juste que le supérieur l'emporte sur l'inférieur, et le plus capable sur le moins capable.

La nature est le siège d'une lutte de forces, où la plus puissante est destinée à l'emporter et à dominer.

Les bâtisseurs d'Empires n'ont pas autrement agi, en pillant, massacrant, pour s'approprier et dominer.

La soumission à la justice égalitaire est donc le fait des faibles, qui craignent les puissants et sont incapables de dominer. Naturellement, l'homme est soumis à des instincts et à des besoins qu'il cherche à satisfaire, alors que la justice de la société est basée sur la répression de ces instincts et n'est fondée sur aucune légitimité naturelle.

Dans cette perspective sophiste telle que Platon la met en scène pour la critiquer, la nature nous indique bien comment nous devons vivre, c'est-à-dire selon la loi du plus fort, sans nous soucier de la justice et de l'intérêt général. 2° La nature peut-elle être la source de la morale ? La conception de Calliclès, qui oppose la vie selon la nature à la vie selon la société, revient à rejeter toute morale au profit d'une nature comprise comme la lutte égoïste pour la satisfaction des passions.

Mais ne peut-on penser que si la nature peut nous indiquer comment nous devons vivre, c'est parce qu'elle contient au contraire en elle une morale authentique ? Dans la perspective de Rousseau, l'état de nature, qu'il utilise comme une hypothèse pour critiquer la société, n'est pas compris comme chez Calliclès sur le modèle de la vie animale, mais comme une nature originelle de l'homme, dans un cadre où la satisfaction des besoins est assurée par le milieu naturel.

Cet état originel de nature révèle une morale naturelle de l'homme caractérisée par l'instinct de conservation et la pitié, c'est-à-dire le refus de voir l'autre souffrir, qui permet de ne pas comprendre l'ordre naturel comme soumis à la loi du plus fort.

Or, l'instauration de la société est une dépravation de ces tendances naturelles de l'homme, remplacées par les inégalités, l'orgueil et l'envie.

En ce sens, l'état de nature nous indique quelles sont les bases d'une morale authentique.

Mais Rousseau n'assimile pas pour autant l'homme au règne animal, car ces tendances sont le signe d'une perfectibilité qui n'appartient qu'à l'homme.

Il ne s'agit donc pas de retourner à l'état de nature sous prétexte qu'elle nous indiquerait comment vivre, car cet état est figé et ne permet aucune histoire : il faut plutôt corriger les vices de la société en s'appuyant sur ces tendances morales qui caractérisent l'état de nature, notamment en. »

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