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La nature comme ordre mathématique ?

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« SUPPLEMENT: LES MATHEMATIQUES COMME "LANGAGE DE LA NATURE" Citation célèbre de Galilée: la nature est un livre écrit en langage mathématique.

Ce qui est en jeu ici, c'est le rapport entre mathématiques et physique.

Voir document suivant: Galilée: "La philosophie est écrite dans ce livre immense perpétuellement ouvert devant nos yeux (je veux dire: l'Univers), mais on ne peut le comprendre si l'on n'apprend pas d'abord à connaître la langue et les caractères dans lesquels il est écrit.

Il est écrit en langue mathématique et ses caractères sont des triangles, des cercles, et d'autres figures géométriques sans l'intermédiaire desquelles il est humainement impossible d'en comprendre un seul mot." (...) Au texte déjà cité de Galilée, on peut ajouter deux citations: "Toutes les lois sont tirées de l'expérience, mais, pour les énoncer, il faut une langue spéciale; le langage ordinaire est trop pauvre, il est d'ailleurs trop vague, pour exprimer des rapports si délicats, si riches et si précis.

Voilà donc une première raison pour laquelle le physicien ne peut se passer des mathématiques ; elles lui fournissent la seule langue qu'il puisse parler'", (H.

Poincaré).

" Les mathématiques constituent pour ainsi dire le langage à l'aide duquel une question peut être posée et résolue" (W.

Heisenberg). Cette conception des mathématiques comme langage de la physique peut toutefois s'interpréter de diverses façons, suivant que ce langage est pensé comme celui de la nature, que devra s'efforcer d'assimiler l'homme qui l'étudie, ou à l'inverse comme le langage de l'homme, dans lequel devront être traduits les faits de la nature pour devenir compréhensibles.

La première position semble être celle de Galilée, encore qu'il soit imprudent de trop solliciter ce passage; elle est aussi celle d'Einstein: " D'après notre expérience à ce jour, nous avons le droit d'être convaincus que la nature est la réalisation de ce qu'on peut imaginer de plus simple mathématiquement." (...) Le second point de vue est celui de Heisenberg: "Les formules mathématiques ne représentent plus la nature, mais la connaissance que nous en possédons." L'auteur (Lévy-Leblond, scientifique et épistémologue français) montre bien ici que la formule galiléenne se prête à deux lectures opposées.

Ce qui est énigmatique, c'est que les mathématiques s'appliquent si bien à la nature, alors qu'elles ne proviennent pas de la nature.

Comment comprendre cela? Coïncidence? - La première possibilité, c'est que la nature soit elle-même mathématisée, c'est le sens que Galilée met dans sa formule. N.B.: cette formule n'est pas innocente: elle conduit à une conception quasi théologique! En effet, on pourrait la reformuler: Dieu est géomètre.

Conception proche du pythagorisme. En fait, cette réponse (la nature est écrite en langage mathématique) ne fait que reporter le problème: comment se fait-il qu'elle soit écrite en ce langage? Le seul moyen d'y répondre, c'est de supposer une intelligence créatrice. - Deuxième possibilité (Heisenberg): la nature n'est pas en elle-même écrite en ce langage, mais c'est l'homme qui la lit dans ce langage! Développons: quel que soit le "langage" dans lequel est "écrite" la nature, l'homme ne pourra "lire" la nature qu'en passant par les mathématiques.

Pourquoi cela? C'est que c'est dans ce "langage" que l'homme se comprend le mieux luimême, c'est là que l'intelligence est transparente à elle-même.

Exemple: une formule mathématique ne dit rien d'autre que ce qu'on lui fait dire. Les mathématiques seraient donc particulièrement adaptées pour lire la nature, non parce que les mathématiques seraient le "langage" naturel de la nature, mais, au contraire, parce que c'est un langage absolument conventionnel.

C'est parce que une formule mathématique ne veut rien dire en elle-même qu'elle peut s'adapter à tout phénomène, sans rien y introduire de plus.

Parce qu'une formule mathématique ne veut rien dire en elle-même, on est sûr, lorsqu'on lui fait dire quelque chose, qu'elle ne fausse pas le sens de ce qu'on veut dire. Les mathématiques seraient donc le "langage de la nature", non par un lien miraculeux avec la constitution de la nature, mais parce qu'elles seraient le langage le plus neutre: elles ne veulent rien dire en elles-mêmes, ne sont donc jamais ambiguës. Suite du texte de Lévy-Leblond. (...) en physique, les mathématiques jouent un rôle plus profond.

Il serait en effet difficile de trouver un concept physique qui ne soit indissolublement associé à un ou plusieurs concepts mathématiques.

Comment, par exemple, penser de façon efficace le concept de vitesse, sans faire intervenir celui de dérivée? Comment penser "champ électromagnétique" sans penser "champ de vecteurs" ? Comment penser "principe de relativité" sans penser "théorie de groupes" ? Les mathématiques sont ainsi intériorisées par la physique.

On dira que celles-là ont avec celles-ci un rapport de constitution. C'est une idée voisine qu'exprimait déjà Bachelard: "Les hypothèses de la physique se formulent mathématiquement.

Les hypothèses scientifiques sont désormais inséparables de leur forme mathématique: elles sont vraiment des pensées mathématiques Il faut rompre avec ce poncif cher aux philosophes sceptiques qui ne veulent voir dans les mathématiques qu'un langage.

Au contraire, la mathématique est une pensée, une pensée sûre de son langage.

Le physicien pense l'expérience avec cette pensée mathématique." (...)Bien entendu, un concept physique n'est pas, ne s'identifie pas, ne se réduit pas aux concepts mathématiques qu'il met en jeu; la physique ne se ramène pas à la physique mathématique.

Il importe de ne pas concevoir la distinction entre un concept physique et sa mathématisation comme une simple différence statique.

Un concept physique n'est pas un concept mathématique plus "autre chose".

Le concept mathématique n'est ni un squelette auquel la physique prête chair, ni une forme abstraite que la physique emplirait d'un contenu concret: il est essentiel de penser le rapport des mathématiques à la physique en termes dynamiques. Ici, l'auteur présente un renversement remarquable: les mathématiques sont le langage de la nature, mais sont plus qu'un langage.

"Une pensée sûre de son langage" disait Bachelard.. »

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