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La nature a-t-elle des droits ?

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« Se demander si la nature a des droits, c'est interroger le lien d'identité entre l'homme et la nature : « sujet de droit » par exc ellence (cf.

la Déclaration universelle des droits de l'homme), l'homme peut-il accorder ce statut à la nature.

A insi, il faut se demander ce qu'implique la notion de « sujet de droit » ; en d'autres termes, des êtres inanimés ou non-conscients peuvent-ils y prétendre ? P our la conscience écologique, les pratiques humaines requiert la reconnais sance d'un « droit » ou de « droits » de la nature, obligeant l'homme à moduler son action envers l'environnement.

M ais, premièrement, c e l a s o u s -entend que l'activité humaine (science, technique et/ou technologie) serait pernicieus e et, deuxièmement, que la nature serait justement susceptible de recevoir un traitement identique à l'homme. A fin de battre e n b r è c h e c e s deux idées, nous montrerons d'abord comment l'idéal d'une maîtrise scientifique et utilitariste de la nature s'est progressivement imposée, au détriment, il est vrai, d'une prise en compte de la nature.

Toutefois , nous analyserons dans un s econd temps l'impossibilité de fonder la nature sur le concept de « sujet de droit », uniquement applicable à l'homme conscient.

N o u s examinerons enfin les c onséquences qui en découlent : le recours à la notion de valeur et l'introduction d'une respons abilité humaine consistant à hiérarchiser la nature et à adapter l'intervention technoscientifique humaine. I – L'impérialisme de la science : la nature est un moyen (non une fin) et ne connaît pas de droits 1) L'impérialisme de la science : dans le Discours de la méthode, Descartes explique que grâce à la science les hommes se doivent de « devenir comme maîtres et possesseurs de la nature ».

L'idée est de se servir de la nature comme d'un moyen permettant d'améliorer le bien-être et la santé des hommes.

A insi, on utilise la force du vent pour faire tourner les ailes d'un moulin ou un boeuf pour tirer une charrue.

Le philosophe anglais Francis Bacon va encore plus loin dans La Nouvelle Atlantide en annonçant que la science doit permettre de « réaliser toutes les choses possibles ». 2) Le mécanisme et la notion de fin : cette conception de la science s'appuie sur une vision de la nature livrée au mécanisme et à la nécessité.

En la prolongeant dans la Critique de la raison pratique, Kant notait que seul l'homme, être conscient, peut être pris comme fin de l'action morale – je considère autrui en son humanité comme fin en soi et non comme un moyen.

La nature se trouve ainsi exclut du règne des fins et sa préservation ne peut en être une : toujours moyen et jamais fin en soi, la nature est instrumentalisée à ses dépens. La personne est ce qui se dis tingue de la chose, comme la fin se distingue des moyens.

T out être dont l'existence ne dépend pas de la libre volonté, mais de la nature, n'a qu'une valeur relative, c'est-à-dire en rapport avec autre chose que lui-même.

L e s êtres naturels sont d e s c h o s e s .

L e s êtres raisonnables, c'est-à-dire capables d'agissements libres, sont des personnes, c'est-à-dire des fins en soi.

Ils ne peuvent servir simplement comme moyens, et par suite limitent notre libre activité, puisqu'ils sont l'objet d'un inconditionnel respect.

La personne est une fin objective, dont l'exis tence même est une fin en soi, qui ne peut être remplacée par aucune autre.

Étant fin en soi, on lui doit un absolu respect.

La personne humaine est la seule valeur abs olue existante, il n'y en a pas d'autres sur le plan pratique.

L'impératif catégorique pour toute volonté humaine repose donc sur le principe que : "La nature raisonnable existe comme fin en soi." C 'est ainsi que nous devons nous représenter notre propre existence ainsi que celle d'autrui, et c e principe doit sous-tendre toutes nos actions.

La moralité, soit l'usage de la raison dans le domaine pratique, repose par conséquent sur la maxime suivante : "A gis de telle sorte que tu traites l'humanité, aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre, toujours en même temps comme une fin, et jamais simplement comme un moyen." 3) L'absence de droit: de ce point de vue, la nature ne pos sède donc aucun droit, à l'inverse de l'homme.

Il convient donc de s'interroger sur la possibilité de fonder la nature sur le concept de « droit » ; autrement dit, comment considérer que la nature puisse être sujet de droit(s) ? II – La nature peut-elle être un sujet du droit ? 1) Le contrat social : la personne à laquelle s'applique le droit est toujours d'emblée engagée par la réciprocité.

A insi, le droit de l'un correspond au devoir de l'autre, et vice vers a.

C ette idée prend corps dans le Contrat social, tel que Rousseau le définit dans l'ouvrage du même nom.

On peut donc distinguer l'usage légitime d'un droit, compatible avec le droit équivalent d'autrui, et l'abus commis au détriment de ce dernier.

À ce niveau, un tel rapport entre l'homme et la nature n'est pas envisageable.

Le droit s'applique aux relations interhumaines et le sujet du droit par excellenc e est l'homme. 2) Le contrat naturel : la notion de droit implique donc de reconnaître que le sujet du droit (la personne à laquelle il s'applique) puisse revendiquer ses droits et comprendre ses devoirs.

Or, la nature n'est évidemment pas capable d'une telle revendication.

C ependant, Michel Serres, dans le Contrat naturel, propose de reconnaître la nature comme un sujet de droit, puisqu'elle nous place dans un ensemble d'échanges mutuels : la nature est l'habitat de l'homme, ce qui l'abrite et le nourrit, c'est donc à lui de le préserver.

M ais à ce niveau, le sujet de droit qu'est la nature ne l'es t pas pleinement au sens où l'homme en est un. 3) La pitié : toutefois, on peut songer à une façon de lier l'homme à la nature en faisant appel à la pensée de Schopenhauer, qui entrevoit, par-delà la césure phénoménale entre hommes, animaux et objets inertes, une identité c ommune aux choses sous l'espèce de la volonté (Monde comme volonté et représentation).

A insi, l'homme ne diffère-t-il qu'en apparence de la nature et en la lésant, il brise l'unité intime qui les relie.

La pitié consiste à reconnaître que le monde nous est identique en son fond et nous pousse donc à le préserver. III – La nature a une valeur et demande à être hiérarchisée 1) La prudence : malgré cela, on s'en rend c ompte, la pitié ne lie pas l'homme à la nature de la même manière que le droit peut le faire.

L'appel peut alors s e reporter sur c e qu'A ristote, dans l'Ethique à Nicomaque, appelle l a prudence : s i l a s c i e n c e c o n s i s t e à démontrer et l'art à produire correctement, la prudence sert à délibérer sur l'action bonne ou mauvaise.

Toutefois, condition nécessaire, la prudence n'est pas suffisante. 2) L'obligation : en effet, la prudence ressortit à l'éthique et à des questions telles que : « Q uelles règles suivre pour bien agir ? ».

O r, le droit implique l'idée d'obligation : le sujet du droit m'oblige à respecter son droit propre, c'est-à-dire à le reconnaître et à agir en conséquence.

Une usine peut polluer une rivière et décimer la faune qui s'y trouve, commentant par-là une imprudence, un ac te moralement blâmable, sans pour autant enfreindre un quelconque droit auquel prétendrait la nature.

Si celle-c i ne peut être sujet de droit, est-elle alors pour autant livrée à la merci des hommes ? 3) La valeur des êtres naturels : s ' i l e s t possible de promulguer des lois obligeant l'homme à protéger la nature, il importe encore plus de responsabiliser l'homme, en le poussant à discriminer au sein de la nature c e qui doit être protégé (des écosystèmes...) et ce qui doit être et mérite effectivement d'être combattu (virus...).

A insi, qu'est-ce qui impos e le respect et qu'est-ce qui nécessite une intervention technique ? L'homme a donc pour but de reconnaître la valeur de la nature , de la hiérarchiser et de moduler son action en c onséquence.

En définitive, au lieu de céder le pas face à la nature, l'homme donne son sens à l'écologie, en tant qu'il établit des normes et des valeurs visant son respect. Conclusion : A insi, s'il est avéré que la nature est mise en danger par l'idéal moderne de maîtrise, édicté par la techno-science, il n'est cependant pas possible de faire la nature un sujet de droit au plein sens du terme, en ce qu'elle n'engage aucune réciprocité avec l'homme.

Il ne s'agit donc pas pour l'homme de reconnaître l'existence de la nature en cessant toute activité ; plutôt, il convient de déterminer sa valeur et le type d'actions qui doit s'y rapporter.

Il est alors possible de reconnaître les vertus de la science dans le c adre d'une conscience écologique.. »

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