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La mort ôte-t-elle tout sens à l'existence humaine ?

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« [Introduction] On admet volontiers que la conscience du devoir mourir n'existe que chez l'homme.

Est-elle stérilisante, ou encourageante ? Suffit-elle pour priver de sens l'existence de l'homme, ou est-ce au contraire parce qu'elle peut accompagner tout comportement qu'elle confère à cette même existence sa signification la plus profonde ? [I.

L'espérance d'un au-delà] - P our toutes les pensées qui conçoivent une immortalité spirituelle, la mort n'est qu'un moment de passage.

Dans ces pensées, c'est en général la vie posthume de l'âme qui a le plus de valeur, et la mort est comprise comme sanctionnant la valeur de l'existence antérieure.

Loin de faire disparaître tout sens de l'existence de l'homme, elle permet au contraire de saisir ce sens et d'en déduire un destin posthume. - C onfirmation par Platon : si l'existence doit être orientée par la quête du Bien, c'est parce que l'âme sera jugée après la mort (cf.

Phédon). - M entalité chrétienne : l'existence terrestre doit être orientée par l'attente de la vie posthume.

Même dans les théories calvinistes affirmant une prédestination de l'âme, l'existence terrestre doit avoir un but : il s'agit alors de faire fructifier les biens (C f.

les analyses de Max Weber : il apparaît que c'est la méditation sur l'au-delà de la mort qui détermine l'orientation économique de l'existence). [II.

Un sens sans vie posthume] - Si l'on ne tient pas compte d'une éventuelle immortalité de l'âme, la mort ne signifie pas pour autant la privation de toute orientation pour l'existence, ni la disparition de toute signification. - Dans l'Antiquité, le matérialisme absolu des épicuriens ne supprime pas le sens de l'existence : celle-ci demeure au contraire orientée par ce qu'indique la nature (le plaisir, l'ataraxie). - Le matérialisme moderne (Marx par exemple) ne nie pas davantage la possibilité du sens de l'existence.

Il le déplace plutôt de l'individuel au collectif : c'est en participant à l'histoire (au déploiement de la liberté qui doit s'y accomplir) que l'existence trouve sa signification et sa portée. - Lorsque l'existence est conçue immédiatement comme dénuée de sens.

ou absurde (dans l'existentialisme sartrien), ce n'est pas à cause de la mort, c'est parce qu'elle apparaît, dans l'absolu, comme sans justification. « Philosopher c'est apprendre à mourir.

» Montaigne, Essais, 1580-1588. Montaigne prône ici la « pré-méditation » de la mort.

Pour combattre la crainte qu'elle suscite en nous, il faut l'apprivoiser, nous faire à son idée, nous habituer à elle : «N'ayons rien si souvent en tête que la mort », dit-il plus loin. « La préméditation de la mort est préméditation de la liberté.

Qui a appris à mourir, il a désappris à servir.

» Montaigne, Essais, 1580-1588. S'accoutumer à l'idée de notre propre mort, c'est nous libérer de la frayeur qu'elle nous inspire.

A insi, apprendre à mourir, c'est proprement nous libérer progressivement de la servitude en laquelle nous tient la crainte de la mort. « Un homme libre ne pense à aucune chose moins qu'à la mort; et sa sagesse est une méditation non de la mort mais de la vie.

» Spinoza, Éthique, 1677 (posth.) « O n ne cesse de penser à la mort qu'en cessant de penser.

» Marcel Conche, La Mort et la Pensée, 1973. « Q ue la mort, l'exil et tout ce qui te paraît effrayant soient sous tes yeux chaque jour; mais plus que tout, la mort.

Jamais alors tu ne diras rien de vil, et tu ne désireras rien outre mesure.

» Épictète, Manuel, vers 130 apr.

J.-C. « En s'occupant de philosophie comme il convient, on ne fait pas autre chose que de rechercher la mort et l'état qui la suit.

» Platon, Phédon, Ive s.

av.

J.C. « C e qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, mais les opinions tranchées qu'ils ont sur les choses; par exemple, la mort n'a rien d'effrayant, [...] mais c'est l'opinion tranchée selon laquelle la mort est effrayante qui est elle-même effrayante.

» Épictète, Manuel, vers 130 apr.

J.-C. « La mort, si nous voulons nommer ainsi cette irréalité, est la chose la plus redoutable.

» Hegel, La Phénoménologie de l'Esprit, 1807. « C e qui, pour l'homme, est le principe de tous les maux et de sa bassesse d'âme et de sa lâcheté, ce n'est pas la mort, mais bien plutôt la crainte de la mort.

» Épictète, Entretiens, vers 130 apr.

J.-C. « Le courage consiste à ne pas craindre la mort.

Or, comme la mort est la séparation de l'âme d'avec le corps, cette séparation ne saurait effrayer celui qui aime à être seul.

» Plotin, Ennéades, Ille s.

apr.

J.-C. « Ne méprise pas la mort, mais fais-lui bon accueil, comme étant une des choses voulues par la nature.

» Marc-Aurèle, Pensées pour moi-même, IIe s.

apr. J.-C. « Dès qu'un humain vient à la vie, il est déjà assez vieux pour mourir.

» Heidegger, Être et Temps, 1927. « [La] condition nécessaire à la possibilité même d'une évolution, c'est la mort.

Non pas la mort venue du dehors, comme conséquence de quelque accident.

Mais la mort imposée du dedans, comme une nécessité prescrite, dès l'oeuf, par le programme génétique même.

» François Jacob, La Logique du vivant, 1970. La mort est en effet inscrite dans le programme génétique de toute cellule vivante.

C 'est elle qui rend la reproduction (et donc la perpétuation de l'espèce) possible.

Sans la mort, il n'y aurait pas de vie. « La croyance à la nécessité interne de la mort n'est peut-être qu'une de ces nombreuses illusions que nous nous sommes créées pour nous rendre "supportable le fardeau de l'existence".

» Freud, Essais de psychanalyse, 1923. « Familiarise-toi avec l'idée que la mort n'est rien pour nous, car tout bien et tout mal résident dans la sensation; or, la mort est privation de toute sensibilité.

» Épicure, Lettre à Ménécée, ive s.

av.

J.-C. « C elui des maux qui fait le plus frémir n'est rien pour nous, puisque tant que nous existons, la mort n'est pas, et que, quand la mort est là, nous ne sommes plus.

» Épicure, Lettre à Ménécée, IIIe s.

av.

J.-C. L'homme « s'indigne d'avoir été créé mortel; il ne voit pas que dans la mort véritable il n'y aura plus d'autre lui-même demeuré vivant pour pleurer sa fin et, resté debout, gémir de voir sa dépouille devenue la proie des bêtes et des flammes.

» Lucrèce, De la Nature, 1er s.

av.

J.-C.. »

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