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La morale posule la liberté, la science réclame le déterminisme: peut-on concilier ces exigences ?

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« (Caractères de la question).

— Ici, il s'agit d'aborder directement l'un des aspects du problème de la liberté, auquel d'ailleurs, comme le montreront les indications et les remarques suivantes, se relient les questions ou les difficultés fondamentales de ce problème. Le formule proposât met en opposition deux formes dominantes de l'activité Humaine, l'activité de la pensée dans son type la plus nettement caractérisé _ la science — et l'activité générale sous le point de vue des valeurs essentielles qui la commandent — la morale.

Il faudra donc d'abord montrer comment se présente cette opposition, sur quoi elle s'appuie, chercher si elle est irréductible. (Première détermination du problème).

— On connaît le mot si nettement affirmatif de Henri Poincaré : « La science sera déterministe ou elle ne sera pas » ; on y trouvera un bon point de départ.

On montrera donc que cette affirmation est effectivement impliquée dans toute conception de la science : qu'on y voie essentiellement une forme de compréhension, ou un pouvoir.

Qu'on donne en effet pour but à la science de maîtriser les phénomènes, et, au minimum, de les prévoir; il est nécessaire de ne pas s'y perdre, donc de tenir un ordre défini de faits bien délimités, et se retrouvant les mêmes dans un enchaînement déterminé.

Qu'on donne pour but à la science d'expliquer, de rendre raison des phénomènes : il faut sous le changement retrouver le stable, non pas sans doute l'immobilité absolue, qui n'est qu'inertie et mort; mais un ordre constant, seule réalité. Symétriquement et en sens opposé, on montrera que se donner une règle de conduite est impossible, si notre action est inéluctablement enfermée dans notre nature ou dans notre action antérieure, puisque la position d'une règle à observer suppose une réorientation dont la règle est la définition même : si la résolution n'est qu'une apparence, si elle échappe à notre pensée, l'acte peut avoir son utilité extérieure, humaine ou sociale, mais il ne qualifie plus le sujet, qui n'aurait plus à en répondre, puisqu'il n'en serait plus l'origine.

La morale demande une conscience qui soit autre chose qu'un reflet de l'organique, donc une liberté à l'origine des résolutions. Cela défini, il faudrait insister pour montrer qu'il y a là, non pas seulement des oppositions et symétries d'idées, mais un problème qui s'impose, parce que science et morale sont deux aspects essentiels de la réalité humaine (on sait que la critique kantienne part de ce double « fait »).

Il est donc nécessaire de chercher comment est possible cette double position : construire une science dans la forme d'un ordre et d'un enchaînement rigoureux des phénomènes; concevoir des consciences qui, dans toute la force du terme, se conduisent. Opposition tragique, où se briserait l'unité de la vie mentale ? — ou bien un accord peut-il intervenir ? (Les méthodes de discussion).

— Remarquer que, comme dans toute opposition de ce genre, deux chemins se présentent à qui en cherche une réduction. Ou bien procéder par atténuation de l'une des affirmations, pour la rapprocher de l'autre : essayer de démontrer soit que le déterminisme n'est pas indispensable à la science, soit que la liberté n'est pas nécessaire au point de vue moral. Ou bien chercher la conciliation tout en essayant de sauver intégralement l'une et l'autre affirmation, admettre cette nécessité du déterminisme et de la liberté dans leurs domaines respectifs : solution paradoxale, parce qu'elle pose en apparence des idées contradictoires, mais possible pourtant par une analyse plus profonde des deux thèses, ou un effort de définition plus poussé. (Première méthode).

— Il va de soi que le sacrifice sera demandé par les uns a la science, par les autres à la morale. A) On pourrait rappeler la tentative épicurienne pour ménager une indétermination au milieu du déterminisme (« clinamen », déviation infime des atomes), Observer que le même procédé se retrouve avec des moyens beaucoup plus précis et une information infiniment plus sûre chez des modernes comme Boutroux, qui nie la nécessité des lois, pour cette raison, qu'étant impossible de les déduire, elles ne sauraient s'imposer logiquement.

La contingence des lois répond au fait qu'elles seraient avant tout des « méthodes pour nous assimiler les choses et les plier à l'accomplissement de nos volontés.

» Mais on fera remarquer que ces thèses ne sont autre chose qu'une négation de la science, car si limité que soit l'indéterminisme il ne permet plus de définir rigoureusement les séries de phénomènes, et la science devient un artifice d'exposition, et non plus l'expression d'un réel.

Il faudrait pouvoir établir, comme veut le faire la microphysique contemporaine, que l'indéterminisme est réclamé par la science, et entre dans sa constitution même : en raison de la dépendance entre le contenu du monde physique et nos constatations, on raison aussi des limitations réciproques que s'imposent les Cléments de représentation du réel (par ex.

ondes et corpuscules). Mais il est a noter que l'indétermination n'est qu'un moyen de calcul.

On cherche les conditions d'un déterminisme qui apparaît à l'échelle de notre perception habituelle, et ainsi l'indéterminisme se montre comme l'artifice, provisoire peut-être, d'une science à, un échelon nouveau de son progrès. On devrait donc venir franchement à une altitude de négation; sacrifier la science en la présentant comme une valeur humaine qu'on inclinerait, si besoin est, devant d'autres valeurs.

— On se demandera si une telle attitude, qui serait tenable dans le cas où la science pourrait être considérée seulement comme un jeu de noire pensée, a le moyen de se maintenir, alors que la science pénètre notre action, et lui fournit les cadres d'une maîtrise des choses. B) La morale ne pourrait-elle par contre se développer dans une conception déterministe ? Cette question doit immédiatement rappeler que les hommes qui ont dans l'antiquité montré l'exemple de la moralité peut-être la plus haute, les Stoïciens, ont été fatalistes, et de même chez les modernes, Spinoza.

Bien voir et faire ressortir comment la thèse se fonde sur cet argument essentiel que l'irrationalité — l'ignorance des conditions réelles de ce que nous. »

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