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L'affirmation de la liberté peut-elle se concilier avec le principe du déterminisme de la nature?

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« Affirmer que nous sommes - comme partie de la nature - soumis au déterminisme ne nous condamne donc pas à l'inaction, bien au contraire.

Le déterminisme ne se confond pas avec le fatalisme.

Le fatalisme est une doctrine d'après laquelle l'ensemble des événements est soumis au destin ou fatum, selon une nécessité absolue.

Quoiqu'on fasse, ce qui devait arriver arrivera, conformément à ce qui a été écrit ou prédit (le fatum - du latin fari, qui signifie parler - c'est, étymologiquement, ce qui a été dit).

Il engendre donc une attitude de soumission.

Le déterminisme, dont le principe constitue le fondement même des sciences de la nature, pose au contraire qu'à tout effet peut être assigné une cause, les mêmes causes produisant les mêmes effets.

La liaison assurée des causes et des effets est alors ce qui permet à l'homme de faire fond sur la nature, d'agir sur elle et de la transformer.

C 'est pourquoi « la liaison des causes et des effets, bien loin de causer une fatalité insupportable, fournit plutôt un moyen de la lever » (Leibniz, Théodicée, 55). Il faut distinguer cependant le déterminisme comme principe épistémologique et le déterminisme comme principe métaphysique. Le déterminisme, entendu comme principe épistémologique, s'applique aux sciences exactes, qui formulent des lois universelles et postule que l'ensemble des phénomènes naturels y est soumis.

La nature est, en droit, prévisible, parce qu'elle est toute entière ordonnée à des régularités strictes, qu'elles soient de nature physique ou simplement statistique.

Le déterminisme, au sens épistémologique, s'est imposé à partir du développement des sciences exactes, et en particulier de la mécanique classique.

Son domaine d'application est la nature, non l'action humaine.

L'histoire, par exemple, ne se répète jamais.

C 'est que l'homme, s'il n'est pas un empire dans un empire, n'est pas non plus une chose parmi les choses.

La conscience qu'il prend des événements en modifie en même temps le sens et le cours.

Le temps vécu, subjectif, n'est pas le temps physique, objectif.

C'est en distinguant temps physique et durée psychologique que Bergson, par exemple, tente de sauver la liberté des rets du déterminisme.

La délibération qui précède le choix n'est pas simple oscillation entre des motifs de force égale, mais consiste en un « progrès dynamique où le moi et les motifs eux-mêmes sont dans un continuel devenir» (Essai sur les données immédiates de la conscience, ch.

III).

De son côté, Sartre, à l'école de Husserl et de la phénoménologie, revendique pour l'homme une totale liberté.

L'homme n'est pas un objet, mais un sujet.

Les motifs ou les mobiles qui semblent commander son choix n'agissent pas sur lui de façon mécanique, comme le feraient des poids ou des forces physiques.

Ils n'ont de force que celle que je leur donne, par rapport à une fin que je projette. Le déterminisme, entendu comme principe métaphysique, pose que tout effet résulte d'une cause, qui est elle-même l'effet d'une autre cause qui l'a précédée.

Un tel déterminisme est incompatible avec la liberté, puisqu'il affirme que l'effet - par exemple, tel acte, telle décision - dépend d'une cause antécédente qui échappe par conséquent à toute action.

Il est impossible de faire que ce qui fut n'ait pas été.

Un tel déterminisme peut être qualifié de métaphysique, au sens propre, parce qu'il suppose achevée la régression - en réalité infinie - des causes et des effets.

Que la raison en pose néanmoins nécessairement le principe peut se comprendre, si, avec Kant, on remarque que la relation de causalité est applicable aux phénomènes à travers la forme du temps.

Mais le temps, n'est, pour Kant, que la forme a priori de la sensibilité à travers laquelle nous appréhendons la nature comme phénomène, non comme chose en soi.

Il est par conséquent possible de penser une causalité hors du temps, une causalité intelligible, c'est-à-dire la liberté. • L'affirmation de la liberté humaine pose en effet le problème du rapport de l'homme avec la nature.

De fait, la nature (le monde), pour peu que nous la pensions, que nous essayions de la comprendre, nous apparaît comme le règne du déterminisme : tout phénomène a une ou plusieurs causes et « s'explique » par sa ou ses causes.

C omprendre quelque chose, c'est donc nécessairement le déterminer. • Or, l'homme fait partie de la nature, du monde : comment donc peut-il concilier sa liberté avec le déterminisme naturel ? Les principales et classiques réponses possibles sont les suivantes : a) Poser que le déterminisme naturel n'est pas absolu, et qu'il existe une certaine contingence naturelle (cf.

par exemple, le clinamen des atomes chez Épicure et Lucrèce) qui s'accroîtrait à mesure que l'on passe de l'ordre physique à l'ordre biologique et à l'ordre humain. b) Poser un dualisme fondamental entre la matière et l'esprit.

La nature, le monde de la matière, est le lieu d'un déterminisme rigoureux, tandis que l'esprit, la pensée, est celui de la liberté.

C f.

le dualisme cartésien : en tant que corps, l'homme appartient à la nature et est soumis à ses lois, mais en tant qu'âme, que pensée, il leur échappe. c) Poser que le déterminisme de la nature est total et que l'homme n'y échappe pas ; que la liberté humaine est donc illusoire. d) Poser que le déterminisme de la nature est rigoureux et que l'homme ne peut s'y soustraire ; que cependant sa volonté n'est déterminée que par ellemême, et que donc la liberté humaine consiste à accepter et à vouloir la nécessité (cf.

le stoïcisme). e) Poser que le déterminisme de la nature est rigoureux et que la volonté humaine est elle-même déterminée, mais que la volonté ne se distinguant pas de la connaissance, la liberté consiste dans la connaissance vraie de nos déterminations par laquelle nous devenons la cause de notre volonté (cf.

Spinoza). • Les deux premières réponses (a, b) posent la liberté comme spontanéité et comme libre arbitre, les deux dernières (d, e) l'appréhendent comme délivrance et libération (cf.

P.

Ricoeur : « C 'est la leçon de Spinoza : on se découvre d'abord esclave, on comprend son esclavage, on se retrouve libre de la nécessité comprise). CITATIONS: « Les phénomènes mêmes qui, en apparence, sont désordonnés et incertains, je veux dire les pluies, les nuages, les traits de la foudre arrachée aux nuages, [...] n'arrivent pas sans raison, tout imprévus qu'ils soient.

» Sénèque, De la Providence, 1er s.

apr.

J.-C. « Une intelligence qui pour un instant donné connaîtrait toutes les forces dont la nature est animée et la situation respective des êtres qui la composent [...] embrasserait dans la même formule les mouvements des plus grands corps de l'univers et ceux du plus léger atome : rien ne serait incertain pour elle, et l'avenir, comme le passé, serait présent à ses yeux.

» Laplace, Essai philosophique sur les probabilités, 1814. Laplace énonce là le principe même du déterminisme universel, selon lequel les lois causales gouvernent toutes choses dans l'univers.

A insi tout événement peut être considéré comme l'effet des événements qui l'ont précédé et comme la cause des événements qui lui succéderont, les états successifs de la nature s'enchaînant comme par nécessité les uns aux autres. « Croyez-vous sincèrement que la ruade d'un cheval dans la campagne française dérange le vol d'un papillon dans les lies de la Sonde ? » Bachelard, L'Activité rationaliste de la physique contemporaine, 1951. Bachelard souligne ici le caractère monstrueux du déterminisme universel.

Si l'on s'attache en effet à rechercher les antécédents des plus petits mouvements des plus petites portions de l'univers, on obtient ce qu'on pourrait appeler un « déterminisme de l'insignifiant ». « Dieu ne joue pas aux dés.

» Formule favorite d'Einstein (1879-1955). L'inventeur de la théorie de la relativité a toujours été un farouche partisan du déterminisme.

D'après lui, la nature présente une harmonie d'où tout hasard est exclu.

Et si nous l'invoquons à propos de certains phénomènes, c'est seulement que l'état actuel de nos connaissances ne nous permet pas de tout prédire avec exactitude. « Les événements amenés par la combinaison ou la rencontre d'autres événements qui appartiennent à des séries indépendantes les unes des autres, sont ce qu'on nomme des événements fortuits, ou des résultats du hasard.

» Cournot, Sur les fondements de nos connaissances, 1851.. »

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