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La culture n'est-elle qu'une seconde nature ?

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« [Introduction] Dans le quotidien, l'expression « c'est naturel » est fréquente.

Mais il suffit d'examiner d'un peu près ce qu'elle qualifie pour constater que, précisément, il ne s'agit en rien d'un phénomène « naturel ».

C'est que l'imprégnation culturelle des individus est telle qu'ils finissent, lorsqu'ils n'y prennent pas garde, par oublier que leurs sentiments, leurs affections, leurs comportements et la plupart des aspects de leurs modes de vie et de pensée ont pour origine la culture dont ils font partie, et non une « nature » originelle et immuable.

Puisqu'on affirme volontiers que l'habitude est une seconde nature, le caractère « habituel » des acquis culturels nous invite-t-il à considérer que, de la même façon, la culture serait une « seconde nature » ? Encore faut-il noter l'ambiguïté d'une telle formule : « seconde » peut faire allusion, dans un sens chronologique, à la présence initiale d'une nature authentique dans l'homme. [I.

Une nature introuvable] [A.

Les données biologiques] Il semble peu contestable que le corps et le fonctionnement biologique que l'homme reçoit à sa naissance lui sont fournis par la nature, au même titre que cette nature donne à un chiot un corps et une organisation physiologique. On doit cependant remarquer que ce donné initial n'est pas constant : le corps humain s'est historiquement modifié, en fonction de sa nourriture, de son environnement, du climat, etc.

Il a donc subi certaines influences de son milieu de vie, un milieu que l'homme a lui-même constitué.

On constate ainsi que le biologique est lui-même mélangé à du culturel, ce qui se vérifie par une remarque simple : si l'homme a universellement faim, il ne se nourrit pas partout de la même manière. Quant aux avancées récentes de la biologie, elles nous montrent que la part de « nature » dans la reproduction elle-même a tendance à être sérieusement modifiée : la procréation assistée, les bébés-éprouvettes, la possibilité d'effectuer des diagnostics (et sans doute bientôt des traitements) sur l'embryon, sont autant de nouveautés qui mettent en cause le caractère « naturel » de la procréation et du corps. [B.

Les potentialités naturelles] Les anthropologues préfèrent évoquer, plutôt qu'une nature initiale chez l'homme, la simple présence de certaines « potentialités », c'est-à-dire de capacités possibles, qui ne s'actualisent cependant que dans un milieu culturel favorable.

Parmi ces potentialités, la plus notable est peut-être, davantage encore que celles qui concernent l'affectivité ou le fonctionnement intellectuel, celle qui se rapporte au langage.

C'est naturellement, dès sa naissance, que tout homme « peut » apprendre à parler, et dispose donc d'un rapport potentiel au langage.

Mais on constate que, pour avoir réellement accès à une langue, il devra l'apprendre, et cet apprentissage dépend évidemment du milieu dans lequel il se développe.

Ainsi, un bébé africain adopté dans ses premiers mois par une famille française parlera français, et n'aura aucune connaissance de la langue de ses parents biologiques. De surcroît, l'exemple des « enfants sauvages », c'est-à-dire d'enfants retirés de tout environnement humain et « élevés » par des animaux, montre que si l'enfant n'est pas en contact avec une langue particulière dans ses trois ou quatre premières années, sa potentialité langagière disparaît ; il faut donc que la culture vienne en quelque sorte confirmer et développer, en en constituant une version particulière, une donnée naturelle. [C.

A bsence de relation chronologique] On peut donc admettre, sans trop caricaturer le développement humain, qu'il n'y a pas, dans un premier temps, la présence d'une nature, puis, dans un second temps, l'affirmation d'une culture qui viendrait prendre la place de la nature.

Cette dernière est en effet si discrète dans l'homme qu'elle est à peu près introuvable, en dehors de quelques données biologiques et des besoins primaires qu'elles déterminent : le corps exige naturellement de l'oxygène, de la nourriture ou du repos, mais la façon dont ces besoins seront satisfaits ne dépend plus de la nature. On peut alors considérer que l'expression « seconde nature » désigne plus sérieusement l'ensemble culturel qui vient remplacer la nature absente : il s'agit d'une sorte de nature de substitution. [II.

La culture et ses apports] [A.

Travail sur le corps] C e qui singularise l'homme, c'est en fait - comme le soulignait à sa façon Hegel - sa négation de la nature comme donnée immédiate.

C ette négation se remarque notamment, pour ce qui concerne ce qui semblerait le plus « naturel », c'est-à-dire le corps, par les traitements que lui accordent les différentes cultures humaines.

C es traitements ont pour fonction de signaler le caractère justement non naturel du corps, c'est-à-dire son intégration dans un monde strictement humain, parce que culturel.

Tatouages, scarifications, taille des dents, élongation du cou ou à l'inverse contrition des pieds, soins apportés à la chevelure, épilation, etc.

: tous ces phénomènes ont un seul objectif, il s'agit dans tous les cas de ne pas laisser le corps dans son état originel. [B.

Rapport à la nature extérieure] Mais l'homme ne se contente pas de nier la nature en lui, il lui faut aussi nier, ou du moins modifier, la nature hors de lui, par son travail et ses techniques. Dès leur mise au point (au néolithique supérieur), l'agriculture et l'élevage, que Lévi-Strauss considère comme les plus importantes révolutions qu'ait connues l'humanité dans son histoire, « obligent » la nature à se plier aux exigences des groupes humains.

L'invention de la métallurgie ne se contente pas d'extraire les métaux du sol : elle les transforme, dans un comportement comme extrêmement « violent » par la mentalité « primitive ».

Aussi ' a-t-il abondance de mythes, pour « justifier » de telles pratiques, dans la mesure où l'homme pressent que son comportement à l'égard de la nature st celui d'un prédateur (par la chasse), ou d'une grande brutalité, et qu'il pourrait en subir des conséquences négatives. On connaît, à long terme, le résultat de ce travail sur le milieu et sur ses matières premières : les surfaces authentiquement « naturelles » se font près à la surface de la terre, et les paysages dans lesquels nous évoluons résultent de transformations d'origine humaine. [C.

Élaboration d'un monde humain] L'homme et le monde ainsi transformés accèdent à une dimension spécifiquement humaine ; en portant partout leurs interventions, les cultures humaines élaborent un univers modifié de fond en comble, qui est celui dont l'homme a besoin pour faire de l'espace dont il peut disposer son « chez soi ».

Lorsque Hegel souligne que le travail constitue simultanément une objectivation du subjectif et une subjectivation de l'objectif, il confirme dans son vocabulaire l'acculturation générale de la nature, telle que se référer aujourd'hui à la nature relève d'une sorte d'illusion ou d'aveuglement. Nature Culture ce qui est inné ce qui est acquis le corps l'esprit pouvoirs du corps tels que le langage, la politesse, ceux que permettent les les moeurs, les mains humaines traditions, les coutumes, les règles sociales etc. besoins fondamentaux : désirs à caractère sociaux : faim, soif, sommeil, sexualité ambition, reconnaissance, pouvoir etc. ce qui est lié à l'évolution biologique ce qui est lié à un héritage culturel. »

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