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La croyance nous éloigne-t-elle de la vérité ?

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« Introduction Au sens le plus général, la croyance est l'équivalent de l'opinion, et désigne un assentiment imparfait, qui, comme l'opinion, comporte tous les degrés de probabilité.

Ce n'est qu'avec Kant que la croyance en vient à désigner un assentiment parfait (puisqu'il exclut le doute), sans cependant avoir le caractère intellectuel et logiquement communicable du savoir : « Lorsque l'assentiment n'est suffisant qu'au point de vue subjectif, et qu'il est tenu pour insuffisant au point de vue objectif, on l'appelle croyance » (Critique de la raison pure).

La croyance est le plus souvent opposée au savoir, à la vérité, puisqu'elle fait état d'une adhésion plus ou moins hasardeuse à quelque objet de pensée.

Mais on constate que la croyance est inhérente à l'homme, et qu'elle le pousse toujours à agir ou à penser de telle ou telle manière.

Peut-on voir dans la croyance la seule vérité que l'homme puisse prétendre ? I.

le combat contre l'opinion a.

Avant Spinoza déjà, qui posait la croyance à la hauteur de l'opinion, en tant que plus bas degré de la connaissance, Platon a rabaissait la croyance à la connaissance du visible, et donc de l'inessentiel.

La croyance se situe ainsi, dans le « paradigme de la ligne » (République, L.

VI, 509-511), dans le domaine visible, et non intelligible.

Les objets matériels donnent lieu à une représentation plus précise (croyance) certes, que leur image (imagination), mais elle reste vouée à donner au sujet une connaissance ontologique faible.

La vérité n'est possible que par l'intelligence, seule capable de contempler les Idées, principes de toutes réalités. b.

Avec Bachelard, la science doit s'élaborer contre l'opinion : « l'opinion pense mal ; elle ne pense pas : elle traduit des besoins en connaissances.

En désignant les objets par leur utilité, elle s'interdit de les connaître » (La formation de l'esprit scientifique).

Ainsi on ne peut rien fonder sur l'opinion, sur des croyances, qui sont par conséquent les premiers obstacles à surmonter pour la constitution d'une science vraie. c.

La vérité peut être comprise à travers l'évidence, mode originaire d'appréhension d'un objet par la conscience.

Ainsi pour Husserl, l'évidence est l'autodonation indubitable de l'objet d'une visée intentionnelle pour une conscience originairement saisissante (c'est en quelque sorte la vérité du fait brut tel qu'il apparaît à la conscience).

Ainsi, pour apercevoir l'évidence, il est nécessaire de modifier notre attitude naturelle à l'égard du monde, au moyen de ce que Husserl appelle la « réduction phénoménologique ».

Dans l'attitude naturelle nous portons constamment des jugements sur l'être des objets en soi (croyance en l'être).

L'attitude phénoménologique, en revanche, s'abstient de tout jugement sur l'être et le non-être des objets, ce qui rend possible l'observation sans préjugés de la conscience pure, de ce qui est donné comme phénomènes.

Ce procédé renvoie à l'époché (suspension du jugement) du scepticisme antique. II.

l'équilibre vérité/croyance a.

Le théologien St Anselme (1033-1109) est convaincu que la foi elle-même pousse à une compréhension rationnelle.

La foi est bien le point de départ, et le contenu des propositions de foi, des croyances, ne peut être renversé par aucun argument rationnel.

Les contenus de l'enseignement chrétien peuvent être entièrement déduits de fondements rationnels sans l'aide des autorités reconnues (Bible, Pères de l'Eglise).

Ainsi croyance et raison sont les deux voies permettant d'adhérer à la vérité divine.

Avec son argument ontologique, St Anselme veut prouver rationnellement l'existence de Dieu, et cela même pour celui qui ne croit pas en Dieu ; dès lors, Dieu est déterminé comme « ce qui est tel qu'a priori rien de plus grand (de plus parfait) ne peut être pensé » (cf.

Proslogion). b.

Le pragmatisme de William James a une orientation subjectiviste.

Les croyances, qui sont au fondement de toute connaissance ou action, ne sont soumises à aucun critère général de vérité, mais sont l'expression des intérêts pratiques du sujet.

On mesure leur authenticité en se demandant si elles sont vivantes pour l'individu, c'est-à-dire si elle sont véritablement déterminantes, incontournables et significatives pour sa vie.

Le critère de la vérité est une confirmation dans la pratique qui prend en compte le profit obtenu, c'est-à-dire le fait que l'individu ait noué un commerce satisfaisant avec la réalité.

Ainsi, par exemple, l'hypothèse de Dieu est également vraie, si elle est satisfaisante pour l'accomplissement de la vie individuelle.

Etant donné que les hommes ont des intérêts et des conditions de vie différents, plusieurs « vérités » coexistent l'une à côté de l'autre.

Et comme les conditions de vie et les croyances évoluent, il faut aussi considérer la vérité de façon dynamique (cf.

Le pragmatisme). III.

la vérité de la croyance a.

La vérité est elle-même une croyance.

Elle est une « multitude mouvante de métaphores, de métonymies, d'anthropomorphismes, bref, une somme de relations humaines qui ont été poétiquement et rhétoriquement haussées, transposées, ornées […].

Les vérités sont des illusions dont on a oublié qu'elles le sont […] » (Nietzsche, Le livre du philosophe).

Nietzsche fait la critique de ceux qui prétendent détenir une vérité unique.

La religion comme la science sont pour lui des exemples types de ceux qui veulent se rassurer par une vérité figée.

Le monde est pour Nietzsche rempli de sens, il n'est pas univoque.

Ainsi existent une infinité de perspectives, et non une seule.

La seule vérité est qu'il n'y a pas une vérité, mais une multiplicité de croyances et de désirs. b.

Montaigne s'emploie aussi à une critique de tout dogmatisme en réhabilitant la croyance.

Croyances et coutumes permettent de juger.

Le jugement avec Montaigne ne contredit pas le doute puisqu'il est toujours arrêt et mouvement.

Il y a une communication constante entre la pensée et la vie.

On pense la vie en vivant.

Il met en valeur la contingence des croyances.

Le jugement permet d'intercaler entre moi et mes croyances tout un tas d'autres coutumes me permettant d'apprécier le caractère relatif de ma croyance. Le but n'est pas de donner plus de poids à ma croyance.

Le doute doit aider à cultiver en soi-même la diversité des croyances.

Il faut avoir une « âme à plusieurs étages ».

On doit croire avec la conscience de la relativité des croyances (III, 3). Conclusion La croyance a souvent été considérée comme une connaissance ne permettant pas d'élaborer un savoir de l'absolu.

En effet, on voyait dans la croyance une simple opinion subjective sans valeur ni teneur.

Ce n'est que par la suite, au regard de la difficulté de vouloir établir une vérité unique, qu'on s'est penché sur la nature des croyances, puisqu'elles renvoient toujours à un sujet pensant et agissant.

Ainsi les croyances, loin d'être des vérités admises universellement, restent des critères, des normes de pensée et d'actions. Et la prétendue vérité se retrouve reléguée au rang de croyance, puisqu'elle renvoie tout autant à la conception intime d'un sujet.. »

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