La conscience est-elle tout le psychisme ?
Extrait du document
«
La psychologie a longtemps été une branche de la philosophie : elle identifiait la conscience avec la totalité du
psychisme.
Cela signifiait que tout était toujours accessible à la conscience si je le voulais.
On pouvait se connaître
soi-même, comme nous le conseillait Socrate de manière impérative.
Et se connaître, c'était savoir se maîtriser.
En
quelque sorte, si je voulais, je pouvais.
Certes, Socrate reconnaît que tous les hommes, mêmes les plus sages, ont en eux « une espèce de désirs terrible,
sauvage et déréglée » que la raison peut dominer mais sans les détruire complètement.
Ces faits terribles que
l'homme est capable d'accomplir, comme le meurtre, le viol, l'inceste et tous les actes de barbarie, constituent alors
des avertissements pour se conduire moralement et contrôler ces désirs sauvages.
Socrate nous demande d'être en
perpétuel éveil, vigilant en permanence.
La conscience demeure fragile.
Que cache cette fragilité ?
Spinoza faisait remarquer que les hommes se trompent en se croyant libres.
C'est d'ailleurs le premier des préjugés
dont tous les autres découlent.
Pourquoi les hommes se croient-ils libres ? Parce qu'ils ont conscience de leurs
actions, de leur désirs.
Pourquoi ne le sont-ils pas ?
Parce qu'ils ignorent les causes par lesquelles ils sont déterminés à vouloir une chose plutôt que telle autre.
C'est parfois le corps qui nous renseigne le mieux.
Le désir n'est pas autre chose que l'appétit accompagné de
conscience.
Le désir, qui est proprement de persévérer dans son être, est l'essence même de l'homme.
Ce n'est pas
la conscience.
Si, pour Spinoza, le désir est l'essence de l'homme, la conscience n'est cependant pas altérée par l'Histoire.
Marx va
plus loin.
Il pense que la conscience est un produit social, historique.
La liberté est elle-même historique.
L'histoire
de la conscience devient l'histoire de l'émancipation de l'homme dans le monde.
La conscience reflète l'idéologie
dominante, les modes, les moeurs et les préjugés de l'époque.
Leibniz a eu le pressentiment génial de l'inconscience au sens moderne du terme.
Il parle de «petites perceptions
inconscientes ».
Il prend l'exemple du bruit de la mer : pour que nous entendions ce bruit, il a bien fallu que nous
percevions la multitude des vagues qui le compose.
Pourtant, nous sommes incapables de distinguer chaque vague
de cet ensemble.
Nous les avons perçues sans en prendre conscience.
Ainsi est notre conscience : en partie
obscure à elle-même.
Leibniz dans l'Essai sur l'entendement humain lorsqu'il évoque les petites
perceptions.
Il montre ainsi que notre perception consciente est composée
d'une infinité de petites perceptions.
Notre appétit conscient est composé
d'une infinité de petits appétits.
Qu'est-ce qu'il veut dire quand il dit que
notre perception consciente est composée d'une infinité de petites
perceptions, exactement comme la perception du bruit de la mer est
composée de la perception de toutes les gouttes d'eau ? Les passages du
conscient à l'inconscient et de l'inconscient au conscient renvoient à un
inconscient différentiel et pas à un inconscient d'opposition.
Or, c'est
complètement différent de concevoir un inconscient qui exprime des
différentiels de la conscience ou de concevoir un inconscient qui exprime une
force qui s'oppose à la conscience et qui entre en conflit avec elle.
En
d'autres termes, chez Leibniz, il y a un rapport entre la conscience et
l'inconscient, un rapport de différence à différences évanouissantes, chez
Freud il y a un rapport d'opposition de forces.
"D'ailleurs il y a mille marques qui font juger qu'il y a à tout moment une
infinité de perceptions en nous, mais sans aperception et sans réflexion,
c'est-à-dire des changements dans l'âme même dont nous ne nous
apercevons pas, parce que les impressions sont ou trop petites ou en trop
grand nombre ou trop unies, en sorte qu'elles n'ont rien d'assez distinguant à
part, mais jointes à d'autres, elles ne laissent pas de faire leur effet et de se
faire sentir au moins confusément dans l'assemblage.
C'est ainsi que l'accoutumance fait que nous ne prenons pas
garde au mouvement d'un moulin ou à une chute d'eau, quand nous avons habité tout auprès depuis quelque temps.
Ce n'est pas que ce mouvement ne frappe toujours nos organes, et qu'il ne se passe encore quelque chose dans
l'âme qui y réponde, à cause de l'harmonie de l'âme et du corps, mais ces impressions qui sont dans l'âme et dans le
corps, destituées des attraits de la nouveauté, ne sont pas assez fortes pour s'attirer notre attention et notre
mémoire, attachées à des objets plus occupants.
Car toute attention demande de la mémoire, et souvent quand
nous ne sommes plus admonestés pour ainsi dire et avertis de prendre garde, à quelques-unes de nos propres
perceptions présentes, nous les laissons passer sans réflexion et même sans être remarquées ; mais si quelqu'un
nous en avertit incontinent après et nous fait remarquer par exemple, quelque bruit qu'on vient d'entendre, nous
nous en souvenons et nous nous apercevons d'en avoir eu tantôt quelque sentiment (...).
Et pour juger encore
mieux des petites perceptions que nous ne saurions distinguer dans la foule, j'ai coutume de me servir de l'exemple
du mugissement ou du bruit de la mer dont on est frappé quand on est au rivage.
Pour entendre ce bruit comme l'on
fait, il faut bien qu'on entende les parties qui composent ce tout, c'est-à-dire les bruits de chaque vague, quoique
chacun de ces petits bruits ne se fasse connaître que dans l'assemblage confus de tous les autres ensemble, c'està-dire dans ce mugissement même, et ne se remarquerait pas si cette vague qui le fait était seule." Leibniz,
Nouveaux Essais sur l'entendement humain
Nietzsche lui aussi aura l'intuition que « ce dont nous avons conscience, [...] c'est peu de chose ».
L'inconscient,
plus profond, plus inaccessible que la conscience, est bien plus riche et élaboré.
Il enrichit la vie alors que la
conscience la mutile : en donnant une valeur morale à nos pensées et à nos actes, elle limite nos forces.
»
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