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La conscience d'être libre peut-elle être illusoire ?

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« Cet objet qui me tente et que je peux acheter puisque je dispose de la somme nécessaire, suis-je conduit nécessairement à l'acheter ? Au moment de la décision, l'hésitation qui me prend, ne serait-ce qu'un court instant, me signale la liberté de ma volonté : c'est qu'elle me révèle à moi-même la possibilité de faire ou de ne pas faire, donc d'agir sans être strictement déterminé, mais en me déterminant moi-même.

Me voilà en un sens conscient d'être libre.

Je décide.

Mais le contenu de ma décision ne traduit-il pas l'efficacité d'un conditionnement publicitaire subtil, qui s'imposerait à moi dans la forme même de la liberté de choix et d'action ? Est-ce par hasard que les grandes firmes consacrent des budgets énormes non à l'information du consommateur, mais à la publicité ? L'efficacité reconnue de celle-ci, conjuguée avec la persistance de la conscience d'être libre chez la plupart de ceux qu'elle touche, soulève une interrogation plus générale : « la conscience d'être libre peut-elle être illusoire ? » Qu'est-ce que la conscience d'être libre ? C'est, dans son acception première, le fait d'éprouver comme telle la liberté, découverte en soi comme une caractéristique fondamentale de la disposition à agir et à penser.

La conscience peut porter, en sa généralité, non seulement sur telle ou telle occasion de choix qui lui est donnée, mais sur une disposition constante de l'être lui-même.

"Je suis libre, et je le sais" peut se dire à propos d'une action et pas d'une autre ou, plus généralement, du comportement global.

Libre dans mes pensées, libre dans mes actions : ces deux caractéristiques pourraient être d'ailleurs précisées à partir de la distinction du droit et du fait.

Réduit en esclavage, et ne disposant d'aucun droit, "je n'en pense pas moins" : je persiste à me révolter intérieurement contre ce qui m'opprime, sauf si, de fait, la résignation a eu raison de mes pensées elles-mêmes.

Conscient des contraintes extérieures, je le suis aussi de ma révolte, qui marque ma liberté intérieure.

Dans une autre perspective, prenant la mesure de ce que je peux faire concrètement, car la force et la liberté de mouvement dont je dispose me le permettent, j'accède à la conscience d'être libre. La question posée est de savoir si une telle conscience peut, sans que cela implique contradiction avec ce qui la définit, être illusoire, c'est-à-dire relever d'une illusion.

Qu'est-ce que l'illusion ? La tromperie propre à l'apparence qui, lorsqu'elle se donne à moi comme ce qui est réellement, m'abuse (latin : illudere, se jouer de).

Se demander si la conscience d'être libre peut être illusoire, c'est donc s'interroger sur la portée et la validité de cette conscience : témoignage authentique d'une liberté réelle, ou faux semblant ? L'enjeu d'une telle interrogation est décisif pour l'action elle-même, et la conduite de l'existence : comment agir si l'on se sait d'emblée prisonnier d'une illusion alors même qu'on a la conscience interne d'être libre ? Dans le moment où cette conscience se manifeste, elle est aussitôt disqualifiée, et l'effort qui la prolongeait dans la pratique se trouve du même coup privé de toute raison d'être. L'immédiateté de la conscience d'être libre ne la place-telle pas en deçà de toute emprise de l'illusion ? Descartes : « Que la liberté de notre volonté se connaît sans preuve, par la seule expérience que nous en avons » (Principes de la philosophie, I, § 39).

Le sentiment interne, ici évoqué, peut-il seulement avoir un aspect illusoire ? La vivacité même de l'intuition qui le sous-tend n'est-elle pas incontestable ? Rien ne petit faire que je n'éprouve pas cette liberté de choisir (même si par ailleurs l'objet de ce choix est dérisoire : changer de produit lessiviel alors que tous ont les mêmes propriétés physico-chimiques).. »

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