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La connaissance scientifique dissipe-t-elle la superstition ?

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« Introduction « La connaissance de toute la nature, écrivait Cicéron, nous délivre de la superstition, nous libère de la crainte de la mort, nous empêche d'être troublés par l'ignorance (les choses, de laquelle proviennent souvent d'horribles épouvantes » (De finibus, I, XIX, 63).

La connaissance scientifique, dont nous voyons presque tous les jours les prodigieux progrès, est par excellence la connaissance de la nature.

Mais est-il sûr qu'elle dissipe la superstition ? De la religion de l'autre à la religion elle-même. Une pratique religieuse aberrante Le mot « superstition » vient du latin superstitio, qui désignait soit le culte et la religion, soit la superstition, soit la divination et les diverses pratiques magiques qui lui sont apparentées.

Or, comme les Romains avaient traditionnellement du dédain pour les pratiques divinatoires autres que celles de leurs haruspices officiels, ce terme prit rapidement une connotation péjorative, désignant des observances extérieures accomplies par pur formalisme, et superstitio s'opposa alors à religio (« religion ») qui désignait les « bonnes » pratiques ou les « vrais » sentiments religieux.

Ainsi Cicéron écrivait-il : « Comme il faut répandre la religion, qui est liée à la connaissance de la nature, il faut extirper toutes les racines de la superstition » (De divinatione, II, LXXVII, 49).

La superstition est ainsi conçue comme une déviation de la religion, un ensemble de croyances et de rites sans fondements objectifs, irrationnels, qui témoignent, contrairement à ceux de la vraie religion, d'une ignorance des lois de la nature comme de la nature des dieux.

C'est pourquoi la superstition est toujours dite « vaine » et que l'on voit en elle une « folie ». Toute religion est superstition Cependant, qu'est-ce qui permet de définir le caractère aberrant d'une attitude religieuse ? À partir de quels critères pourrons-nous dire qu'une pratique ou une croyance religieuse est superstitieuse parce que infondée ? Si l'on recherche des critères objectifs, rationnels, scientifiques, c'est toute religion qui apparaît bientôt superstitieuse, puisque le propre de la religion est d'être fondée sur la croyance en des vérités révélées, non sur leur démonstration rationnelle, et il apparaît du même coup que ce que la conscience religieuse taxait de « superstition » n'était jamais que la religion de l'autre.

C'est pourquoi le mot superstition a fini par désigner, notamment chez nombre des philosophes des Lumières, la religion en général, ou du moins toutes les religions constituées, par opposition à une « religion naturelle », raisonnable, qui se réduit à admettre seulement l'existence d'un Dieu architecte de l'univers. Vous ne voyez dans mon exposé que la religion naturelle : il est bien étrange qu'il en faille une autre.

Par où connaîtrai-je cette nécessité ? De quoi puis-je être coupable en servant Dieu selon les lumières qu'il donne à mon esprit et selon les sentiments qu'il inspire à mon coeur ? Quelle pureté de morale, quel dogme utile à l'homme et honorable à son auteur puis-je tirer d'une doctrine positive, que je ne puisse tirer sans elle du bon usage de mes facultés ? Montrez-moi ce qu'on peut ajouter, pour la gloire de Dieu, pour le bien de la société, et pour mon propre avantage, aux devoirs de la loi naturelle, et quelle vertu vous ferez naître d'un nouveau culte, qui ne soit pas une conséquence du mien.

Les plus grandes idées de la Divinité nous viennent par la raison seule. Voyez le spectacle de la nature, écoutez la voix intérieure.

Dieu n'a-t-il pas tout dit à nos yeux, à notre conscience, à notre jugement ? Qu'est-ce que les hommes nous diront de plus ? Leurs révélations ne font que dégrader Dieu, en lui donnant les passions humaines.

Loin d'éclaircir les notions du grand Être, je vois que les dogmes particuliers les embrouillent ; que loin de les ennoblir, ils les avilissent ; qu'aux mystères inconcevables qui l'environnent ils ajoutent des contradictions absurdes ; qu'ils rendent l'homme orgueilleux, intolérant, cruel ; qu'au lieu d'établir la paix sur la terre, ils y portent le fer et le feu.

Je me demande à quoi bon tout cela sans savoir me répondre.

Je n'y vois que les crimes des hommes et les misères du genre humain. On me dit qu'il fallait une révélation pour apprendre aux hommes la manière dont Dieu voulait être servi ; on assigne en preuve la diversité des cultes bizarres qu'ils ont institués, et l'on ne voit pas que cette diversité même vient de la fantaisie des révélations.

Dès que les peuples se sont avisés de faire parler Dieu, chacun l'a fait parler à sa mode et lui a fait dire ce qu'il a voulu.

Si l'on n'eût écouté que ce que Dieu dit au coeur de l'homme, il n'y aurait jamais eu qu'une religion sur la terre. Il fallait un culte uniforme ; je le veux bien : mais ce point était-il donc si important qu'il fallût tout l'appareil de la puissance divine pour l'établir ? Ne confondons point le cérémonial de la religion avec la religion.

Le culte que Dieu demande est celui du coeur ; et celui-là, quand il est sincère, est toujours uniforme.. »

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