La connaissance rend-elle l'homme plus libre?
Extrait du document
«
Plus notre connaissance, et en particulier notre connaissance de l'homme, augmente moins l'homme semble libre.
En
effet la connaissance révèle les mécanismes qui nous étaient auparavant cachés, celle-ci en quelque sorte réduit la
liberté que l'on pensait avoir dans notre existence.
Cependant la connaissance peut-elle vraiment être accusée de
réduire notre liberté ? La connaissance semble plutôt combattre les illusions que nous nous faisions concernant
notre liberté, elle ne modifie pas un état de fait.
Elle ne semble pas nous rendre moins libre, mais plutôt nous révéler
que c'est faussement que nous nous croyions libres auparavant.
Dans ces circonstances la liberté semble donc
accrue par la connaissance puisque celle-ci peut nous révéler certaines de nos illusions.
I.
La connaissance révèle les causes de nos actions, en cela elle nuit à notre
liberté
La question de la liberté est liée à celle des causes de nos actes, si un acte a une cause on ne peut plus qualifier
celui-ci de libre.
Est libre un acte qui aurait pu ne pas être, or si un acte a une cause celui-ci ne saurait pas ne pas
être, une cause rend un acte nécessaire.
Dès lors la connaissance des causes de nos actes révèle leur nécessité,
c'est-à-dire qu'il ne s'agit pas d'actes libres.
C'est cette thèse que soutient Spinoza dans l'appendice du livre un de
l'Ethique.
Spinoza dans ce texte explique que c'est seulement parce que nous ignorons les causes de nos actes que
nous croyions qu'il s'agit d'actes libres.
Dès lors si l'on prétend que la liberté de l'homme consiste à agir sans cause
alors la connaissance diminue la liberté de l'homme.
La connaissance révèle que les actions humaines sont
déterminées par des causes c'est-à-dire qu'elle nuit à notre liberté.
Pour Spinoza l'idée d'une liberté qui consisterait
à agir sans cause est une idée vaine, tous nos actes sont déterminés par des causes, et la connaissance contribue
à révéler ces causes.
Le rationalisme cartésien nous montre déjà qu'une volonté infiniment libre,
mais privée de raison, est une volonté perdue.
Plus nous connaissons, plus
notre liberté est grandie et fortifiée.
Si nous développons notre connaissance
au point de saisir dans toute sa clarté l'enchaînement rationnel des causes et
des effets, nous saisirons d'autant mieux la nécessité qui fait que telle chose
arrive et telle autre n'arrive pas, que tel phénomène se produit, alors que tel
autre ne viendra jamais à l'existence.
Pour Spinoza, une chose est libre quand
elle existe par la seule nécessité de sa propre nature, et une chose est
contrainte quand elle est déterminée par une autre à exister et à agir.
Au
sens absolu, seul Dieu est infiniment libre, puisqu'il a une connaissance
absolue de la réalité, et qu'il la fait être et exister suivant sa propre
nécessité.
Pour Spinoza et à la différence de Descartes, la liberté n'est pas
dans un libre décret, mais dans une libre nécessité, celle qui nous fait agir en
fonction de notre propre nature.
L'homme n'est pas un empire de liberté dans
un empire de nécessité.
Il fait partie du monde, il dispose d'un corps,
d'appétits et de passions par lesquelles la puissance de la Nature s'exerce et
s'exprime en nous, tant pour sa propre conservation que pour la nôtre.
Bien
souvent nous croyons être libres, alors que nous ne faisons qu'être mus, par
l'existence de causes extérieures :
la faim, la pulsion sexuelle, des goûts ou des passions qui proviennent de
notre éducation, de notre passé, de notre culture.
Nul homme n'étant coupé du milieu dans lequel il vit et se trouve
plongé, nous sommes nécessairement déterminés à agir en fonction de causes extérieures à notre propre nature.
"Telle est cette liberté humaine que tous les hommes se vantent d'avoir et qui consiste en cela seul que les hommes
sont conscients de leurs désirs, et ignorants des causes qui les déterminent."
TRANSITION
Puisque la connaissance révèle des causes de notre action que vaut une définition de la liberté comme absence de
cause ? N'y a-t-il pas dans cette définition quelque chose d'illusoire ? A vrai dire quand la connaissance nous révèle
les causes de notre action elle ne diminue pas notre liberté, mais elle nous révèle plutôt que notre liberté était tout
à fait illusoire.
En effet ce n'est pas la connaissance qui donne des causes à nos actions, celle-ci ne fait que les
révéler, en cela il n'y a pas réellement d'action de la part de la connaissance.
II.
La liberté comme connaissance des causes de notre action
Que la connaissance diminue notre liberté cela ne dépend-il pas de la définition de la liberté que l'on se propose.
En
effet la liberté peut-être envisagée comme le fait de connaître les causes qui nous déterminent, dans ce cas on voit
que l'influence de la connaissance sur la liberté est strictement différente.
Le livre quatre de l'Ethique de Spinoza
propose une définition de la liberté comme connaissance des causes qui nous déterminent.
La liberté pour Spinoza
consiste à connaître, à connaître ce qui détermine nos actions.
On voit dès lors que le rôle de la connaissance
change du tout au tout.
En effet au lieu de diminuer notre liberté la connaissance révèle les causes de nos actions
et nous rend de plus en plus libre.
Cette thèse de Spinoza est proche d'une idée du sociologue Pierre Bourdieu,
Bourdieu affirme que c'est précisément en connaissant ce qui le détermine que l'homme peut prétendre à la liberté.
Être libre ce n'est pas se voiler la face, refuser de connaître par peur de voir s'envoler une liberté de pacotille, être
libre c'est plutôt être conscient de toutes les déterminations qui pèsent sur notre action.
Bourdieu et Spinoza se.
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