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La beauté est-elle une valeur périmée ?

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« Introduction D'une manière générale, la beauté désigne une certaine harmonie, un équilibre ou une proportion des formes, qui suscite en nous un sentiment d'admiration et d'enthousiasme.

Or, cette harmonie s'étend à un très large domaine, comprenant une multiplicité d'objets qui sont différents de nature.

En effet, nous parlons volontiers de la beauté d'un visage pour qualifier l'harmonie de ses traits, de même que de la beauté d'une œuvre d'art, d'un objet de la nature, ou encore d'une action.

La beauté peut donc s'appliquer indifféremment aux produits naturels et artificiels, ainsi qu'aux objets matériels et aux actions. Si la beauté peut ainsi qualifier des objets si différents, c'est qu'elle constitue une valeur qui leur est commune.

C ette dernière consiste en une norme qui nous permet de juger ou d'apprécier la qualité de n'importe quel objet, quel que soit sa nature.

A ussi un visage ou une œuvre d'art sont-ils jugés beaux, en fonction d'une certaine valeur que nous définissons naturellement comme la beauté. Notre sujet nous engage à réfléchir sur la dévalorisation contemporaine de la beauté.

En effet, lorsque nous la qualifions de valeur périmée, nous considérons qu'elle ne doit plus avoir cours dans le présent, autrement dit qu'elle n'a plus de valeur.

Notre problème consistera donc, d'une part, à définir les motifs de cette dévalorisation contemporaine de la beauté, et d'autre part, à considérer s'ils amènent nécessairement à sa péremption. I.

Analyse du premier motif de dévalorisation : la subjectivité de la beauté a.

Le premier motif de dévalorisation de la beauté consiste dans sa subjectivité.

En effet, aucun objet n'est beau en soi, car il suppose toujours un jugement du sujet pour être qualifié de beau.

De plus, ce subjectivisme du jugement se double d'un relativisme : chacun peut juger différemment de la beauté d'un objet.

C ertes, ce motif n'est pas nouveau, puisqu'il se retrouve tout au long de l'histoire ; mais il n'en est pas moins contemporain.

Notre époque se caractérise par la prééminence de la science, dont la valeur fondamentale est la vérité, qui se définit par l'objectivité du jugement.

A ussi la beauté nous paraît-elle une valeur périmée par rapport à la valeur d'objectivité incarnée par la science.

Dans cette première partie, nous nous interrogerons sur la pertinence de ce motif de dévalorisation de la beauté. b.

La beauté est toujours subjective.

Mais s'il en est ainsi, c'est parce qu'elle dépend toujours du jugement que l'on émet sur un objet.

Par exemple, la Madone de Raphaël n'est pas belle en elle-même, mais suppose un jugement de goût, qui lui attribue cette qualité.

C 'est donc le sujet qui juge de la beauté d'un objet.

Or, pour autant que tous les jugements ne se s'accordent pas nécessairement, la beauté apparaît aussi comme relative.

Un tel pourra s'opposer à mon jugement sur la toile de Raphaël, en ne lui accordant pas la qualité je lui prête.

Face à la subjectivité de la beauté, la science oppose l'objectivité de la vérité.

P ar exemple, le jugement « tous les corps sont pesants » est objectif, parce qu'il repose sur la nature de l'objet, et universelle, c a r i l s s'appliquent à tous les corps.

Bien plus, il doit emporter l'adhésion de chacun ; on ne peut s'y opposer s'en tomber dans la contradiction.

P ar conséquent, la beauté, caractérisée par la subjectivité et la relativité, paraît comme une valeur périmée par rapport à la vérité défendue par la science, en ce qu'elle est objective et universelle. c.

C ependant, cet argument nous paraît critiquable.

En effet, la subjectivité de la beauté n'exclut pas l'universalité.

Dans la Critique de la faculté de juger (I, 1, « A nalytique du beau », §2-6), Kant considère le jugement de goût suivant la catégorie de la quantité.

La beauté a une valeur universelle subjective, car elle ne repose pas sur le concept d'un objet, contrairement à la valeur universelle objective de la science, valant pour tous les objets subsumés sous un concept.

Elle se distingue ainsi de l'agréable comme objet d'une satisfaction personnelle, et du bon comme objet d'une satisfaction universelle représenté par un concept.

La beauté a une certaine forme d'universalité, m ê m e s i c e n'est pas celle de la vérité.

Par exemple, mon jugement sur la Madone de Raphaël est subjectif, mais prétend à l'universalité.

Par conséquent, on ne peut dire que la beauté est une valeur périmée par rapport à une autre valeur comme la vérité, que met en avant la science à l'heure actuelle II.

Analyse du deuxième motif de dévalorisation : l'inutilité de la beauté a.

Le deuxième motif de dévalorisation de la beauté consiste dans son inutilité.

En effet, nous pouvons considérer que la beauté est une valeur périmée, parce qu'elle n'a aucune utilité dans la société actuelle, par rapport à d'autres valeurs plus pragmatiques.

C ependant, la beauté est-elle inutile ? b.

Dans la Critique de la faculté de Juger (I, 1, « A nalytique du beau », §1-5), Kant commence par définir le beau par rapport à la catégorie de la qualité.

La beauté, nous dit-il, est l'objet d'une satisfaction libre et désintéressée.

En effet, elle est toujours une satisfaction indifférente à l'existence de l'objet.

Par exemple, la Madone de Raphaël me paraît belle – autrement dit comme objet de libre satisfaction –, car aucun intérêt ne contraint mon assentiment.

O n peut dès lors distinguer le beau de l'agréable comme sensation subjective par laquelle l'objet est considéré comme objet de satisfaction, et de l'utile, qui repose sur un concept et donc un intérêt (la satisfaction à l'existence d'un objet ou d'une action). c.

C ependant, ce point de vue kantien ne nous semble pas rendre compte de la nature de la satisfaction esthétique.

En effet, la beauté est bien une libre satisfaction de son objet, mais celle-ci peut être considérée comme intéressée. Dans De l'amour (ch1), Stendhal peut ainsi définir la beauté comme « une promesse de bonheur ».

C 'est qu'elle ne se désintéresse pas de son objet, mais l'envisage au contraire que la seul ressource de son avenir.

Par conséquent, la beauté ne peut être considérée comme périmée selon un critique pragmatique ou utilitaire. III.

Analyse du troisième motif de dévalorisation : l'historicité de la beauté a.

Le troisième motif de dévalorisation de la beauté consiste dans son historicité.

Jusqu'à présent nous l'avons envisagée d'un point de vue anhistorique, en nous référent seulement au seul point d'un sujet.

Mais la beauté est avant tout une réalité historique, autrement dit elle a un commencement, une évolution et une fin.

O r , s i n o u s l a considérons ainsi, elle peut apparaître comme une valeur périmée à notre époque. b.

La beauté n'est pas éternelle ; elle est au contraire une création de l'homme, à laquelle nous pouvons assigner une origine dans l'histoire.

A insi, dans La naissance de la tragédie, Nietzsche montre que la beauté consiste un instinct esthétique apollinien, c'est-à-dire dans une pulsion de l'apparence pour l'apparence.

Dans la Grèce antique, A pollon était le Dieu du Soleil, de la belle forme, de l'individuation, ou encore de la mesure.

La beauté, entendue comme harmonie et proportion des formes, tire ainsi son origine du poète Homère dans son récit mythique l'Iliade.

L'art grec prolongera l'esthétique homérique, notamment dans la statuaire de Phidias. c.

Si la beauté est ainsi une réalité historique, à laquelle on peut assigner une origine, on peut considérer qu'elle a aussi une évolution au cours de l'histoire, de même qu'une fin.

Dans son Esthétique, Hegel peut ainsi montrer que notre époque e s t c e l l e de la mort de l'art, et par-delà de la dévalorisation de la beauté au profit de la vérité.

Mais, si la beauté semble ainsi condamner à mourir à l'échelle de l'histoire, il n'en est pas de même à un niveau local.

En effet, chacun peut éprouver la beauté d'une œuvre d'art datant d'une autre époque.

La beauté s'assimile alors à une réalité transhistorique, et constitue par-là même une valeur qui n'est aucunement périmée. Conclusion En conclusion, les trois motifs que nous avons envisagés comme dévalorisation de la beauté ne nous semblent pas pertinents.

En effet, la beauté est bien subjective, mais elle est aussi une valeur qui prétend à l'universalité, de sorte que l'on peut lui substituer la valeur d'objectivité défendue par la science.

De plus, aucun critère pragmatique ne permet de la disqualifier : la beauté est du suprême intérêt pour l'homme, e n c e qu'elle constitue une promesse, c'est-à-dire un avenir dont il ne peut se passer pour vivre.

Enfin, on peut assigner une origine et une fin à la beauté dans l'histoire, mais elle est avant tout une valeur transhistorique.. »

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