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Faut-il respecter en autrui le semblable ou l’être différent de nous ?

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« Il va de soi que l'autre est toujours à la fois mon semblable et un être différent.

Il semble donc inévitable d'affirmer également l'unité de l'espèce humaine que l'idée que les individus sont à chaque fois uniques, c'est-à-dire tous différents les uns des autres.

Le problème posé concerne non pas la nécessité du respect (ce serait cette question-ci: faut-il respecter l'autre? question à laquelle il est ici implicitement répondu par l'affirmative) mais la détermination de son principe, de telle sorte que nous devons examiner ce que nous respectons en autrui et comparer les conséquences et la possibilité des deux termes de l'alternative: est-ce la similitude ou la différence qui doit être posé au principe du respect? L'alternative est-elle complète? Faut-il choisir entre les deux termes de l'alternative, comme si, faisant l'un je ne pouvais plus faire l'autre? Préalablement, afin de pouvoir répondre à ces questions, il faut se demander ce que signifie respecter autrui.

Que le respect s'adresse à autrui indique que le domaine de la recherche est l'intersubjectivité, où certains problèmes se posent.

Ce domaine, éthique par excellence, exige une exploration factuelle et une analyse éthique.

Nous devons connaître les faits, la réalité de nos relations avec autrui; mais aussi en tirer ce qui doit être fait.

Aussi il ne faut pas oublier que cette double analyse pratique, de l'action et pour l'action, qui constate ce qui est et qui détermine ce qui doit être, influe sur notre manière de penser l'objet. Qu'est-ce que le respect? La question se pose dans la mesure où il présente une certaine diversité.

Il faut d'abord en construire le concept.

Le sens commun en fait une attitude de soumission à quelqu'un d'autre à qui il s'agit d'obéir ou qu'il s'agit d'admirer, ou même les deux à la fois.

La soumission à une autre personne suppose que je la respecte sans qu'elle me respecte.

L'admiration présente une structure analogue: j'admire un tel non pas parce qu'il est en soi admirable mais parce que je ne crois pas posséder des qualités définies.

Donc la soumission et l'admiration se laissent caractériser par l'attribution à autrui de caractères que je me refuse à moi-même.

Donc le respect ne peut être identique à la soumission et à l'admiration car il implique que pour respecter autrui je doive renoncer à l'exigence de respect pour moi-même.

aussi faut-il rejeter la conception courante du respect dans la mesure où elle n'implique pas la réciprocité.

La réciprocité est donc un caractère nécessaire du concept de respect. Il faut sans doute faire le même sort à l'idée de respectabilité sociale ou de notabilité dans la mesure où elle repose sur l'arbitraire et l'absence de réciprocité.

En effet la notabilité ou la respectabilité est un prédicat typiquement attribué aux membres d'une certaine classe sociale à l'exclusion de ceux qui ne lui appartiennent pas.

Il implique donc à l'évidence l'absence de réciprocité, qui nous conduit à exclure du concept de respect la respectabilité sociale. Cette réciprocité permet d'affirmer que le respect est universel ou n'est pas.

Autrement dit, l'attitude du respect doit être universelle, valable pour tout homme, pour moi comme pour l'autre, quel que soit cet autre.

Du même coup, la forme de l'universalité qui doit caractériser le respect nous en donne en même temps le contenu: le respect d'autrui est compris dans la maxime de considérer en tout homme la dignité de la personne humaine (une maxime est un principe de détermination de la volonté reconnu par le sujet comme valable pour lui-même).

Aussi cette considération de la dignité humaine doit provoquer dans mon action une certaine retenue ou réserve qu'il faut comprendre d'une double manière; à la fois par rapport à autrui comme "la maxime de ne ravaler aucun autre homme au rang de pur moyen au service de mes fins (de ne pas exiger qu'autrui s'abdique lui-même pour se faire l'esclave de mes fins)" (Kant, Doctrine de la vertu, Doctrine élémentaire de l'éthique, II, § 25); et par rapport à soi-même comme "une maxime de restriction de notre estime de nous-mêmes" (ibidem), c'est-à-dire que respecter autrui c'est cesser de nous croire le meilleur, rabattre sa propre présomption, vaincre son propre orgueil.

Ainsi respecter autrui, c'est reconnaître la dignité de la personne humaine sans accroître ou diminuer la valeur d'autrui, que ce soit directement par le mépris de l'autre ou indirectement par la vanité ou la croyance en sa propre supériorité.

De la sorte nous évitons la soumission volontaire comme la volonté de domination, et la souffrance de l'orgueil comme celle du mépris de soi-même.

Ce caractère du respect permet de préciser la différence avec l'amour.

Le respect n'est pas l'amour comme sentiment esthétique qui est affaire de sensation (pour Kant en tout cas...) et de sentiment et donc échappe à la volonté (je ne peux aimer parce que je le veux, encore moins parce que je le dois). Le respect n'est pas l'amour au sens pratique, c'est-à-dire comme maxime de la bienveillance; celle-ci s'exprime par exemple dans le précepte religieux: "tu aimeras ton prochain comme toi-même", que l'on trouve dans l'Ancien testament (Lévitique, 19, 18) comme dans le Nouveau testament (Matthieu, 4, 43 et 22, 39).

Ce précepte -le devoir d'aimer son prochain- peut être énoncé ainsi: c'est le devoir de faire miennes les fins d'autrui (pourvu qu'elles ne soient pas immorales).

Le respect en revanche ne consiste pas à vouloir les fins d'autrui mais à ne pas les ignorer (sous le prétexte que les siennes propres sont jugées meilleures par exemple).

Du même coup, il devient clair que le respect implique l'égalité, mais une égalité qui est fondée non pas sur l'occultation de la différence entre mes fins et celles d'autrui mais sur l'affirmation de l'identité formelle de la dignité humaine égale en valeur en moi comme en autrui, en autrui comme en moi. Ainsi nous pouvons, au terme de sa déduction à partir de la réciprocité, caractériser le respect comme une attitude pratique dont la maxime doit être réciproque; le réciprocité a pour contenu l'universalité; le principe de la détermination de mes action est la considération de l'égale dignité humaine en moi comme en autrui; enfin pour parvenir concrètement à cette considération, le respect implique de ne pas réduire autrui à un simple moyen au service de mes propres fins et donc de ne pas se prendre pour la finalité des autres, donc de ne pas se croire supérieur aux autres. Du même coup nous semblons être en possession du moyen de répondre à la question posée.

Conformément à. »

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